Shenmue I & II
7.9
Shenmue I & II

Compilation de d3t et Sega (2018PlayStation 4)

C’est en 2019 que j’aurais découvert Shenmue. Etant plus jeune, je n’ai pas eu de Dreamcast et je n’ai donc jamais pu jouer à cette mythique série inachevée à l’époque de sa sortie. Forcément, tester un jeu de 20 ans d’âge pour la première fois et, surtout, le critiquer, est un exercice particulier. Je ne vais donc pas m’amuser à parler du remaster HD en lui-même, mais bien des jeux tels qu’ils sont fournis dans cette version PS4. Evidemment, la grande question est « Shenmue peut-il encore être découvert et aimé aujourd’hui ? ».


Mais avant de répondre à cette épineuse question qui peut être soulevée à chaque remaster d’un ancien jeu, il est plus que nécessaire de préciser ce qu’est Shenmue, car il n’est pas exagéré de dire que c’est un jeu singulier sur de nombreux aspects et qu’on ne peut pas simplement lui apposer le sceau d’un genre pour comprendre l’objet ludique qui s’affiche sur notre télé.



Alors, c’est quoi Shenmue ?



Shenmue, c’est un jeu d’aventure/action à la 3è personne qui met fortement l’accent sur le réalisme de son gameplay et sur son aspect complet par l’intégration de différents gameplays au sein du même jeu. C’est aussi l’histoire d’une vengance. C’est ce qui motive notre héros et c’est pour cela qu’on se lance dans l’aventure. Enfin, c’est un jeu centré sur le thème des arts martiaux, autant dans la pratique qu’au sein des dialogues et de l’histoire. On en pratique (beaucoup) lors des combats et on en parle énormément. Tout cela n’est évidemment pas assez pour comprendre ce qu’est Shenmue, je vais donc entrer un peu plus dans les détails.



Un jeu impressionnant



Shenmue est un diptyque extrêmement impressionnant pour l’époque, à tel point qu’on s’émerveille encore aujourd’hui devant tant de détails dans le gameplay. On ne peut qu’être impressionné par le cycle jour/nuit et par les PNJ qui réagissent en conséquence dans leurs actions et leurs dialogues. Par le fait que Ryo appelle chaque personne par son nom dans le premier volet et parlera différemment en fonction de son interlocuteur. Par toutes les actions possibles, aussi inutiles soient-elles, mais permettant une immersion à toute épreuve. Par ce monde semi-ouvert tellement vivant. Par cette neige qui recouvre le sol et le toit des maisons quand elle se met à tomber. Bref, tous ces détails de game design qui permettent à Shenmue d’être extrêmement complet et précis dans ce qu’il propose. C’est un jeu qui ambitionnait visiblement de proposer une expérience complète, qui ne s’enferme pas dans un genre mais propose une multitude d’actions possibles et de gameplays différents. Tout cela permet évidemment de garantir une immersion réussie à la perfection (jusqu’à un certain ras-le-bol pour des raisons que je préciserai plus bas, dans le 2è opus). Alors autant vous dire que quand on aime le Japon et qu’on connait un peu ce pays, on ne peut qu’être complètement immergé dans le premier volet de Shenmue.


Mais Yu Suzuki ne s’est pas contenté d’impressionner le monde par tout ce travail fourni sur la technique et la précision du gameplay. Shenmue tire aussi son épingle du jeu par le déroulement de son histoire. Oubliez les histoires en ligne droite qui vous mènent irrémédiablement à votre objectif. Le jeu arrive toujours à vous surprendre par les bifurcations que prend la quête, ce qui ajoute, là aussi, un réalisme certain. Shenmue n’a donc rien de linéaire, ce qui le rend à la fois surprenant et particulièrement rafraîchissant… Mais ça peut aussi aller jusqu’à l’overdose, tant Suzuki use et abuse de ce procédé. Ce qui est une excellente surprise au début devient carrément lassant, voire énervant une fois arrivé au milieu du 2è opus, à tel point que la durée du jeu aurait facilement pu être divisée par 2 sans atténuer la qualité (selon moi, ça l’aurait même augmentée). Dans le 1, je voyais cela comme quelque chose de réaliste et immersif, mais dans le 2 j’avais l’impression que le jeu se fichait de moi et faisait tout pour me faire tourner en bourrique.



Mais à trop vouloir en faire...



