A peine quatre après la fin de Brotherhood, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'Ezio a pris cher. Il est tout barbu, tout hirsute, il a l'air fatigué et sa tenue gris cendre laisse percevoir un personnage qui arrive à bout. Epuisé, sans doute, par ce que lui fait subir Ubisoft, remettant le couvert dans une deuxième suite de la suite d'Assassin's Creed. Oui, ils sont comme ça, chez Ubisoft, ils multiplient les suites comme Activision les itérations de Call of Duty. Seulement voilà, là, les choses sont différentes, cet épisode est frappé du sceau "Révélations" et se veut celui qui rassemblera la figure lointaine d'Altaïr au personnage d'Ezio. Après un Brotherhood qui m'avait plutôt convaincu par la générosité de son contenu, j'étais décidé à laisser le bénéfice du doute à ce nouvel opus : après tout, la surprise pouvait venir de n'importe où ! Ubisoft traîne une étrange image qui mêle un aspect laxiste sur ses itérations à une prise de risque régulière, ne serait-ce que dans la façon dont ils tentent toujours d'améliorer leurs jeux. Alors pourquoi bouder son plaisir ?

Le trailer laissait entendre une quête seul, et on a bien, dans les premiers instants du jeu, l'arrivée à Masyaf et la fuite éperdue, cette étrange sensation du temps qui passe. Ezio est fatigué, il est tout en gris, il est vieux. Et bizarrement, maintenant qu'il a atteint cet âge avancé, il s'interroge sur la nécessité de son combat, sur sa propre perspicacité quant à la façon dont il a mené sa vie. Bref, il a mûri. Même dans Brotherhood, j'avais l'impression de le revoir à 20 ans, toujours égal (j'ai vérifié, il est censé en avoir plus de quarante !). Là, clairement, l'assassin italien accuse le poids des ans et même, le scénario joue énormément sur son décalage. Déraciné, l'italien est jeté dans une Istanbul cosmopolite, pleine de couleurs et d'odeurs, où la grisaille d'Auditore a du mal à se trouver une place. On dirait le Limier, avec sa quête hors d'âge. Ce n'est pas le seul à se retrouver ainsi perdu dans un monde qui avance trop vite : même les Templiers locaux ont été destitué de leurs pouvoirs et complotent âprement dans l'ombre pour le récupérer. Au final, tout le monde semble désespérer empêcher la fuite du temps. A ce titre, le scénario est un peu moins versatile que d'ordinaire et va même plutôt droit au but. Le jeu se retrouve du coup assez court, mais force est de constater que ce n'est peut-être pas un mal : plus concise et resserré, l'intrigue peut pleinement reposer sur un contexte politique pas tout à fait simple. Et du coup, ça envoie pas mal, avec même quelques personnages secondaires pas dégoûtants.
