A Boy and His Blob: Trouble on Blobolonia s’offre d’emblée comme une fable mécanique : un garçon muet et un être protéiforme qui, en absorbant des bonbons, se transforme en outils. Cette idée, d’une clarté conceptuelle rare, fonde un langage ludique où chaque friandise devient un signe. Le joueur déchiffre l’espace en pensée algorithmique, combinant formes et moments pour résoudre des énigmes qui ne se contentent pas d’obéir à la logique mais la réinventent.
La direction artistique, contrainte par la NES de la toute fin des années 1980, parvient à une économie expressive. Les sprites, aux contours simples, trouvent leur caractère dans l’animation et le contraste des plans. La musique chiptune ne s’en tient pas au fond sonore ; elle sculpte l’humeur, mêlant innocence et légère mélancolie. Elle finira néanmoins par vous taper sur les nerfs dans ses longueurs, le motif répété à l'envi étant malheureusement bien trop court. Le level design favorise la progression par variation de situations, instaurant un rythme où la curiosité prime sur la tension. Les séquences ne sont pas de purs exercices de difficulté mais des micro-récits qui imposent une lecture patiente des espaces.
Techniquement, le titre montre ses années. La physique des collisions et la hitbox parfois approximative exigent de la tolérance ; la maniabilité, intentionnellement souple, produit des moments de flottement qui perturbent la précision. Ces défauts, loin d’être uniquement des entraves, participent au caractère organique de la relation ludique. L’asymétrie du duo, la lenteur de certaines animations et la répétition de puzzles exploitent autant la frustration que la découverte, transformant la contrainte en matériau esthétique. Là où un système plus rigoureux aurait nivelé l’expérience, l’imperfection confère au compagnon une fragilité presque vivante.
Sur le plan narratif, l’absence de parole se révèle une force. La parole muette du jeu se déploie par la mécanique elle-même ; le récit se fait expérience. Le garçon et son blob deviennent une machine à évoquer l’attachement, non par l’illusion réaliste mais par l’exigence d’une coopération maladroite. A Boy and His Blob: Trouble on Blobolonia préfigure ainsi des réflexions contemporaines sur l’affect ludique, montrant que la finesse des interactions peut suppléer la surenchère graphique.
Ni chef-d’œuvre technique ni jeu parfait, il demeure une pièce importante du puzzle-plateforme : une œuvre modeste qui invente sa langue et invite le joueur à écouter le monde par gestes. Sa réussite tient à la cohérence entre forme et intention, à cette poésie lente qui transforme l’imperfection en accomplissement.