Attends de parler à mon fusil à plasma.

The Outer Worlds commence comme plus ou moins tout RPG qui se respecte: paumé dans un monde inconnu, avec pour simple tâche de sauver le monde, ou le faire sombrer dans le chaos. Un postulat assez convenu qui reflète plutôt bien le reste du jeu, qui n'est là pour bousculer aucune formule, mais fait tout ce que l'on attend d'un Obsidian, ni plus, ni moins.


Ses points forts, situés dans son écriture, ses dialogues et ses choix, ils ne les montrent cependant pas tout de suite. La faute, à, déjà, des choix initiaux pas hyper excitants, mais surtout à une zone ouverte assez mal foutue (l'autre zone principale est du même style); trop balisée, sans vie si ce n'est quelques malandrins placés ici et là au milieu de trois caisses pour servir de chaire à canon, et dont l'exploration est complètement inutile car chaque zone digne d'intérêt est liée à une quête que vous pourrez trouvez de toute manière au sein de la ville du coin (vous obtiendrez même l'emplacement des armes uniques du jeu via une quête), elle est donc presque pénalisante, parce que c'est quand même un peu chiant de revenir dans une zone nettoyée pour appuyer sur un bouton auquel vous pouviez pas accéder avant. Et dernier grief, si je trouve le jeu assez inspiré artistiquement la plupart du temps, les couleurs des zones naturelles ne m'ont pas vraiment convaincus, criardes plus que flashy, elles donnent un rendu pas hyper propre à l'ensemble.


C'est au 112ème cadavre de maraudeur que je fouillais entre deux caisses au milieu de nulle part que je commençais à trouver le temps un petit peu long, à me dire que c'était pas mal, mais que ça valait quand même pas New Vegas (fallait bien les comparer à un moment) et son Wasteland jamais avare en surprises. Mais si elles mettent un certain temps à se pointer, les qualités sont indéniables et permettent de constater où les efforts du studio sont allés en priorité. Dans l'écriture déjà; on se rend vite compte du soin apporté dans les personnages et les dialogues. Les personnages manichéens sont rares, ce qui est appréciable (vous croiserez bien quelques pourris complets et autre bonnes âmes de temps en temps), et tous bénéficient de suffisamment de soin pour être intéressant et/ou attachant, y compris vos compagnons, et même une bonne partie des personnages secondaires ont été travaillés et ne sont pas pas là que pour faire office de donneur de quêtes / marchand. Croiser la route d'un pauvre vendeur déprimé avec un masque de mascotte énorme vissé sur la tête en permanence ou celle d'un scientifique prêt à tout sacrifier pour une recette de dentifrice (amincissant, quand même, faut pas déconner) a quelque chose d'assez amusant, en grande partie grâce à la qualité des dialogues, que vous serez libre de prendre le plus sérieusement du monde, ou non (envoyer des vannes pourries dans des situations de vie ou de mort est particulièrement sympathique). Par ailleurs, si le discours sur le capitalisme outrancier ne devrait pas vous mettre sur le cul de par son originalité, sa mise en œuvre dans l'univers du jeu, jusqu'aux moindres détails, est toujours intéressante à découvrir grâce à un second degré qui fonctionne, des personnages absurdes et ce qu'il faut de noirceur. S'il n'est sans doute pas le RPG le mieux écrit qui soit (ça manque un brin d’originalité dans le scénario et les situations, à mon avis), il reste très bon à ce niveau et tient tête à une bonne partie des A-RPG sortis ces dernières années. En revanche, j'ai trouvé que le jeu ne réussissait pas à vraiment faire monter ses enjeux, c'est un peu balade aux quatre coins de l'espace à la cool, et le méchant en mousse ne vient pas arranger ça.


Mais bon, des dialogues sympas, c'est bien, mais de la liberté d'action, c'est mieux. C'est surtout ce qu'on retient de New Vegas, qui nous permet de suivre n'importe quel camp, y compris le notre, et de coller une balle dans la tête de quiconque n'était pas d'accord (on peut aussi buter tout le monde dans Outer Worlds, si vous vous posez la question). Et là encore Obsidian réitère la réussite de Fallout. Si beaucoup de jeux prétendent qu'ils laisseront la possibilité au joueur de plier l'histoire à leur volonté, rares sont ceux qui donnent la véritable impression que, dans un monde où chacun a un agenda différent, vous pouvez suivre le votre. Vous pouvez bien sûr vous bornez à suivre les ordres de quiconque vous demande un truc et de choisir le camp qui vous sied le plus, mais jouer sur différents tableaux, fouiner de tous les côtés pour trouver la solution la plus favorable (même si, dans la grande tradition des jeux à choix, tout a bien sûr un prix) et l'imposer est tout à fait possible, tirer sur ceux qui vous reviennent pas aussi. C'est lors de ces moments que The Outer Worlds est le plus jouissif. Beaucoup de possibilités, et autant de conséquences; pour la fin, des quêtes comme du titre (pas top d'ailleurs, le vilain sort un peu de nulle part et les diaporamas, ça a un peu vieilli), mais aussi parfois en cours de jeu, les personnages les prenant en compte, vous offrant même de nouvelles options de dialogues dans le cadre d'autres quêtes pas forcément reliées à la base. Petit regret cependant, lesdites conséquences ne se font pas toujours sentir à cause d'un système de réputation assez peu réactif, à part en cas d'une hostilité totale, et encore; après avoir flingué la ponte d'une des factions du jeu, j'aurais pensé me mettre tous les larbins à dos, ce qui ne fut pas le cas car j'étais dans les petits papiers de l'entreprise jusqu'à ce que je répande le cerveau du boss sur leur fiche de paie, donc ça passe, je suppose.


