L’idée de proposer en jeu vidéo un revival interactif des slashers tout droit sortis des années 70-80 (à la manière de Vendredi 13 ou Halloween) était déjà en soit particulièrement alléchante. Et c’est d’ailleurs comme ça qu’il a été présenté pour la première fois. L’idée de proposer au joueur d’alterner entre les différents protagonistes traditionnellement amenés à se faire trucider un par un l’était tout autant. Et encore plus avec la promesse de laisser au joueur des choix cornéliens à faire à la façon des vieux « livres dont vous êtes le héros » et d’influer sur le cours de l’histoire. Restait toutefois à mette en musique cette recette casse-gueule au possible. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les petits gars de Supermassive Games s’en tirent avec les félicitations du jury en livrant un jeu avec un scénario sensiblement plus étoffé que ce à quoi on pouvait s’attendre.


Bien sûr, d’aucuns ne retiendront qu’un jeu très fortement corseté et couloirisé ; les rares moments de liberté (en dehors des choix réguliers à faire) se limitant souvent il est vrai à s’éloigner de quelques mètres du chemin tout tracé (une pièce dans un couloir, un bas-côté au détour d’un chemin…) pour découvrir un indice ou un totem caché dans le décor (tout de même lourdement signalé par un point lumineux) permettant d’enrichir le background de l’histoire. D’aucuns y verront également un jeu gavé de QTE où la moindre course poursuite ou passage d’escalade se transforme en un « croix-rond-carré-triangle » des plus reptilien. Avec tout ce qu’il y a de plus frustrant de voir mourir l’un de vos protagonistes pour une erreur d’input ou une pression arrivée un dixième de seconde trop tard alors que tout serait passé à l’aise avec un gameplay traditionnel. D’aucuns retiendront également après avoir fait un deuxième run que la liberté n’est souvent qu’illusion et que tant que le scénario ne l’a pas décidé, un protagoniste ne mourra pas quoi que décide le joueur et qu’inversement (même s’il est possible de sauver tout le monde ou même de tuer tout le monde, comme j’en ai fait l’expérience), certains connaîtront presque à coup sûr un funeste destin. Mais qu’importe, à l’image de la saison un du Walking Dead de Telltale Games, l’essentiel est que l’illusion fonctionne au moins une fois.


Et pourtant, la recette fonctionne du tonnerre tout au long des 10 chapitres du jeu (plus le prologue) de 21H00 à 7h00 du matin (d’où le titre « Until Dawn », « jusqu’à l’aube » en français pour les plus allergiques à la langue de Shakespeare). Il y a tout d’abord cette ambiance particulièrement bien réussie dans les montagnes rocheuses de Blackwood Pines en Alberta (Canada) qui alterne à merveille entre l’univers glacial des décors extérieurs et les univers plus intimistes comme dans le chalet des Washington. Avec toujours en toile de fond ce « boogeyman » qui rôde dans les parages.


Il y a ensuite ce scénario bien plus fouillé qu’on ne pouvait l’anticiper. Car si les premières apparitions du jeu laissaient présager d’un huis-clos classique dans le -très grand- chalet perdu dans les montagnes à tenter d’échapper au croque-mitaine, le joueur va aller de surprise en surprise avec un bon lot de twists (dont un dernier à la fin du générique !) et découvrir un background beaucoup plus intéressant avec comme toile de fond la recherche de ce qui a pu arriver aux deux sœurs Hannah et Beth Washington le 2 février 2014, un an avant le début du chapitre 1. Rebondissements qui vont également permettre au joueur de se dégourdir les jambes bien au-delà du chalet des Washington avec au programme pas mal de randonnée en pleine forêt dans la nuit noire dans le blizzard, de la spéléologie dans la mine et les grottes sous la montagne, sans oublier le vieil hôtel et le sanatorium abandonné en haut de la montagne. Ainsi, si l’on pouvait craindre un huis-clos un peu contraint par l’unité de lieu propre aux slashers des années 80, il n’en est rien.


Mais il y a surtout cette unité de temps presque parfaite avec ces 10 chapitres sous forme d’épisodes qui couvrent chacun une heure de 21h à 7H du matin (avec un petit côté « 24H Chrono » avec un rappel des « épisodes précédents » à chaque interlude) qui pourrait quasiment permettre au joueur de faire le jeu d’une traite « en temps réel » au cours d’une seule nuit (même si, en réalité, le jeu est plus court et avoisine plutôt les 8 heures de jeu réel). Il en ressort ainsi une course en avant permanente avec un jeu incroyablement bien rythmé. Et si les 3 premiers chapitres seront surtout là pour poser l’ambiance et les relations entre les différents protagonistes (avec pas mal des poncifs des slashers), le rythme va très vite s’accélérer pour prendre l’allure d’un train fantôme jusqu’au bout de la nuit. Cet aspect course en avant est aussi accentué par le fait qu’à aucun moment le joueur ne sera confronté à un game over. Quoique fasse le joueur, rien n’arrêtera en effet le fil de l’histoire, que vous sauviez les 8 protagonistes ou qu’ils passent l’arme à gauche les uns après les autres. C’est le principe bien installé des « permadeath » de Fire Emblem : une fois un personnage mort, c’en est fini pour de bon avec celui-ci (à une exception près, vous le découvrirez) et le jeu zappe immédiatement sur la séquence d’un autre personnage. Aucun retour en arrière possible, donc, on serre les dents, et on avance toujours plus loin au cœur de la nuit.


En bref, si ce côté film interactif ne plaira pas à tous, pour peu que vous ayez un minimum d’affinités avec les films comme Halloween ou Vendredi 13, Until Dawn est un véritable incontournable de la PlayStation 4 tant son ambiance et son rythme sont une véritable réussite de bout en en bout. Et si le jeu n’est pas bien long et les principaux twists immanquablement éventés à l’issue du premier run, vous aurez sans doute à cœur de replonger pour une toute nouvelle partie ou au moins pour quelques chapitres. Une fois terminé, le jeu vous laisse en effet l’entière liberté de reprendre une « nouvelle histoire » ou de picorer dans les différents chapitres afin de dénicher tous les totems et indices et d’expérimenter des alternatives afin de commencer un peu à jouer avec le scénario. Une franche réussite !

marchiavel
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le 4 nov. 2018

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