Total War: Rome II
7.4
Total War: Rome II

Jeu de Creative Assembly et Sega (2013PC)

Ce n'est plus un secret pour personne, Rome II est sorti dans un état lamentable. Bancal, mal branlé, fini à la pisse, bêta test, autant d'adjectifs peu glorieux qui ont fusé dans la bouche des premiers acheteurs mécontents. Nourris par un marketing tape à l'oeil (sûrement là où est passé l'essentiel du budget du jeu, décrit comme le plus important de la série), le retour de bâton ne s'est pas fait attendre. Et quelque part, c'est mérité. Pour autant, connaissant le passif de CA, il serait plus avisé d'attendre avant de l'enterrer, et au delà des attentes déçus, de faire la part des choses.
Mais comment être optimiste après une telle déception, que certains décrivent déjà comme un pas en arrière dans l'histoire de la franchise ? Parce que, malheureusement pour nous, The Creative Assembly est un habitué des releases difficiles, et que je ne vois en définitif rien qui ne puisse être réglé par des patchs.
L'exemple le plus récent et le plus douloureux est sans doute la sortie de Empire : Total War. L'attente était alors sûrement moins forte, mais la sortie tout autant foireuse. Je me demande même si ce n'était pas encore pire à l'époque. Fort de ce précédent en la matière, CA sait comment redresser la barre pour faire en sorte que leur jeu devienne à peu près jouable quelques semaines ou mois plus tard. On peut au moins se consoler en se disant que le jeu n'est pas lâché dans la nature.

Au commencement d'une partie, le plus voyant des problèmes, et sans doute le plus handicapant, c'est l'optimisation. Le jeu est grevé de milles et un problèmes d'ordre technique, du framerate anormalement bas suivant la machine, des plantages à répétitions, en passant par les classiques bugs de textures. Les problèmes sont très diverses et n'ont parfois rien à voir avec la config du malheureux. La technique est seulement la partie visible de l'iceberg, annonciatrice des nombreux autres soucis planqués un peu partout. Les deux premiers patchs sont déjà sur la bonne voie, et à n'en pas douter le jeu rendra honneur aux plus grosses configs d'ici quelques semaines.

La technique c'est une chose, mais un des points primordiaux pour assurer le succès d'un TW, c'est son IA. Et là, autant le dire tout de suite, ça craint pas mal. On devrait même parler de stupidité artificielle pour Rome II, tellement l'IA fait de la peine à voir, en campagne comme en bataille. Les problèmes sont si énormes, si visibles que je me demande bien comment CA a pu passer à côté. J'ai encore en mémoire ce mec qui se vantait d'avoir crée la meilleur IA jamais conçu pour un TW ...
Sur la carte de campagne, l'IA fait plus de la figuration qu'autre chose. Elle ne déclare pas la guerre au joueur, ne s'étend que très peu. Les grandes puissances, comme Carthage ou Rome se font bouffer systématiquement dans les premiers tours. Le pire étant encore l'administration de ses cités. Étrangement, elle est incapable de gérer ses stocks de nourriture, ce qui entraîne immanquablement des révoltes, et la naissance de petits peuples issus des rébellions un peu partout. Plus étonnant encore, l'IA a de gros problèmes pour composer ses armées. On se retrouve très fréquemment en face d'armée soit ridiculement réduite, soit composé principalement de tirailleurs et de quelques unités de milice.
Autant dire que le challenge est pour le moment absent. Même en légendaire un bon joueur s'y retrouvera facilement, à cause des compos stupides de l'IA. Conséquences attendus, la diplomatie est bancal, avec son lot de demandes aberrantes. Pas de doute, on est bien dans un Total War.
Pour autant, l'IA ne montre l'étendue de son incompétence qu'une fois sur le champ de bataille. Et là ce serait presque drôle si ça ne gâchait pas le coeur du jeu, la partie bataille en temps réel. Encore une fois, le maître mot est passivité. A part en attaque (et le nombre d'attaques se comptent sur les doigts d'une main sur une campagne de 100 tours), elle ne bouge jamais. En supériorité, en infériorité, en défense, sous le feu d'une baliste, l'IA ne dédaignera attaquer qu'une fois votre armée à portée de glaive. Parfois on assiste à une espèce de danse du n'importe quoi, où l'IA jette ses troupes sur vos lignes, avant de s'arrêter à 10m et faire marche arrière. Une fois j'ai même vu ses troupes faire des ronds sur la map. On croirait rêver.

