Ça fait déjà quelques temps qu'en termes de jeu de sport – et plus particulièrement en termes de jeux de course – je suis à la recherche d'un « entre-deux ».
Pas forcément la grande simu labellisée à grands coups de licences officielles à la façon F1, WRC ou Gran Turismo, ni le jeu casu ultra minimaliste à la façon d'un Ultimate Racing 2D. Disons que, depuis quelques années, ça me ferait plaisir de tomber sur un jeu qui sache à la fois se montrer plutôt accessible et simple de prise en main, mais qui sache malgré tout proposer une réelle marge de progression ; un jeu qui laisse un peu de côté la performance technique et le respect des licences pour davantage se consacrer aux sensations qu'il procure manettes en mains. Or, force m'est de constater que, jusqu'à présent, mes recherches n'ont pas su être menées pleinement à leurs termes, malgré des fortunes diverses : entre des Top.Gear Unlimited totalement à côté de la plaque et des New Star GP sur la bonne voie mais pas encore suffisamment maturé, il y a encore un créneau à prendre pour un prétendant que j'appelle toujours de mes voeux. Et vous l'aurez compris : c'est dans ce cadre là que j'ai croisé la route de cet art of rally.
Alors c'est vrai que, sur le papier, art of rally ne colle pas totalement à la définition du jeu tant espéré. L'exigence en termes de conduite est posée d'emblée comme un choix assumé par les développeurs, donc exit le gameplay simple et accessible. Néanmoins, pour ce qui est de tout le reste, art of rally coche vraiment toutes les cases. Graphismes minimalistes et licences non respectées sont là aussi posés comme des partis pris ostensiblement affichés. Le focus est vraiment posé sur la conduite, les sensations et – ô surprise – l'histoire et l'esprit du rallye.
Car quand bien même aucune licence n'est respectée dans ce jeu qu'on retrouve des modèles de voitures et des noms de pilotes qui seront bien familiers auprès des connaisseurs. En plus de ça, le jeu prétend nous faire suivre l'historique de la compétition, amorçant le mode carrière en 1979 – date de création du WRC – et accompagnant l'évolution de l'événement à travers les années.
Ainsi chaque écran de menu ou temps de chargement se veut pédagogique, rappelant faits marquants et particularités de chaque époque.
S'ajoute en plus à tout ça une vraie démarche esthétique, faite de couleurs marquées et de musiques synthwave, et on se retrouve au final avec une vraie proposition de jeu. Quelque chose qui a clairement de quoi séduire et convaincre. C'est la raison pour laquelle je m'y suis risqué non sans un certain enthousiasme et...
...Et j'avoue que, sans être inintéressant, cet art of rally n'a clairement pas, du moins me concernant, transformé l'essai.
C'est que les développeurs de chez Funselektor jouent beaucoup à faire passer pour un choix arty ce qui relève en fait de véritables insuffisances.
On va commencer par ce qui saute tout de suite aux yeux : les graphismes.
Ah ça ! Lors des petites saynètes d'intro et autres trailers du jeu, il a clairement une patine qui séduit cet art of rally, mais en situation de course, c'est quand même la grosse débandade.
Ah putain ça pique. Et ça même franchement fort.
On est au-delà du dépouillement, on est clairement au stade de la dépouille. C'est d'ailleurs face à des jeux comme celui-là que tu comprends que le low poly, ce n'est pas si évident que ça à mettre en place. Ça nécessite quand même un peu de ressources et surtout pas mal de taf pour qu'on y croie.
Parce qu'effet, dans art of rally, on sent que les maps manquent de beaucoup de choses. Les étendues sont lisses et monochromes. Les routes manquent de textures et les ombres ne portent jamais vraiment, si bien que pas mal d'éléments sont noyés dans la masse, comme les éléments herbagés qui, de toute façon, font, de base, très rudimentaires. Tout ça donne du coup l'impression qu'on joue sur une map de jeu en version beta sur laquelle on a tracé les routes avec un gros crayon Paint.
Les éléments de décors sont bien trop minimalistes pour rompre avec cette impression très factice et déstructurée. Les arbres sont des piquets qu'on plante çà et là, comme on poserait des décorations Playmobil. De là, impossible de rendre une seule forêt crédible, et c'est particulièrement criant pour les arbres nus des vastes contrées de Finlande en hiver, qui ressemblent davantage à un vaste support à cure-dents qu'à une véritable toundra.
