A moins que vous viviez dans une cave sur Mars en fermant les yeux et en vous bouchant les oreilles ces douze derniers mois, vous avez sûrement entendu parler de deux récentes catastrophes industrielles : Fallout 76 et Anthem. Chacun d'entre eux a été développé par une équipe autrefois reconnue pour ses RPG solo de qualité, et qui aujourd'hui se retrouve à devoir sortir des jeux-service multijoueurs morts-nés à cause de têtes pensantes devenues trop cyniques pour penser à autres choses que le sourire des actionnaires.
A vrai dire, même avant ce n'était pas forcément glorieux : BioWare sortait un Mass Effect : Andromeda fini à la pisse qui a vite sombré dans l'oubli en dehors des memes, et Bethesda nous proposait un Fallout 4 sympathique mais qui déçoit les fans de la licence avec un manque évident de roleplay : la plupart des dialogues pouvaient se finir avec des réponses de type "oui", "ouais", "oui (avec sarcasme)" et "non (mais en fait oui)".
On peut donc dire que ces derniers temps, pas mal de fans de RPG occidentaux étaient en manque de bons jeux avec une possibilité de roleplay vraiment poussée.


Obsidian, les développeurs de Fallout : New Vegas (entre autres), sort The Outer Worlds dans ce contexte-là. Et ils ne pouvaient espérer tomber sur un meilleur moment ! C'est triste à dire mais en 2019 un AAA qui sort sans (gros) bug, sans micro-transaction et qui offre ce que les fans veulent sans bullshit marketing est devenu quelque chose d'exceptionnel. Forcément les fans sont ravis, et Obsidian pourrait presque remercier Bethesda pour avoir saboté la licence Fallout, ça n'a fait qu'augmenter la hype autour de The Outer Worlds. Je veux dire, Bethesda a annoncé un abonnement premium de 100$ pour Fallout 76 en même temps que la sortie de TOW... Obsidian ne s'attendait probablement pas à une publicité gratuite aussi efficace pour leur jeu.


Sans surprise, Obsidian nous livre un vrai "Roly-Playing Game" où on peut jouer un rôle (diantre, quelle idée de fou...), et pas juste un jeu qui se contente de balancer des stats et des XP à la figure pour faire semblant. Jouer un vrai boyscout ou un salopard, c'est à vous de choisir et vos choix impacteront les comportements des différentes factions envers vous et même la fin du jeu.
L'écriture est particulièrement soignée, avec de nombreux personnages mémorables, le tout accompagné d'un doublage de qualité. L'humour est omniprésent sans non plus en faire des tonnes et les dialogues vous offrent de nombreux choix. En fonction de vos compétences telles que Sciences, Médecine, Intimidation, Mensonge etc... certains choix supplémentaires se débloquent pour vous donner encore plus de possibilités.
Vous pouvez recruter jusqu'à six compagnons qui seront à vos côtés pour vous assister durant l'aventure. Ils vont régulièrement réagir à vos choix et à votre progression, et ils ont même chacun une série de quêtes intéressante qui leur est dédiée. Bien sûr, vous pouvez vous comporter de manière complètement odieuse envers eux, et ils peuvent décider de quitter votre équipe si vous poussez le bouchon un peu trop loin.


Rien de nouveau à vrai dire pour les fans de Fallout, cet Outer Worlds ne cache pas du tout ses inspirations et on peut facilement le considérer comme un Fallout : New Vegas 2, ou en tout cas sa suite spirituelle. Même les mécaniques de jeu sont plus ou moins repris, comme le V.A.T.S. qui est ici remplacé par une sorte de bullet-time. Tous les fans déçus de Fallout 4 peuvent donc se réjouir.


La principale différence avec Fallout se trouve au niveau de son univers. Les deux jeux se basent sur le rétrofuturisme, mais Fallout propose un contexte mélangeant monde post-apocalyptique et technologie et esthétique des années 50. The Outer Worlds quant-à-lui se passe dans l'espace, avec des designs volontairement kitschs et vieillots pour rappeler les œuvres de SF d'une autre époque. Je ne peux pas dire que j'adhère totalement à la direction artistique, mais au moins ce choix permet au jeu d'avoir sa propre identité et évite de le faire passer pour une copie carbone de Fallout.