Certains reprocheront peut être au système de dialogue d'être basé sur les compétences, plutôt que, par exemple, un système de persuasion à la Deus Ex Human Revolution. Ça ne m'a pas dérangé car si les compétences permettent d'éviter le conflit, par exemple, elles sont souvent là pour explorer d'autres options que celles proposées à la base, qui demanderont également des actions de la part du joueur. En gros, faire péter la persuasion ne permet pas d'éviter des morceaux de jeux, mais plutôt d'étendre les possibilités. Je recommanderais quand même d'investir dans les compétences de dialogue, ne serait-ce que pour avoir accès à ces options (et à des répliques plutôt chouettes).
Bon, il serait plus que temps de parler de la seule choses qui compte vraiment, la castagne. Il n'est pas possible de finir le jeu sans faire parler le colt, il est donc heureux de constater que les fusillades sont plutôt réussies. Ça bouge pas trop mal, ça pète bien, le bullet time fonctionne sans être cracké, le challenge est décent en difficile, les flingues sont chouettes (les armes scientifiques sont sympas, et même vraiment utiles, pour certaines), et l'IA... est une IA d'un jeu de 2019 qui voulait pas trop se fouler: stupide et complètement suicidaire (assez pour vous mettre la pression de temps en temps cela dit). Les compagnons qui nous accompagnent peuvent se montrer utiles, mais on les amènera plus pour leurs répliques que pour leurs compétences martiales. En réalité, il n'y a pas grand chose à dire si ce n'est qu'il n'y à pas grand chose à en dire: c'est du classique, du relativement efficace, c'est pas pour ça qu'on achète le jeu, ça deviendrait sans doute un peu répétitif si on en faisait plus, mais ça fonctionne plutôt bien et le jeu n'a pas trop à rougir de ses scènes d'actions. Mais ça manque de grenades. D'ailleurs, en général, pas mal de petites mécaniques du genre manque à l'appel et trahissent l'ambition et le budget limités du titre: pas de mini-jeu de piratage ou de crochetage (on peut plus passer comme un sac avec 7 de compétence, dommage), ou encore un système de déguisement bien mis en place mais très limité (on pourrait aussi mentionner le système de faction aux conséquences pas hyper visibles). En plus de son exploration bancale, c'est là où l'on voit que des sacrifices on sans doute été faits.
En plus de la baston, je mentionne juste de l’infiltration avec la présence du grand symbole de modernité que sont les hautes herbes pour se cacher. C'est pas fascinant en soit, mais ça peut permettre d'exploiter différentes options pour résoudre une quête, comme diffuser du gaz sur des ennemis, par exemple, ou de faciliter un gros affrontement. Mais entre de l'infiltration pas bien fine et une mitrailleuse légère, je n'hésite pas trop longtemps.


Juste un mot sur la présentation du titre; le jeu est plutôt joli, le moteur fait le job sur les animations faciales et la lumière (et c'est pas bugué jusqu'au cul), et la direction artistique old school fonctionne très bien dans la plupart des décors (il y en a de vraiment très beaux), hormis les deux zones ouvertes mentionnées plus haut (ce qui est un gros "mais", mais bon). Le design des armes et armures est également très réussi (le nombre de pièces d'équipement n'est pas hyper fourni et tant mieux, j'apprécie ne pas crouler sous le loot sans intérêt), dommage que y ait pas de caméra troisième personne. La bande-son est plutôt discrète, on est plus dans l'accompagnement sympathique de la bande-son qui tabasse, mais comme pour le reste, ça fait le taff.


Le jeu a pour moi duré une petite vingtaine d'heures (j'ai un peu abusé du fast travel), c'est pas bien long pour un jeu du genre, d'autant qu'on aurait bien voulu voir quelques arcs narratifs en plus, mais le jeu se concentre sur du contenu de qualité. Un mode de difficulté survie et la variété des builds et de choix offrent aussi pas mal de rejouabilité.


The Outer Worlds n'est pas là pour renouveler le RPG occidental (ça, ça a plutôt l'air d'être l'ambition de Disco Elysium) mais pour remettre au centre la liberté offerte au joueur, à travers des mécaniques de jeu certes classiques, mais ici très bien utilisées. Le titre échoue à rendre son exploration intéressante et n'a sans doute pas l'ampleur qu'il aurait mérité d'avoir, mais reste un chouette jeu, qui se concentre sur l'essentiel.

val990
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le 1 nov. 2019

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