Uncharted 3 : L'Illusion de Drake par Ekyrby
Uncharted... Mais ça veut dire quoi Uncharted en fait? On s'en fiche, tout comme on se fiche de la traduction relativement moisie d'un sous-tire non moins moisi. La série Uncharted n'a jamais franchement brillé par son inspiration en terme de titre, mais plutôt par son approche du jeu: le blockbuster, le jeu-vidéo/film. Mais attention à ne pas confondre avec la critique dont on affublait des jeux tels que Metal Gear Solid 2 qui proposaient une somme conséquente de cinématiques, certes mises en scène à la manière d'un film d'action, mais qui constituaient une fracture dans le flux ludique. Uncharted s'efforce depuis 3 épisodes de flinguer la notion de cut-scene, en essayant de fournir une expérience de jeu réellement cinématique.
La cinématique, c'est l'oasis du studio de jeu vidéo: le scénariste y cale un bon dialogue qui va permettre de faire avancer le scénario, le graphiste va pouvoir faire péter les CG (fut un temps où tout ça n'était pas rendu avec le moteur du jeu, penser Final Fantasy), le game designer va pouvoir faire faire à ses personnages toutes les trucs dingues que le gameplay ne lui permet pas de déléguer au joueur... Sauf que même elle scotche le joueur dans son fauteuil, cela constitue quand même une séquence ou le joueur n'a pas la main. Et ça Naughty Dog n'aime pas. Naughty préfère un jeu où le joueur et le développeur vont main dans la main, le développeur entrainant dans ses folies le joueur, lequel se voit accorder en retour le droit d'en faire ce qu'il veut. D'autres jeux l'ont tenté: Metal Gear Solid 4 (encore) propose au joueur de vadrouiller pendant les interminables briefs de mission, par exemple.
Mais aucun n'arrive à la botte d'Uncharted pour ce qui est de la gestion de ce mariage subtil. Crédibilité des personnages, beauté des graphismes (non, next-gen ne rime pas avec gris marronasse), animations, ambition des décors, tout est poussé très loin pour impliquer le joueur dans l'univers du jeu. Les scènes d'actions brillent pas leur démesure, mais surtout par le fait qu'elle balance le joueur au milieu d'une situation totalement improbable et le laisse se débrouiller au milieu.
Bien sur, ce n'est pas encore parfait, puisqu'il a été beaucoup reproché au studio, non pas de prendre le joueur par la main, mais surtout de ne pas vouloir la lâcher. Le degrés de liberté dans la série est très faible. Et si on se dit en pleine séquence de gameplay: "woa, tout ça m'arrive à MOI?!", on se rend vite compte qu'on est gentiment aiguillé sur la bonne voie et qu'on ne peut pas aller à contre-courant. Mais le génie de Naughty Dog tient à la subtilité avec laquelle le jeu guide le joueur et lui montre la marche à suivre, de manière quasi imperceptible. Un mouvement subtil de caméra lors d'une course poursuite et l'on va tout naturellement se diriger vers le bord du toit pour sauter dans le vide. Il n'y avait pas d'autres solutions, mais la manière dont le jeu donne l'impression que la décision vient de nous est assez impressionnante.
Voilà pour l'intro.
Quand au jeu lui-même, c'est logiquement l'évolution plutôt qu'une révolution d'un système déjà bien chiadé. Les nouveautés "visibles" se comptent sur les doigts d'une main: nouveau scénario, graphismes un peu amélioré (dur de faire mieux!).... Au final, la vraie amélioration tient plus dans la maitrise de la formule dont le studio fait preuve. A voir ainsi la scène d'ouverture, moins impressionnante que celle du 2, mais plus inventive dans sa mise en scène.
On retrouve donc Nathan Drake, toujours à bourlinguer à travers le monde et se retrouver dans les situations les plus improbables, sans qu'il lui vienne à l'idée que ce qu'il fait un quand même dangereux. Le mélange "Indiana Jones-Demolition Man" fonctionne toujours très bien et on découvrira avec énormément de plaisir les lieux enchanteurs que Nathan découvre, avant de les réduire à peu près systématiquement en amas de cailloux. Une vraie catastrophe ambulante. Les seconds couteaux sont encore mieux écrits (Un archéologue avec une tête de rugbyman anglais, fallait oser!), avec une mention spéciale pour les interactions entre les personnages, très justes et jamais lourdingues. Bonus Machiavel: le méchant est cette fois plus convaincant que le golgoth d'Amongts Thieves, avec un sidekick qui doit caler 3 phrases dans tout les jeux mais qu'on a envie d'éclater au bout d'une minute trente. Bref, que du bonheur.
Ouais. Mais.
Au final, 2 fautes de goût viennent à mon goût un gâcher l'expérience. D'abord, le chapitre du bateau, tout impressionnant qu'il soit, tombe à l'eau (pouf pouf) au milieu du flux narratif, sinon sans faute. Secundo, la fin n'est pas l'apothéose qu'on était en droit d'attendre. Ça manque de confrontation, et si le temple maudit est réduit syndicalement en ruine, on a tellement réduit en morceau jusqu'au moindre petit tertre vaguement funéraire pendant tout le jeu que ça semble normal. Et on ressort du jeu avec un petit manque, mais surtout, une sensation de vide. Ouais, c'était cool pendant que je jouais, mais il ne reste pas grand chose derrière. Et je sais que je ne ressentirai plus la même chose en y rejouant, absence de surprise oblige. Que ce soit la lassitude due à la connaissance d'une formule maintenant éprouvée, ou une tendance mienne à me lasser rapidement, je peux conclure que je me suis énormément amusé en jouant à Uncharted 3, mais que je garde peu de souvenirs notables de cette expérience.
Ca reste quand même un excellent jeu, et le boulot des développeurs se doit d'être salué, mais un grand titre se doit d'être justement confronté à l'exigence.
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