Strafe
4.5
Strafe

Jeu de Pixel Titans, Amos Roddy et Devolver Digital (2017PC)

STRAFE fait partie de ces jeux avec Rise of the Triad 2013 ou Wrack qui surfent sur la vague des FPS des années 90 et qui se vautrent lamentablement car ils ne comprennent rien du tout à pourquoi ces FPS comme Doom, Quake ou Blood sont si bons. À vrai dire, les seuls qui ont réussi à tirer leur épingle du jeu sont Shadow Warrior 2013 (pas sa suite nullissime par contre) et Doom 4, et encore même s'ils sont bons, ils sont loins d'être parfaits. Ne vous laissez pas berner par la campagne marketing vraiment excellente de STRAFE, le jeu en lui-même est une pure daube et franchement limite du vol à ce prix. Le jeu n'a quasiment pas évolué en surface depuis les versions pre-Alpha de 2015. On en est presque à se demander ce qu'ils ont fait du fric qu'ils ont récolté et surtout pourquoi Devolver Digital a décidé d'éditer ce jeu.


Vendu comme "le meilleur FPS de 1996", ça commence tout de suite très mal. En plus des développeurs de passer pour des gros prétentieux avec ce message, se mesurer aux titans de 1996 que sont Duke Nukem 3D et surtout Quake n'est pas mince affaire et STRAFE échoue sur absolument tous les plans, sans exception. Le level design du jeu est d'une pauvreté affligeante, que ce soit du côté architectural ou du layout, qui est toujours aléatoire mais toujours mauvais. Les cartes sont générées aléatoirement à partir d'une banque de salles préfabriquées qui sont agencées de façon procédurale et reliées par des couloirs. Il n'y a aucun fil conducteur dans aucune des cartes, aucun flow, aucun chemin principal avec des chemins alternatifs. On ne se dit jamais "tiens, le designer veut que j'aille par là alors je vais aller ici et explorer". Ici on passe de salle en salle et aucune d'entre elle n'a quelque chose d'intéressant à proposer. Aucun endroit où on est bluffé par l'architecture ou la mise en scène, aucune section où ramasser un item déclenche un évènement tel qu'une embuscade, aucun endroit où on tombe sur un chemin alternatif qui permet de trouver des zones secrètes ou détournées, aucun raccourci qui ouvre encore plus de chemins...


Le procédural à échelle massive est une véritable arnaque et STRAFE le prouve une fois de plus (tout comme un certain No Man's Sky récemment). Le procédural en général fonctionne très bien, mais seulement à échelle beaucoup plus locale et pour des trucs bien spécifiques. Les huit premières cartes du jeu n'offrent strictement rien d'intéressant et sont absolument hideuses, avec un polycount plus bas que celui de Quake et des textures d'une effroyable laideur qui se répètent de façon spectaculaire. Les salles sont quasiment toutes carrées et moches jusqu’à la cinquième map et deviennent ensuite extrêmement monotones et pas passionnantes jusqu’à la neuvième. Les textures ont moins de détail que celles de Duke Nukem 3D qui était un jeu magnifique à l'époque et qui franchement est toujours plus que correct aujourd'hui. L'éclairage est presque inexistant, il n'y a que très peu d'ombres et les lumières sont très laides. Les cartes à partir de la neuvième sont beaucoup plus jolies mais le level design en lui-même reste tout aussi pauvre. STRAFE n’a pas d’identité propre, se contentant simplement de reprendre les codes d’autres FPS comme Doom ou Half-Life plus loin dans l’aventure.


Le pire dans tout ça, c'est bien les monstres. L'IA de ce jeu est honteuse et sans doute l'une des plus stupides que j'ai pu voir. Wolfenstein 3D et Doom ont une IA débile mais il faut rappeler que ces jeux sont sortis en 1992 et 1993 respectivement. L’IA a depuis beaucoup évolué, il n’y a qu’à voir l’IA diabolique d’Unreal en 1998 pour se faire une idée du gouffre qui sépare Unreal de Doom à ce niveau là. L’IA de STRAFE est au ras des pâquerettes et n’est guère plus intelligente que celle de Wolfenstein 3D. Tous les monstres mobiles, sans aucune exception, n’ont qu’une seule routine : se jeter sur vous en ligne droite en utilisant le chemin le plus court. Que le monstre de base le fasse c’est normal, mais que tous le fassent ? Même les monstres ayant des attaques à distance foncent sur vous comme des crétins ! Ils vont vous tirer dessus en vous fonçant dessus.


