Parfois, un coup d'œil suffit à instiller le doute dans l'esprit du critique.
Il est généralement porté dans la direction générale de la boite du titre auquel l'on doit administrer l'extrême-onction. Ce Tomb Raider est un cas classique : série colorée à la Tintin psychopathe devenue blockbuster monochrome conventionnel. L'ancienne série sentait le moisi, cela va de soi, mais avait réussi sur un malentendu à mettre en place une icône pure nineties. Lara Croft est un paradoxe, d'un côté l'égérie des joueuses; de l'autre juste un gars comme tout le monde. Un sex-symbol qui n'existe pas... et la meilleure amie de Familles de France. Tel est le symbole d'une époque où le jeu vidéo s'est voulu censément plus mature tout en n'ayant finalement que des seins très pointus à nous trémousser sous le museau. Un vide réel en termes de gameplay aidé par une approche très conventionnelle de la narration. Pas grand chose, en fait. L'un des réels succès du monde de la publicité plus qu'une œuvre majeure de la chose vidéoludique.


Cela n'a donc rien d'une surprise de voir la Lara Croft remise à neuf n'être qu'une déclinaison de la formule traditionnelle endossant au passage l'héritage d'une série ayant réalisé son idéal jamais esquissé. Soudain, Lara n'est qu'une version post-opératoire de Nathan Drake; en un peu moins douée. Cela doit être l'anesthésie. L'originalité, dans ce genre de disciplines, cela aide. Là où Uncharted repose sur un scénario léger joué de manière rigolarde par des acteurs d'exception, décidés à faire de leur mieux pour rendre le tout mémorable, Tomb Raider a eu l'extraordinaire idée de se la jouer très sérieux. Très très sérieux. Sortez les violons et laissez couler quelques perles lacrymales : c'est de bon ton. L'histoire est banale, pourtant. Elle relate les mésaventures d'une jeune archéologue transformée en robot de combat par le naufrage d'une épave affrétée au passage lors d'un voyage dans les îles. Comment son combat contre les éléments, l'empalement et la stupidité du scénario feront d'elle une femme forte virtuelle mélange de John Rambo et d'une pub pour Chanel. Rajoutons au passage que tout ceci sort de la plume de Rhianna Pratchett - officiellement la moins douée des spécialistes du scénario qui ne sera jamais publié car destiné à la tv/aux comics/aux jeux vidéo - et vous avez une raison toute naturelle de laisser vos pleurs couler. L'on pourrait penser qu'elle serait parfaite pour nous raconter de manière unique pareil itinéraire… Et non, la femme n'a rien de particulier à nous dire sur ce sujet. Sa Lara n'est qu'une psychopathe de plus. Une qui rechigne certes un peu à tuer au début mais qui entre vos mains deviendra le pire de Green Arrow en moins de douze secondes. Or, le pire de Green Arrow : c'est pas terrible.


Tout ceci n'aurait aucune forme d'importance si le jeu proposait une quelconque forme d'originalité.
Ce n'est malheureusement pas le cas. Il fallait faire rentrer les éléments suivants dans le titre car le cahier des charges l'exigeait : du combat au flingue, une option furtive, des décors pas trop grands pour pouvoir sortir sur PS3/360, et le tout dans un décor idyllique au possible. Comme liste de courses, c'est dur à foirer. C'est aussi très difficile à rendre unique. Tant de jeux se font sous le soleil de nos jours; c'est dur d'imaginer case plus occupée. Sous les tropiques, les murets se font caisses et l'homme - qui comme chacun sait est déjà un loup pour l'homme - doit faire face à des loups. Des vrais. Qui eux sont indéniablement des loups pour l'homme au sens propre; ne laissez pas les philosophes vous induire en erreur. Le tout est très joli, assez soporifique, l'on se prend à espérer une pointe d'humour qui ne vient jamais. Parfois, surprise, l'on tombe sur un raid et l'on ressort alors raide des tombes les bras chargés de colifichets mignons et autres allumettes. Tout ceci forme à peine une anecdote de plus dans les annales - ce n'est pas sale - du jeu vidéo. Ni une réussite, ni un vrai naufrage; juste un produit de plus créé par comité pour plaire au plus bas dénominateur. Entre l'ennui causé par ce que l'on est censé faire et celui induit par les cutscenes; l'esthète doute. D'un air distrait, il jette un dernier regard à la jaquette et est soudain frappé par une réalisation : ce titre à peine moyen, soporifique du début à la fin, n'est autre que le plus gros budget jamais alloué par une compagnie pour faire un jeu. Pour ce prix-là, en somme, n'est-il pas normal que ses créateurs se soient volontairement acquittés d'un titre médiocre au possible. Après tout, si on en croit les publicitaires, c'est ce que les gens veulent.

MaSQuEdePuSTA
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le 5 févr. 2014

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