Mais du coup alors, c'est un chef d'œuvre ou quoi ?
Ben pas vraiment, loin de là. A vrai dire en dehors de son écriture, tous les aspects du jeu sont corrects mais n'atteint jamais l'excellence.
Le level design est assez sommaire dans son ensemble. A l'extérieur, les planètes qu'on visite sont souvent très petites et n'offrent pas beaucoup de possibilités d'exploration. Je suis le premier à me plaindre des open worlds gigantesques, mais en l’occurrence la petite taille des zones de The Outer Worlds casse un peu l'immersion, et on dirait qu'on visite un décor de cinéma en carton. Que ce soit la nature ou les villes, l'ensemble manque cruellement de vie et sonne un peu faux. Pour être tout à fait honnête, je préfère encore une petite map construite à la main avec amour comme celle-ci, plutôt qu'un énorme terrain de jeu procédural avec des collectibles à la con partout, mais il y a sûrement un entre les deux idéal.
Un peu comme dans Fallout, on peut visiter l'intérieur de certains bâtiments comme des sortes de "donjons" mais encore une fois le level design n'a rien d'exceptionnel. C'est même assez basique et ne propose pas des chemins différents en fonction de votre build (ça joue à quelques portes plus difficile à crocheter et basta).


Le game design de jeu est assez vieillot et se trimbale un peu tous les automatismes des RPG occidentaux de ces 10 dernières années. On passe notre temps à looter des objets inutiles qui vous donnent des bonus de stats anecdotiques. J'ai fini le jeu en hard et je n'ai jamais ressenti le besoin d'aller activer ces bonus.
Les équipements ont un système de bonus et de malus pas forcément très bien pensé. Par exemple, mon armure a un malus de -10 points en crochetage et hacking. Résultat, ça m'arrivait très régulièrement de devoir me mettre en slip pour crocheter certaines portes ou hacker certains ordis. C'est complètement ridicule et ça sonne comme des mécanismes de jeu d'une ancienne époque.


Les combats sont encore une fois corrects mais ce n'est pas non plus la montagne de fun. Déjà, on ne peut choisir que 4 armes au total. Et vu que les armes qu'on loot sont tout le temps les mêmes, on finit vite par utiliser toujours les mêmes armes et attaquer les mêmes ennemis de la même manière.
Chaque compagnon n'a qu'une capacité : il s'agit d'une attaque spéciale avec un cool down, et à chaque fois que vous activez la capacité vous allez vous taper une courte cinématique de quelques secondes. C'est vite pénible après plusieurs heures de jeu.


Le jeu n'est vraiment pas très difficile dans l'ensemble, hormis le dernier niveau qui est totalement bâclé. Il existe peut-être plusieurs derniers niveaux en fonction de nos choix dans l'histoire, mais en tout cas perso je me suis retrouvé avec un niveau linéaire 100% orienté action, rempli d'ennemis "éponge à balles" qui mettent 2 minutes à crever et un boss final sorti d'un jeu de 2004 au niveau game design. C'est artificiellement difficile et étonnamment mauvais par rapport au reste du jeu.
Le jeu n'est pas bien long, j'ai mis 31 heures pour le finir en faisant toutes les quêtes secondaires (sauf une qui était pénible) et en lisant tous les documents. Mais si vous rushez juste l'histoire principale je pense qu'il y a moyen de le finir en 10 heures.


J'ai eu également quelques petits bugs pas très graves mais récurrents. Souvent, les textures mettaient du temps à charger et affichaient des bouillis de couleur à la place. Les sons manquaient régulièrement, ou étaient déclenchés plusieurs secondes en retard. Et vers la fin du jeu j'avais un bug bizarre avec la carte du jeu : elle mettait environ 10 secondes pour s'afficher une fois le menu ouvert.


The Outer Worlds est un jeu digne de 2010, pour le meilleur et pour le pire. C'est un RPG solo "artisanal" créé à la main par des développeurs talentueux et passionnés, le tout avec une écriture soignée et sans monétisation abusive. Donc les fans de Fallout peuvent s'y jeter sans trop de soucis. Mais c'est également un RPG au game design un peu poussiéreux. Obsidian n'avait sûrement pas l'intention de révolutionner le genre, mais juste de faire plaisir aux fans. Donc vous aussi, je vous propose de ne pas attendre à une révolution mais juste à un hommage réussi. Et c'est déjà pas mal.

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le 5 nov. 2019

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ThoRCX

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