STRAFE porte d’ailleurs très mal son nom car l’action principale que vous ferez dans ce jeu c’est reculer ou attendre dans un couloir que tous les ennemis de la map foncent sur vous. Les développeurs martelaient qu'il faut être agressif, mais le principe même du jeu pousse à la passivité extrême et à l'abus de l'IA complètement stupide pour survivre. La meilleure stratégie c’est d’aggro un maximum d’ennemis avant de se vautrer dans un couloir et de les allumer les uns après les autres. Il n’y a aucun scénario intelligent avec telle ou telle composition d’ennemis vu que tout est aléatoire. Il y a zéro réflexion pour le placement des monstres puisque celui-ci est, comme le level design, aléatoire. Vous tomberez très souvent sur des salles énormes et sans cover avec des ennemis en embuscade sur le plafond, sensés être utilisés dans des hauts couloirs un peu planqués, en train de sagement attendre à la vue de tous que vous les tuiez sans même qu’ils ne réagissent lorsqu’ils se font tirer dessus.


Les monstres sont dépendants de façon inhérente au level design et le simple fait que celui-ci soit aléatoire, non construit, non mûrement réfléchi ni itéré des dizaines de fois avec un résultat spécifique en tête veut dire d’emblée qu’il n’y a absolument aucune réflexion apportée sur leurs rôles. Il n’y a aucun travail d’équipe entre eux, aucune synergie, aucune combinaison plus forte que d’autres, aucune mécanique de tir ami qui provoquait des situations à la fois hilarantes et très utiles dans Doom ou Quake. Qui n’a jamais fait tirer un Ogre sur un autre monstre dans Quake ? Les monstres de STRAFE n’ont même pas de sons d’idle ni même de bruits de pas, il est donc impossible de les repérer au son sauf si vous les blessez. Il n’y a pas de monstre super rapide mais fragile, pas de monstre qui vous snipe avec des projectiles et qui préfère se mettre à couvert, pas de monstre un peu futé qui va vous bait avant de vous coller une mandale que vous n’aurez pas vue venir. Les monstres courent quasiment tous à la même vitesse et ont quasiment tous le même rôle.


Les monster closets (ces salles avec des monstres qui s’ouvrent pour surprendre le joueur) sont minables et sont inutiles dans la très grande majorité des cas. Soit ils sont mal placés, soit ils sont activés trop tard ou trop tôt, soit ils contiennent le mauvais type de monstre. Parfois les trois à la fois. Les monstres se trouvant au dessus de vous ne sautent pas pour venir à votre niveau mais préfèrent utiliser l’escalier le plus proche pour venir les uns après les autres se jeter sur vous. Les ennemis qui tirent à distance ne se mettent jamais à couvert ou ne prennent jamais de position avantageuse, préférant au contraire vous courir après comme des idiots. Le “placement” des monstres est d’un amateurisme sans nom, se concluant toujours par des hordes d’ennemis imbéciles qui empruntent tous le même chemin et qui sont placés à l’arrache. En gros, représentez-vous ceci : chaque carte du jeu est une succession de pièces sans vie, se ressemblant toutes et ayant le maximum de monstres possibles dedans sans aucune raison d’y être et sans aucun sens d’encounter design. Vous me direz “mais c’est de la merde”. Et je vous répondrai “eh oui !”. Et bien STRAFE, c’est ça. Ni plus, ni moins. Pendant tout le jeu. Oh il y a bien quelques variations, comme un boss bullet hell à un moment, mais on est très, très loin du “meilleur FPS de 1996”.