Le problème est le même avec les bâtisses. Ce sont des blocs posés à même le sol. Rien pour donner un effet d'implantation. Pas de végétation au pied. Pas de perron. Rien. Juste de l'angle brut qui donne l'impression d'un jouet posé là par un gamin, sur un tapis de jeu. Et même chose pour les véhicules en bordures de piste d'ailleurs. Ce seul constat est déjà tellement accablant en lui-même qu'il me semble superflu de parler des « spectateurs » car ce serait vraiment tirer sur l'ambulance.
L'immersion est donc compliquée avec cet art of rally et nos premières sessions ne vont clairement pas aider.
Car avant qu'on ne puisse lancer sa carrière, art of rally nous oblige à prendre connaissance avec la physique du jeu en nous obligeant à procéder à un jeu de collecte au sein d'une de ses maps en monde ouvert. En vrai, l'idée est bonne, mais dans la pratique, c'est le genre de niveau d'initiation qui nous fait tout de suite déchanter en termes de crédibilité de la proposition. Parce que, outre une map qui n'a pas grande cohérence à part celle d'un tapis de jeu pour enfant – ce qui tue d'emblée tout esprit de balade libre à travers de sauvages contrées – on se retrouve très vite confronté à une conduite qui ne peut qu'interpeller dans un premier temps. Alors certes, on s'efforce de se rappeler qu'on a affaire à un jeu exigeant et qu'effectivement, une voiture de rallye ne se conduit pas le pied sur l'accélérateur tout en restant collée sur l'asphalte, mais le souci c'est qu'il y a dans toute cette proposition quelque chose de très contre-intuitif.
D'un côté on a un véhicule qui a beaucoup d'inertie et qui perd très vite son adhérence et son équilibre, et de l'autre on a ce visuel de petite voiture Micro-machines en plastique qu'on balade sur un tapis de jeu pour gamins.
Alors OK, c'est vrai, à force, ça finit par se gérer et ça propose un challenge qui n'est pas inintéressant en soi et dont on va très vite reparler. Néanmoins il présente clairement ses limites, il reste à mes yeux discutable, et pour moi ça se ressent particulièrement lorsqu'on rentre dans le mode carrière.
Aborder le mode carrière, c'est pourtant clairement reprendre espoir.
Après une introduction chelou (et moche) avec un bouddha (?!), on se retrouve à devoir s'enchaîner quelques spéciales par année de championnat, toute en un même lieu choisi au hasard, et selon des conditions et des revêtements différents.
Là, l'intérêt est clairement renforcé par la nécessité d'avaler le plus vite possible un tracé déterminé. Un virage pris trop vite ou mal négocié et c'est tout de suite le respawn et les cinq secondes de pénalité. Autant dire que ça vaccine tout de suite d'un éventuel esprit. On préfère assurer chaque virage, mais le problème en assurant chaque virage avec une telle inertie, c'est qu'on se traîne grave. Du coup le gameplay pose très vite du challenge ; un challenge d'autant plus affirmé qu'on n'a pas vraiment l'occasion de se familiariser avec les pistes.
Parce qu'en effet, le choix a été pris, du côté de Funselektor, de générer les circuits aléatoirement. On n'a certes le droit à cinq retry sur un championnat, mais si on transige avec cette règle en relançant sa partie, le jeu va générer un nouveau tracé, ce qui nous oblige d'autant plus à jouer sur notre capacité d'adaptation face à un circuit qu'on ne maîtrise forcément pas trop.
Voilà qui permet de justifier pas mal de choix donc...
...Mais jusqu'à un certain point.
Parce que le souci avec ces choix de gameplay et de gamedesign c'est que – encore une fois – il démontre toutes ses limites à l'usage. Il suffit de rouler au pas pour se rendre compte qu'il y a un réel souci d'inertie avec ces bagnoles. Même à vingt kilomètres à l'heure, impossible de prendre un virage à angle droit. Ça ne tourne pas assez, même avec une Mini, donc dans les circuits sinueux et souvent d'équerre de certaines maps comme la Finlande par exemple, c'est juste l'enfer. Et vu qu'à côté de ça, les véhicules les plus maniables sont aussi ceux qui n'ont aucune patate – au point qu'il faille vraiment enfoncer le bouton jusqu'à la garde pendant plusieurs secondes pour que le véhicule prenne son élan (mais pas suffisamment pour prendre le prochain virage en dérapage hein), on se retrouve avec un apprentissage vraiment fastidieux et une courbe de plaisir qui peine à décoller. Et c'est là que je me dis que le choix de circuits sans cesse aléatoires a vraiment quelque chose de discutable. Parce que, clairement, pour commencer, il y a des endroits plus adaptés que d'autres et des tracés plus simples que d'autres.
