The Order: 1886 par JipéF

The Order est un cas d'école, celui du jeu qui a voulu faire trop bien et trop vite. Sur le papier, la formule est alléchante : un shooter dans une ambiance victorienne steampunk du meilleur gout, dotée d'une véritable ambition cinématographique et d'une réalisation technique qui ridiculise la concurrence, PC inclus. Et dans les faits, tout a été accompli à la lettre. Seulement voilà, le jeu dans son entier, lui, n'est pas à la hauteur de cette démesure.

On peut incontestablement classer The Order dans la catégorie des jeux grand public : le game system est assez simple, le level design basique et dans son ensemble le jeu laisse peu de place à la stratégie et n'oppose presque pas de résistance. L'expérience sus-mentionnée n'est donc pas une expérience de jeu, mais de narration. L'unique focus est l'histoire qu'il propose de vivre à travers cet univers, détaillé à l'extrême mais très (trop?) verbeux : certains chapitres sont exclusivement composés de cinématiques, belles à mourir certes, mais pas interactive pour deux sous.

Et c'est là que le bât blesse : de l'aveu même de ses développeurs, The Order est un film interactif, une expérience, et il doit être pris en tant que tel. C'est faux : The Order est un film tout court, il n'a rien d'interactif. A la différence des jeux Quantic Dream ou Telltale, les actions du joueur n'ont pas d'impact sur le déroulement de l'action. Un QTE raté ne modifie pas la suite des évenements, il donne juste le droit de recommencer la séquence. Un assaut infructueux ne change pas le cours du conflit, il provoque juste la mort du personnage. Ici, le joueur n'est rien de plus qu'un rouage destiné à faire avancer l'histoire, un engrenage privé de liberté mais sans lequel le fil narratif ne se déroule plus.

Cet aspect pourrait être mineur si le film sus-cité était d'une qualité exceptionnelle ou si le gameplay était d'une richesse incroyable, mais ce n'est pas le cas. Le background est travaillé mais l'histoire elle même, inutilement alambiquée, accumule vainement les clichés et les morceaux de bravoures. Quand aux phases d'action, elles ne sont pas fondamentalement désagréables mais elles manquent de variété et sont bien trop classiques pour susciter l'adhésion. Les rares tentatives de diversification (les phases d'infiltration, pour ne pas les citer), manquent de cohérence et affichent un comportement ennemi qui échappe à toute logique. Et dans tous les cas, le joueur est privé de toute liberté d'action : impossible de s'en sortir par un autre moyen que celui qui a été prévu à la base par les designers. Même dans son gameplay, The Order est terriblement dirigiste.

Ne reste donc que cette direction artistique sublime qui poussera à s'attarder, presque par dépit, sur le soin hallucinant apporté aux moindres détails dans les décors et les objets parsemés ça et là, juste dans le but d'être admirés. Et c'est là le point d'orgue, celui qui fait que l'on réalise vite que The Order est une bitch, un jeu qui ne vaut le coup d'être parcouru que pour profiter de son extraordinaire plastique. Une superproduction un peu creuse donc, qui flatte la rétine mais pas l'intellect malgré des thèmes qui auraient pu être intéressants. Pour le 2 peut être ? Après tout, Uncharted 1 n'était pas terrible...