Outre ces deux aspects ratés, le jeu en lui-même est franchement pas terrible. Sachant que STRAFE est un roguelike (aka un bon prétexte pour excuser le design daubesque), la mort est permanente. Les armes sont molles, les munitions presque inexistantes, récupérer ses points de vie est un parcours du combattant et surtout rien n’est expliqué. Vous venez de ramasser un objet ou une arme ? Bonne chance pour savoir ce que c’est, même avec le menu d’item. Vous voyez cette porte rouge avec les deux monstres qui vous tirent dessus au travers ? Bonne chance pour trouver la clé, si même vous vous apercevez de l’avoir quand vous la ramassez. Un petit message du genre “You got the Shotgun” ou “You got the Red Key” ça ne tue personne et tous ces FPS rétros qui ont soit-disant inspiré STRAFE le font. Le problème majeur de STRAFE c’est que roguelike et shooter délibérément old school 90s, ça ne marche tout simplement pas, mais alors pas du tout. Un FPS roguelike est un concept intéressant sur papier, mais le jeu est lui-même est trop nul et flemmard pour que ça fonctionne et le concept même du roguelike ne marche pas avec le concept du FPS des années 90.


Les FPS d’antan comme Doom et Quake ont un level design mûrement réfléchi, travaillé et itéré des dizaines et des dizaines de fois jusqu’à arriver au résultat parfait. Les maps ressemblent plus à des donjons de D&D qu’à des arènes (ce que je reproche à Doom 4, par exemple, qui abuse beaucoup trop de la progression par arènes). Chaque salle de chaque map a un rôle spécifique et une raison d’être. Chaque item est placé après mûre réflexion et a sans doute été déplacé plein de fois avant d’avoir trouvé sa place finale. Chaque monstre est placé de façon délibérée et le level design les accommode pour qu’ils soient le plus efficace possible. Les monstres de Quake, par exemple sont aussi dotés d’une IA adaptative somme toute primitive mais qui existe tout de même : les Ogres vont corriger leur tir pour vous avoir avec les rebonds de leurs grenades s’ils n’arrivent pas à vous toucher par tir direct, et ça peut parfois provoquer des situations surprenantes où vous vous pensiez à l’abri et vous perdez soudain une partie de votre visage dans un rebond de grenade savamment calculé. Le level design nul de STRAFE sert juste de prétexte pour vous envoyer le plus de monstres idiots possible au visage, et c’est tout. Autant jouer à Devil Daggers qui n'a aucunement la prétention d'être "le meilleur FPS de 1996".


Les armes font quasiment toutes des bruits faiblards sans aucun punch. Il n’y a aucun réel feedback lors des tirs, aucune sensation de puissance. À quoi ça sert d’avoir un système de gore aussi développé et aussi mis en avant (parce que les FPS des années 90 c’était que du gore, bien entendu) si c’est pour avoir des armes aussi mollassonnes et peu satisfaisantes à utiliser ? Il y en a quelques unes de bien, comme un canon plasma qui tire des boules vertes, ou le railgun qui est plutôt cool. Mais le reste ? Même le super canon de la mort de Serious Sam, qui est complètement buggué d’ailleurs, est vraiment mauvais. Le sound design des monstres est assez mauvais et au bout d’une cinquantaine d’abattus vous aurez envie de couper le son. La musique est très sympa mais très vite répétitive et ne colle absolument pas du tout à l'esthétique du titre.


On peut citer, allez, un bunny hopping sympa et des menus vraiment cools comme points positifs, mais on peut aussi citer un headbobbing qui donne envie de vomir, un horrible weapon sway ou les bugs à foison tels que les monstres qui tirent à travers murs et portes comme autres points qui font de STRAFE un jeu repoussant qui surfe sur la vague du FPS rétro et qui se viande lamentablement. STRAFE est clairement un jeu à éviter le plus possible. Faites-vous plaisir et jouez à Quake ou Duke Nukem 3D à la place, qui eux sont incontestablement les meilleurs FPS de 1996 et qui sont de très très loin de bien meilleurs jeux.

skacky
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le 10 mai 2017

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