Ces deux problèmes constituent véritablement le cœur du problème de ce jeu. Une fois réglé via quelques semaines de patchs on aura quelque chose de plus jouable. Malgré tout il reste encore toute une brouette de problèmes qui attendent là derrière, mais ils sont moins handicapants, donc peut être moins urgents à régler.
En bonne place sur cette liste, on retrouve l'interface. Esthétiquement réussi, elle manque cruellement de clarté, et après plusieurs heures de jeu il n'est pas rare de trouver des menus planqués dans des sous menus d'une obscure icône. C'est juste anti-ergonomique, mal fichu, pas intuitif pour un sous. En bataille, elle se paye même le luxe d'être carrément envahissante, avec des cartes d'unités difficile à différencier dans le feu de l'action. Un petit coup de polish, des menus mieux indiqués et qui repose moins sur des sous menus de sous menus et on arrivera enfin à quelque chose de fonctionnel, l'interface de base n'étant pas si merdique que ça une fois habitué.

Le fond ne s'en sort pas vraiment beaucoup mieux que la forme. Ainsi, il y a tout un paquet de features abandonnées et de décision de game design qui vont faire grincer des dents, au premier rang desquelles le retrait des arbres généalogiques, qui jouaient un rôle important dans l'immersion.
Le mode multijoueur s'est vu amputé d'une grande partie des nouveautés introduites par Shogun 2, dont le mode Avatar pourtant plébiscité. Une décision difficilement compréhensible compte tenu de l'avancée que représentait cette feature. Plus compréhensible vu la période de temps couvertes, mais quand même dommageable, le retour au régime du 1 tour = 1 an, et la perte logique des saisons et tous les bénéfices/malus que cela entraînait.
On peut également signaler l'abandon des mini cinématiques accompagnant les actions de nos agents, ou encore les discours des généraux, d'une platitude à tomber. Plus grave, l'ajout de points de captures dans les batailles mixtes terrestres/navals. Quand on connait l'importance du terrain dans une bataille, on se demande bien ce qui est passé par la tête des développeurs. Dans la famille des ajouts foireux, la politique en tient une bonne couche également, inutile et mal expliqué.
Featurettes gadgets pour les uns, simplification honteuse nuisant à l'immersion pour d'autres, tous ces changement vont en tout cas faire polémique.

Jusqu'à maintenant je n'ai fait que cracher sur le jeu, mais ma note ne serait pas aussi élevé si il n'y avait pas des trucs réussis dans tout ce fouillis. Les villes par exemple ont enfin une vraie gueule de ville, ce n'est plus 3 maisons perdus au milieu de nulle part. Encore heureux d'ailleurs, car vu la passivité actuelle de l'IA, les batailles ayant pour théâtre une ville représentent 90% des affrontements. Les sièges des capitales de province permettent désormais la création sur place de véritables machines de sièges (tours, béliers, échelles, etc ...). C'était sans compter le comportement désastreux de l'IA durant ce type de bataille. Décidément.
Du côté de la carte de campagne, le système de province est bien pensé, sûrement une des nouveautés les plus intéressantes du jeu. En un clic on accède à ses villes, plus besoin de chercher le petit point de ressources à améliorer. Les bonus de provinces incitent à prendre les villes par grappe, les édits permettent de gérer au mieux les besoins de chacun. C'est plus simple de s'y retrouver et ça n'enlève rien à la gestion de son empire, d'autant plus qu'une nouvelle ressource entre en compte désormais, la nourriture. Une ressource primordiale qui nécessite de faire attention aux bâtiments construits, pour équilibrer production et consommation, sous peine de gros malus d'ordre publique. Probablement plus polémique est le système un général = une armée, tout comme l'imperium et la limitation d'armée en fonction du nombres de villes acquises, mais je considère que c'est plutôt un pas dans le bon sens. CA a manifestement cherché à redonner de l'importance aux armées. Plus logique, ce système permet d'éviter le spam de micro armées (chose qu'affectionnait l'IA), de refléter la puissance d'une nation via l'étendue de ses moyens militaires. On incite ainsi le joueur à en prendre le plus grand soin, à les gérer au mieux, si bien qu'elles représentent une vraie perte en cas d'échec. Enfin, point fort attendu, Rome II peut compter sur la richesse de son époque, avec une pléthore de peuples, d'unités, de mercenaires. La carte est gigantesque, les missions et les events orientent la partie et donne un peu de vie à l'ensemble. Et bien sûr la rejouabilité est importante, TW oblige.

