Oh mais que suis-je déçu!

Fan invétéré d'Age of Wonders depuis le 2, j'ai écumé ce volet, Shadow Magic et le 3. J'attendais donc cet épisode avec ferveur, fébrilité et appréhension.

Pour ceux qui ne connaissent pas la série de Triumph Studios, il s'agit d'un jeu de stratégie tour par tour qui se joue sur une carte du monde à cases hexagonales, méthode reprise depuis par Civilization.

Ce dernier opus est un peu un enfant bâtard né d'Age of Wonders 2 (sans les tours de mage que je pleure encore aujourd'hui), Endless Legend (pour le découpage de la carte en secteurs), XCOM (pour les combats tactiques) et Civilization VI (pour l'arbre de recherche).

On démarre avec une ville et ici, pas question de démarrer avec un colon unique comme il était parfois possible avant, mais ce n'est pas une grosse perte. Cette ville, la capitale, sera le centre opérationnel de l'invasion ou reconquête de la planète. Comme dans les jeux du genre, on pourra améliorer la ville et y développer les unités militaires indispensables.

La particularité d'Age of Wonders tient à son gameplay hybride, tenant à la fois du 4X que du jeu de combat stratégique. En effet, on y explore la carte du monde comme sur un Civilization puis lorsque les unités combattent, on a droit à un choix entre un combat résolu par l'ordinateur ou bien une bataille manuelle où l'on contrôle soi-même ses unités, comme dans Heroes of Might and Magic. D'ailleurs la principale différence avec ce dernier vient des stacks d'unités: impossible de mettre plus de 6 unités sur une case. Il est toutefois possible de faire des combats bien plus étoffés lorsque plusieurs stacks d'unités sont côte-à-côte: on peut en arriver à encercler une unité/ville ennemie avec 6 stacks de 6 unités, ce qui commence à faire un beau siège.

Petite nouveauté dès l'entrée en jeu: Maintenant la faction que l'on joue ne se détermine plus par la race jouée et sa spécialité en magie, en tant que bonne SF ce n'est plus de la magie ici mais de la technologie (c'est de la philo de comptoir). On choisit donc sa faction, sa "technologie secrète" et finalement, en jeu, on détermine si on est gentil ou méchant (loyal ou vilain). Pour corser le tout, chaque faction a son propre arbre de recherche ET deux arbres de recherches pour les armes (laser, cinétique, psi, bio etc...), qui sont dépendants de la race choisie. A cela s'ajoute enfin l'arbre de recherche de la technologie secrète, ce qui fait un arbre technologique toujours différent selon les parties.
Les technologies sont en outre militaires ou sociales, donnant deux arbres de technologie différents avec des recherches simultanées.

Les particularités de Planetfall: la carte stratégique

La grosse nouveauté de cet opus est la découpe de la carte du monde en secteurs: à la mode d'Endless Legend, on ne peut construire ses villes et s'étendre qu'en prenant contrôle de secteurs définis, qui ont une valeur de productivité définie et une forme définie dès la génération de la carte.

La carte représentant une planète entière, elle est aussi devenue cylindrique: on peut faire faire un tour de la carte à ses unités se déplaçant horizontalement, plus de coins à la carte!

J'apprécie ce dernier point, qui rend la carte plus tactique. En revanche, l'ajout des secteurs m'a beaucoup dérouté et peiné. En effet, il y avait un mécanisme dans les AoW classiques qui était à la fois rageante et particulière: les bâtiments générateurs de ressources n'en fournissaient que si le joueur était propriétaire du bâtiment. S'il n'était pas défendu, un adversaire n'avait qu'à marcher sur la tuile où se trouve l'immeuble pour en prendre possession. Evidemment, sur les centaines de ces structures à posséder, on ne les défendait jamais faute de ne jamais avoir assez d'unités pour ça et ça donnait lieu à un débile mais cohérant jeu de chat et souris avec l'adversaire pour prendre les ressources sans se faire massacrer au passage et vice-versa.

Ici, on ne peut pas bénéficier des ressources se trouvant dans un secteur que l'on ne contrôle pas. Donc, pour s'étendre, il faut des colons ou étendre les frontières de sa ville. Et ça m'a fait buter sur un problème de taille: mal placé au largage d'une de mes parties non scénarisées, j'ai hérité d'un joli bloc arctique sans aucun bonus de production en nourriture et donc produire le moindre colon me prenait des plombes. J'ai été distancé par l'IA (en moyen!) dès la première dizaine de tours juste parce que sa zone de départ était moins pourrie.

Dans les précédents AoW, on avait besoin de nourriture? Allons dézinguer les péons qui gardent ce moulin à eau!