Par exemple, moi, lors de ma première partie, je me suis bouffé l'Indonésie en deuxième tour, et franchement c'était super. Les lignes étaient davantage alongées, le sol terreux davantage dérapant, favorisant ainsi les manoeuvres un peu plus risquées à haute vitesse. Et c'est vraiment là où j'ai commencé à me faire la main. Seulement voilà, quand j'ai voulu tout reprendre du départ une fois que j'avais essuyé tous les plâtres, je me suis bouffé de la Finlande, encore de la Finlande, toujours de la Finlande... Et plus jamais d'Indonésie, même après une demi-douzaine de championnats bouclés...
...Et franchement j'ai trouvé ça con, à la fois en termes d'apprentissage comme en termes de suspension consentie d'incrédulité...
De toute façon, et de manière générale, j'ai quand même l'impression que Funselektor nous l'a un petit peu fait à l'envers dans sa manière de nous vendre son art of rally. D'un côté on t'affiche ostensiblement une philosophie de puriste où tout a été sacrifié au service de la sensation de conduire – le fameux art du rallye – et de l'autre tu te rends quand même bien compte que, dans les faits, les choix opérés ont surtout été fait un peu au petit bonheur la chance, en ne se donnant pas trop de le temps de réfléchir à l'équilibrage le plus pertinent, et on t'a caché tout ça derrière une patte arty un peu absconse.
La maniabilité difficile à prendre en main ? Une manière d'empêcher les joueurs de se rendre compte que quelque chose cloche dans le gameplay et les contraindre à s'engager suffisamment en profondeur avant qu'il ne puisse pleinement conscientiser le problème.
La vue aérienne très éloignée pour inciter à une lecture anticipée des trajectoires ? C'est certes un choix fort et qui peut séduire, mais c'est surtout un très bon subterfuge pour qu'on ne soit pas désarmé par ces textures dépouillées à l'extrême.
La composition des compétitions avec des maps et des tracés aléatoires ? D'accord, ça apporte du challenge et de l'inconfort, mais j'ai surtout l'impression que ça a été une belle solution de facilité pour ne pas à devoir trop se poser la question du tracé des circuits...
Bref, à bien tout considérer, je trouve que l'art a quand même bon dos avec ce jeu...
Ce qui est amusant c'est qu'en définitive, le jeu est un peu à l'image de sa patte artistique : c'est mignon, dans l'air de son temps, mais ça traduit très vite une absence de personnalité qui ne laisse aucune marque. Décors, menus, musiques, circuits, gameplay : rien n'est fondamentalement inopérant, mais tout est superficiel, rien ne marque. Sitôt fait, sitôt oublié. Et persiste surtout en bout d'expérience cette impression étrange d'avoir joué à un titre qui n'était certes pas totalement dénué d'intérêt, mais pas en tant que simu le rallye.
Parce que, étonnamment, j'avoue que tout ce que je garderais de ce jeu, c'est le souvenir d'une sorte de tricky bille géant. De vastes arènes de plastiques colorées dans lesquelles il a fallu trouver la vitesse à donner à.sa petite bille, tout en jouant du l'inertie, pour arriver au bout. Un exercice fastidieux, mais un exercice de patience avant la satisfaction finale d'avoir maîtrisé à peu près convenablement le parcours du combattant.
Funselektor n'aura donc pas démérité sur ce coup-là, mais force est de constater qu'il n'aura clairement pas su transcender son art.
Reconnaissons-lui au moins ce mérite d'avoir essayé et surtout d'avoir démontré qu'il y avait une piste à explorer du côté du jeu dépouillé qui va à l'essentiel.
D'ailleurs, moi quand je vois que sortira d'ici la fin de cette année 2025 ce jeu très séduisant qu'a l'air d'être Formula Legends, je me dis que, petit à petit, on va finir par me le sortir, mon petit jeu chéri...