Ce Total War : Rome II laisse au final un goût amer dans la bouche. Pleins de bonnes idées et à la hauteur techniquement (pour peu qu'on réussisse à le faire tourner dans de bonnes conditions), le jeu accuse pourtant de vrais lacunes par rapport à Shogun 2. Les batailles se résument souvent à une bouillie infâme d'unités, bastons qui se règlent généralement en moins de 5 minutes, l'IA est aux fraises, certaines décisions de game design sont discutables, mais malgré tout je ne peux pas m'empêcher d'aimer y jouer. Entre nouveautés bien intégrés et retraits de features difficilement compréhensibles, le jeu se révèle vite frustrant. Tant de potentiel, et tant de problèmes à la fois ... le temps ne peut faire que du bien à un jeu qui aurait mérité quelques mois de développement supplémentaires. Les problèmes majeurs que sont l'optimisation et l'IA seront en principe réglés rapidement, et pour ce qui est du reste, on peut compter sur la communauté TW. Plusieurs dizaines de mods sont déjà sortis, certains permettant de régler certains des aspects les plus gênants du jeu. Je lui met pour l'instant un gros 7 d'encouragement, que je changerai probablement en 8 dans quelques mois.

EDIT : Quelques mois sont passés, et nous en sommes désormais au patch 7. Quoi de neuf ? On est passé du foutoir total à un vrai Total War, rien que ça.
Les différents patchs ont largement amélioré l'optimisation (le patch 7 beta m'a fait gagné 10-15 fps et un framerate moins instable), probablement la grande priorité au vue des problèmes rencontrés à la sortie. Les gains sont conséquents, et un bon nombre de problèmes techniques ont été réglé. L'autre gros problème, l'IA a également était en grande partie réparé. Incontestablement la grande absente de la release, elle se comporte désormais de manière plutôt convenable, que ce soit en bataille, en siège et même en campagne, où elle se distingue par son agressivité. Je dirais qu'on a atteint à peu près le niveau de l'IA de S2, ce qui n'est pas forcément un compliment, l'IA des TW en vanilia n'ayant jamais brillé.
La plupart des autres gros défauts ont été gommé, plus ou moins efficacement. Les gros amas d'unités informes ont fait place à de belles lignes de batailles, l'interface a gagné en clarté, l'équilibrage a grandement été revu (les charges barbares, la formation tortue, les unités à distance entre autres), pour ne citer que les points qui sautent aux yeux.

Tout n'est bien sûr pas parfait, le game design souffrant toujours de décisions parfois obscures, mais les deux gros points noirs du titre ont été largement atténué par le tout dernier patch, actuellement en beta. Et bien entendu, un nombre considérable de mods a fait son apparition depuis la release, touchant à peu près tous les aspects du jeu. Rome II est promis à un brillant avenir de ce point de vue là, avec un vrai engouement du côté des moddeurs.

En l'état actuel des choses, le jeu est parfaitement jouable et s'inscrit dans la droite ligne de ses prédécesseurs. Les points forts du titre sont plus identifiables, maintenant qu'ils ne sont plus caché par une montagne de problème, et je pense sincèrement que même les plus réticents devraient redonner une chance au jeu.
Jadenor
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Créée

le 17 sept. 2013

Modifiée

le 15 nov. 2013

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