Dans celui-ci? On peut bien obtenir un peu de nourriture de la même manière, mais cela ne donne qu'un nombre fixe de ressources en une fois, alors que dans les précédents la ressource était régulière jusqu'à ce qu'on nous vole la structure bonus. Je n'aimais déjà pas cette méthode de procéder dans Endless Legend, je ne l'aime toujours pas dans Planetfall.

A mon avis, qui n'est que personnel, cela entrave le joueur dans des carcans alors qu'à l'instar des précédents opus, on pouvait caler ses villes et bastions où bon nous semblait. Et si je bloquais ce col de montage avec une tour de guet? Et si je calais ma ville ici, près du lac, pour avoir un accès à l'autre rive par bateau? Et si je collais ma ville là pour bénéficier des ressources de ces 3 structures? On se posait des questions et on choisissait l'endroit pour fonder sa ville ou poser ses défenses. A avoir choisi le découpage par secteur, j'ai l'impression que Triomph Studios (et Paradox) a eu peur de trop lorgner sur Civilization avec ses tuiles uniques donnant un revenu précis. Alors qu'à mon avis, si la franchise doit évoluer, c'est dans ce sens. Ou bien ils ont eu la flemme et ça me frustre.

Je terminerai pour dire que la diplomatie est toujours basique et qu'il n'y a pas vraiment eu de progrès dans ce domaine.

Les combats tactiques

Une nouveauté, bienvenue cette-fois, est arrivée dans les combats tactiques. Dans les 4 premiers épisodes de la série, les obstacles gênaient la vision des attaques à distance et les mouvements des unités au sol. Au pire, si une unité bloquait la vision d'une autre en étant entre elle et sa cible, elle risquait de se prendre des flèches au fesses par manque de chance. Les lignes de vue ne déterminaient donc que la précision et d'ailleurs, la "défense" dans AoW a toujours voulu dire "esquive".

Ici, Triumph est aller lorgner du côté d'XCOM (tiens, encore du Firaxis!) pour améliorer cette donnée: il y a maintenant une gestion du couvert permettant aux unités de se planquer et de se retrancher, automatiquement. Il y a aussi une gestion du flancage tactique pour donner des dégâts bonus et, ô surprise, une fonction "surveillance" (overwatch) qui permet aux unités de faire feu pendant le tour ennemi si celui-ci se déplace dans son champ de vision. L'interface a aussi été pompée sur XCOM, ce qui est un bon point: on détermine bien plus vite ce que son unité peut faire d'un simple coup d'oeil.

Le reste du système de combat reste archi-classique et fidèle à la recette Age of Wonders, ça marche toujours aussi bien, même avec le passage à la science-fiction.

Petite évolution au passage: on peut rajouter des "mods" sur ses unités, même les plus basiques, pour les améliorer un peu (ou beaucoup), comme si chaque unité était un petit héros avec son équippement. Eh bah ça donne un peu de punch pas dégueu, en plus les développeurs se sont donnés la peine de pouvoir renommer chaque unité que l'on modifie de la sorte avec un logo particulier pour les distinguer, et ça, c'est une belle idée.

Le style, graphismes et choix de design

C'est à la fois audacieux et terriblement décevant.

On aime ou on n'aime pas, mais malheureusement c'est plan-plan. C'est du design vu et revu, aucune unité n'est particulièrement impressionnante ou originale (eh, si on mettait un vers des sables géant? Ah non trop convenu. On va faire... Un vers des sables géant... En feu maggle, tavu komenkoné originals?). Après, je veux bien, créer un univers cohérent est très compliqué, mais là c'est du niveau 1 de la création d'univers.

En plus la carte du monde est assez vilaine, même en mode ultra on a l'impression de jouer sur une carte de Civilization IV. La 3D isométrique des classiques était peut-être complètement dépassée, mais elle reste solide et jolie aujourd'hui. La 3D des unités est trop juste et les décors sont fades. Pire: les tuiles "ruines" sont tout bonnement dégueulasses. Dans le lore, on est sur une galaxie qui a presque entièrement été colonisée, on pourrait s'attendre à du gros portnawak galactique, mais non, tout ressemble à notre bonne vieille terre, quelques impacts nucléaires en plus. On n'est pas très immergé.

PS: la VF est complètement nulle. Au point où on ne peut pas comprendre certains concepts si on les lit en français.

En gros:

Vous savez quoi? La prochaine itération du jeu à intérêt à lorgner sur le 3 ou sur Civilization pour la gestion de la carte stratégique. Je bave en avance d'un Planetfall avec la gestion de ressources à la Beyond Earth... Par contre, pour ce qui est des combats tactiques, Triumph est tellement en haut du paquet que sa formule en stagne, et c'est pas plus mal. Je pense que le jeu plaira particulièrement à ceux qui ont apprécié Endless Legend et ceux qui veulent découvrir la licence (accrochez-vous, y'a du mécanisme à apprendre). Les fans, comme moi, risquent d'être déçus.

Oulumor
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le 14 août 2023

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