Et lorsqu’il faut parler du principal défaut du diptyque de Yu Suzuki, on pourrait presque parler plutôt de parti pris. Car ce défaut n’est pas lié à un mauvais gameplay ou à une finition ratée, mais plutôt au cœur du jeu lui-même et à l’une de ses plus grandes qualités : son réalisme et son immersion. Yu Suzuki n’a pas hésité à maltraiter le joueur sous prétexte de réalisme. Il y a des longueurs, des passages répétitifs qu’on aurait aimé voir raccourcis. Si Ryo doit faire une tâche répétitive, comme c’est du temps réel, on y passe réellement ½ journée ou une journée complète en temps de jeu, sans possibilité d’accélérer le temps ou de passer. C’est surprenant et ça peut en rebuter certains, mais là encore, ça sert l’immersion. Du moins, jusqu’à un certain point, car une fois encore, ce qui est un très bon point dans le 1er Shenmue devient abusif et énervant dans sa suite, à tel point qu’on a l’impression que Suzuki prend un malin plaisir à faire souffrir le joueur dans certains passages. En effet, le game design et le level design deviennent parfois l’ennemi du joueur et ont pour seule fonction de le ralentir et de lui faire subir la lenteur de son avancée.
Enfin, les QTE qui sont souvent une bonne idée et apportent une originalité (pour l’époque) et une variation dans le gameplay, deviennent parfois abusifs et bêtement punitifs dans le 2ème jeu. Tous ces éléments mis ensemble aboutissent à un ras-le-bol qui atteint son apogée vers les 2/3 de Shenmue 2 où l’abondance de détours inutiles, de longueurs insoutenables et de QTE énervants ont été à deux doigts de me faire abandonner. Mais quelle erreur j’aurais faite là ! Car si je peste abondamment sur le gameplay de Shenmue 2, son aventure n’en reste pas moins particulièrement marquante et la fin réussit à redonner un souffle au jeu et à donner envie de découvrir la suite des aventures de Ryo Hazuki.


Je ne compte pas m’attarder sur les défauts liés au fait que le jeu est sorti il y a 20 ans, même si, de toute façon, il y aurait assez peu de choses à dire si ce n’est une qualité sonore médiocre dans les dialogues (surtout pour le 1er) et le maniement de Ryo, parfois laborieux. Sinon, il a plutôt bien vieilli.



Que valent les deux jeux pris séparément ?



Shenmue


Shenmue, premier du nom, est extrêmement surprenant et ambitieux pour l’époque. Sa plus grande force, sans parler de toutes les possibilités offertes par le gameplay très riche déjà mentionné plus haut, est sans aucun doute son immersion. On vit littéralement avec Ryo dans cette petite ville du Japon. Difficile de ne pas se sentir au pays du soleil levant quand on voit qu’on y retrouve tous les us et coutumes, toute l’architecture, le mobilier, les commerces typiquement japonais. Le monde incroyablement vivant et les nombreuses choses à faire (plus ou moins utiles) sans parler des nombreuses surprises offertes par l’histoire permettent au premier volet de Shenmue d’être, encore aujourd’hui, un très grand jeu et une expérience rarement vécue.
Le jeu se divise clairement en 2 parties, et il faut bien avouer que la 2ème moitié subit une grosse baisse de rythme. Mais c’est très original et immersif, alors ça m’a plu. Mentionnons aussi la qualité sonore médiocre lors des dialogues. Je vous conseille de baisser le volume du reste et de monter les voix, ça passera mieux.


Ma note : 9 coup de coeur


Shenmue 2


Le deuxième volet est meilleur que le premier sur de nombreux points : un monde bien plus grand et toujours aussi vivant, des environnements plus colorés, des voix de meilleure qualité et des PNJ bien plus intéressants (pas difficile de faire mieux que l’abruti de Tom…). En revanche, je n’ai pas pu m’empêcher de ressentir une petite déception en y jouant. Premièrement, difficile de se sentir aussi immergé que dans le 1er quand tout le monde continue à parler japonais alors que tout se déroule à Hong-Kong. Pas un seul mot de chinois n’est prononcé (enfin si, un seul en fait). Après le voyage japonais du premier opus, j’aurais aimé entendre au moins un peu de langue locale dans le deuxième, histoire de soigner l’immersion. Mais s’il n’y avait que cela…
Le gros problème de Shenmue 2 est qu’il reprend les principes de gameplay du premier, mais en insistant lourdement dessus, jusqu’à l’overdose. Ce qui était rafraîchissant et immersif dans le 1 devient pénible et punitif dans le 2.
Malgré cela, le deuxième volet a de très beaux moments à offrir et son aventure reste particulièrement marquante. Même s’il m’a copieusement agacé par moment, je ne regrette absolument pas cette aventure.


Ma note : 7


Bilan


Si vous ne connaissez pas Shenmue, vous pouvez vous lancer dans l’aventure sans craindre de ne pas pouvoir l’apprécier à sa juste valeur à cause de sa vieillesse, car c’est une expérience qui vaut toujours largement le coup et qui a assez peu vieilli. Les deux titres sont très bons et peuvent encore pleinement s’apprécier aujourd’hui, pour peu que vous acceptiez les longueurs engendrées par des choix de game design réalistes (et abusifs). Le premier, qui fait office d’introduction à la quête de Ryo Hazuki, est meilleur selon moi, même si on entre pleinement dans l’histoire de Shenmue dans le deuxième opus. Je ne peux en revanche pas passer sous silence les nombreux passages extrêmement irritants de cette suite qui aura, plus d’une fois, eu raison de ma patience. Quoi qu’il en soit, cette saga inachevée propose un gameplay riche et complet, et un sens du détail et de l’immersion extrêmement poussé. Un jeu particulièrement marquant !

roifingolfin
8
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le 11 mars 2019

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