Après Syberia, j’étais très curieux de savoir si Benoît Sokal et l’équipe de Microïds allaient réussir à créer une suite avec le même niveau d’excellence que le premier opus, même si je me doutais qu’ils en étaient tout à fait capables. Dès le début du jeu, lorsque l’on passe de l’intérieur chaleureux du train Voralberg à la ville enneigée de Romansbourg, «dernière ville avant l’immensité sauvage et glaciale de la toundra», j’ai compris que le pari était réussi !


Syberia II réussit à être aussi envoûtant, aussi dépaysant que son aîné. Là où Syberia s’attardait sur un voyage à travers les vestiges d’une époque glorieuse mais révolue de l’Europe, et reposait donc sur une poésie nostalgique, Syberia II est davantage tourné vers l’aventure à travers la Sibérie sauvage et inhospitalière. Romansbourg est d’ailleurs le dernier bastion de la civilisation que l’on rencontre dans Syberia II, puisqu’après ça Kate Walker s’aventure toujours plus avant dans la nature de Russie, passant de grandes et belles forêts enneigées à une grande étendue glacée, terminus du train mécanique. Notre Kate montre d’ailleurs toute sa débrouillardise dans cet épisode, n’hésitant pas à se mettre dans des situations périlleuses pour aller au bout de son voyage et accomplir le rêve de Hans : rencontrer les mammouths…!


Syberia et Syberia II sont donc deux faces complémentaires de l’Aventure, entre voyage mélancolique et voyage onirique. Le périple de Kate continue, mais mue de façon certaine dans ce deuxième opus qui nous fait entrer progressivement dans le fantastique. La civilisation humaines et les automates tendent à s’effacer pour laisser place à la nature et aux Youkols. Il est d’ailleurs symbolique que pour achever son aventure, Kate se voit dans l’obligation de «tuer» le dernier automate qui l’accompagnait…! Oui, contrairement à son prédécesseur, Syberia II est résolument tourné vers l’avant, vers le rêve… vers Syberia !


Ai-je dit que les tableaux de jeu que l’on parcourt sont toujours aussi somptueux ? Peut-être, mais rien n’empêche de le répéter ! Ces décors accompagnent bien sûr la transition vers le fantastique. On débute à Romansbourg qui nous rappelle les beaux décors nostalgiques de Syberia, avant de pénétrer dans le monastère mystérieux qui nous plonge dans la religion, le fanatisme. Viennent ensuite ces séquences en pleine nature, toujours aussi belles même si moins marquantes peut-être que les autres passages. On a d’ailleurs l’occasion de retrouver notre vieil ami cosmonaute Boris Tcharov, en bien mauvaise posture après l’écrasement de son avion d’essai ! Puis, l’on avance bien sûr inexorablement vers le village Youkol, avec son architecture si atypique, si intéressante visuellement, et qui parvient, seule, à témoigner de l’ancienneté de cette civilisation Youkol, restée en lien pendant des siècles avec Syberia et les mammouths via une arche…! Vient enfin la somptueuse Syberia qui clôt ce diptyque, avec à la clef une dernière cinématique émouvante. Tous ces plans fixes dans lesquels on évolue n’ont rien perdu de leur charme, et confèrent un aspect presque cinématographique au jeu qui sert à propos l’aventure de Kate.


Il est à noter que les énigmes de Syberia II sont un peu plus corsées que dans le premier jeu, tout en restant à chaque fois très logiques ; on sent bien que l’équipe a tiré profit de leur expérience sur Syberia pour proposer des casse-têtes encore plus complexes. Ces énigmes, ces décors magnifiques, cette musique encore une fois très bonne, cette écriture toujours aussi juste et sobre des personnages, font de Syberia II une œuvre immersive et attachante, comme son prédécesseur. Seul bémol ? Le jeu introduit deux frères qui jouent le rôle d’antagonistes de l’histoire, ce qui amène certaines scènes «d’action» qui cassent la pureté du voyage de Kate Walker. Malgré cela, Syberia II reste un excellent jeu, digne suite du chef-d’œuvre qu’est Syberia. En faisant le choix du jeu vidéo comme support de son histoire, Benoît Sokal a compris les possibilités nouvelles qui s’offrait à lui pour transmettre des émotions aux joueurs. Le diptyque Syberia & Syberia II est aussi efficace, aussi marquant, car il repose sur une immersion dans cet univers qui décuple les sentiments qu’éprouve le joueur. Les jeux Syberia n’hésitent également pas à aborder des thématiques sérieuses et si peu vues dans le jeu vidéo, comme le lien entre l’Homme et la machine, le lien entre l’Homme et son passé, ainsi que l’importance des croyances, entre les croyances bénéfiques issues de traditions, qui portent donc une part de vérité en elles et qui peuvent servir de moteur pour aller de l’avant, comme les croyances Youkoles ou le rêve de Hans Voralberg, et de l’autre côté les croyances malsaines comme le fanatisme des moines du Monastère. Oui, les aventures de Kate Walker sont une expérience unique et inoubliable, qu’il faut vivre au moins une fois…!

Charlandreon
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le 7 nov. 2020

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