Au secours ! Encore un jeu poétique à deux ronds de renardeau.

The first Tree est un jeu créé par David Wehle. La première chose que vous devez savoir sur ce jeu est que son créateur n'y connaît pas grand chose du côté de la programmation. Il le dit lui-même :“After 2 years of work and no knowledge of code, I still launched my fox adventure game today, The First Tree!”. La seconde chose que vous devez savoir mais cette fois c'est à propos de cette critique, c'est que je n'ai pas fini le jeu. Pour ceux qui y ont joué, je me suis arrêté à la seconde zone, celle où il faut trois papillons pour passer un obstacle. Cette critique ne rendra pas compte de l'histoire narrée dans le jeu. Cette critique critiquera tout ce qu'il y a autour du jeu.

The first tree nous place dans la peau d'un renard qui se balade en forêt, à la recherche d'on ne sait quoi. Le jeu est ponctué de moments de narration où une voix off nous raconte une histoire, celle du développeur vraisemblablement qui exprime comment il a vécu la mort de son père. On se balade, on récolte des sphères lumineuses blanches, on est guidé par des halos lumineux qui nous indiquent où aller pour écouter des moments narrations.

Le fait de ne rien connaître au code et de s'atteler au développement d'un jeu est honorable mais cela ne fait pas de bon jeu. Je ne sais pas peindre et si je m'y essayais, cela n'en ferait pas de beaux tableaux ou des œuvres esthétiquement intéressantes. The first Tree m'a choqué par sa finition. Le jeu est techniquement nul. Entre le clipping des herbes sur un rayon de dix mètres, la physique inexistante de l'environnement, la lourde inertie non naturelle du renard ainsi que son austère animation, le jeu ne vous manquera pas de vous faire froncer les sourcils.

C'est un point important et pour deux raisons. La première est que le jeu donne l'impression d'être négligé. De la même manière qu'un prof dit à ses élèves de soigner sa copie parce qu'il n'est jamais agréable de lire une copie raturée, avec plein de patte de mouche, barbouillée de tipex; le jeu m'a fait grincer des dents et ne donne pas envie d'être "joué". J'aimerais vous dire que c'est parce que son créateur est fainéant mais je ne peux pas le dire. Le jeu donne l'impression d'assumer son côté négligé. Le développeur y adopte une posture où il montre ses limites sur son jeu. Il veut montrer que ce qui est important dans son jeu est l'histoire qu'il raconte. C'est ce qui m'a vidé du désir de jouer à son jeu. La seconde raison est que le jeu en devient frustrant. Etant donné que le jeu vidéo first tree est plus vidéo que jeu, la partie jeu fait vraiment pâle figure. Les sauts sont affreux. Quand on veut sauter sur des rochers, le renard adopte des postures plus que bizarre, tout statique, avec des espaces entre ses pattes et les textures de la roche. De ce côté-là, le jeu crie qu'il est inintéressant.

Le jeu veut raconter une histoire. On pourrait jouer le jeu et simplement écouter mais on est constamment sorti du jeu par ses défauts techniques.

En réalité je suis ingrat, j'aurais dû pour juger le jeu éprouver et savourer ce pourquoi il existe. Mais je dois dire que je suis lassé de ce que j'appelle les enfants de Journey. Depuis ce jeu - mais on pourrait remonter plus loin - j'ai l'impression que le jeu vidéo faussement poétique pullule. Qu'on me comprenne, j'ai aimé Journey. Un voyage dans des environnements beaux, avec une ambiance mystérieuse et qui à l'époque était nouvelle et rafraîchissante, un multijoueur bizarre. Il y avait des idées et de la fraîcheur. Aujourd'hui, beaucoup de jeux - The first Tree en fait partie mais je pourrais citer des jeux techniquement réussis comme Gris - me donne l'impression de singer Journey pour être acclamé pour les mêmes raisons que ce dernier. Comme s'il n'y avait que Journey et son panthéon sur lequel il faut être.

Tous ces jeux sont fades car ils ne se concentrent que sur une vitrine. Pour Gris, c'est l'aquarelle; pour the first tree, c'est le témoignage de son développeur. Les créateurs de ce genre de jeu oublient que ce qui pourraient donner de la vitalité à leur titre n'est pas à trouver dans leur patte artistique ou dans ce qu'ils ont à raconter mais dans leurs mécaniques de jeux, dans la sensation de joie qu'on éprouve à manipuler un joystick, du simple émerveillement de jouer, quoi. Quand je joue le renard, il y a constamment une sensation de désagréable qui s'en dégage. On saute et on se dit qu'on ne veut plus jamais sauter parce que c'est désagréable. On ramasse des boules blanches (attention c'est un jeu à patounes) et on se demande pourquoi on ferait ça puisque courir est désagréble. The first tree est différent de Journey, il est moche, les sensations de jeu sont quelconques et désagréables. Pourtant il a la même prétention, celle de dire : je suis un artiste, je vais vous raconter quelque chose.

Il y a néanmoins une chose qui m'a marqué dans ce jeu. Il y a un mode commentaire que vous pouvez activer ou désactiver. J'ai fait le jeu avec ce mode. Concrètement, cela se traduit par des cassettes qui sont disséminées dans les zones de jeu. Quand vous en touchez une, le développeur parle lui-même de son propre jeu. C'est un genre d'audio-description sur son jeu, un commentaire sur son développement. Par exemple, en touchant une cassette, il raconte comment certains joueurs ont trouvé le saut nuisible. Devant une cascade, il raconte qu'il a fait tout ce qui était possible pour faire en sorte que le renard nage mais que comme il n'a pas réussi, le renard bouge dans l'eau comme s'il n'y avait pas d'eau.

Je ne vous recommande pas de jouer avec ce mode mais je l'ai trouvé très intéressant. Il a un défaut, c'est qu'il enfonce le jeu. On a l'impression que le développeur s'excuse que son jeu ne soit pas assez bien. Néanmoins, je trouve marrant d'avoir les commentaires du développeur sur son jeu. J'aime bien les making-of des jeux, on apprend beaucoup de trucs. je me demande si on pourrait réutiliser ce mode dans d'autres jeux. Comme à la manière d'un new game plus mais avec les commentaires des développeurs qui feraient une audio-description de jeu partageant leurs intentions, leurs expériences, leurs idées avortées.

Je vous déconseille ce mode, en plus ils ont oublié de mettre les sous-titres des commentaires. A la limite, vous pouvez l'activer pour un second run du jeu.

The first tree n'était pas fait pour moi. Trop imparfait, trop négligé, prise en main désenchantée, tout semble tirer vers le bas le seul point qui semble être le nerf du jeu : son message.