Au niveau des mécaniques de jeu, on retrouve la gestion de la Guilde, encore plus dispensable qu'auparavant - et pourtant bien plus complexifiés. La gestion de ses troupes devient un mini-jeu assez intéressant, où l'on voit envoyer ses hommes aux autres coins du bassin méditerranéen pour tenter de libérer les cités du joug des Templiers et ainsi se remplir les poches de thune. D'ailleurs, ne croyez pas finir avec du fric plein les poches, tout coûte relativement plus cher à rénover. Va falloir s'atteler à l'immobilier pour bien mettre de côté. Le système de réputation aussi, a changé : maintenant, dès que vous rénovez un bâtiment, vous attirez l'attention des templiers qui pourront, à terme, attaquer un des repères d'assassins que vous avez libéré durant un mini-jeu de Tower Defense pas terrible. D'ailleurs, on retrouve le trip des tours Borgia, une bonne idée de l'opus précédent. Bon, c'est un poil plus facile qu'avant, mais ça a le mérite d'exister et de pousser à la discrétion un minimum. Le crochet tente bien d'apporter un peu de changement à la façon de se déplacer, en pouvant attraper des corniches plus hautes et en faisant de la tyrolienne, mais j'ai du en faire une dizaine de fois en tout et pour tout. Les quelques moments avec Desmond sont aussi assez intéressants, réduits au strict minimum mais agrémentés d'un mini-jeu plutôt sympa où on en apprend enfin davantage sur ce type, illustre inconnu... C'est d'autant plus étonnant que cet aspect du jeu - pourtant de qualité - est totalement dispensable et pire, on peut même totalement passer à côté : en effet, ces séquences de jeu ne se débloquent que si l'on récupère des "fragments d'Animus" caché dans Constantinople. Allez le savoir ! Comme d'habitude, le système de reward d'Ubisoft quant aux quêtes et autres activités annexes est extrêmement étrange ! D'ailleurs, on se retrouve avec un tout nouveau système de craft de bombes dont, a priori, l'équipe est super fière et aimerait beaucoup vous voir faire usage. On peut en crafter absolument partout, sur des spots disséminés à chaque coin de rue. On ramasse sur à peu près tout le monde des ingrédients pour faire des bombes (mais vraiment, tout le monde), on ne passe pas une seconde sans ramasser quelque chose ayant trait aux bombes... et personnellement, je n'en ai créé qu'une, que je n'ai même pas utilisé. C'est un peu le gros pan de gameplay qui m'est apparu super inutile. Pareil, on retrouve les sacoches pour porter plus de matos et les armes à acheter che le forgeron, mais franchement... j'ai rien uppé dans le jeu et j'ai quand même réussi les missions tranquille.
A côté de cela, il y a la ville. Ha, Constantinople ! Tes toits, ton vallonnement, ta grandeur. Tes couleurs, aussi, la palette de couleurs étant quand même un peu plus étendu que dans Brotherhood. Si les personnages ont tous pris un coup de frais niveau modélisation et peuplent la ville plutôt joliment, techniquement, ça tousse toujours un peu. Cela dit, on ne remarque qu'à peine les immeubles taillés à la serpe ! Enfin, beaucoup moins que dans Brotherhood, qui faisait office de parent pauvre, techniquement. La ville, donc, se permet d'être plus grande, exclusivement urbaine, comparée à la campagne de Brotherhood. Les factions qui y cohabitent sont toujours aussi inutiles et les missions - comme avant - varient du meilleur à la filature, bien souvent en passant par le mode accompagnement d'un pnj qui raconte sa vie tranquillement sur le trajet. Au-delà des chemins convenus, véritable recette d'AC, on trouvera aussi les quelques brèves séquences d'Altaïr dont on découvre l'existence après le premier opus. Seulement, ces séquences sont courtes et, de plus, suivent le personnage jusqu'à un âge avancé : résultat, on se retrouve à jouer un vieillard sur la fin, qui - évidemment - ne peut guère courir ou assassiner comme il convient. Étrange idée, mais pourquoi pas.
Un petit mot quand même sur la fin, véritable tombeau dans les Assassin's Creed : pour une fois, elle est presque bien ! Pleine de retenue quand il s'agit de montrer la fin d'Ezio et d'Altaïr (Ha, le dernier objectif lorsque l'on a le contrôle d'Altaïr m'a presque brisé le coeur !), et mettant à l'honneur l'aspect "transmission du savoir", elle retombe vite dans les travers de la série. Forcément, elle doit raccrocher le metaplot WTFquisant de la saga, achevant une séquence fort en émotion (Ezio retirant ses lames secrètes !), par une cinématique complètement hallucinée, digne d'un Star Trek au rabais. Wow. Du très bon au très mauvais en une demi-seconde, fort, Ubisoft, très fort...

Même si j'avoue qu'Ezio m'avait laissé vachement froid dans les premiers instants d'Assassin's Creed 2 et que sa longue quête de vengeance m'avait plus fait sourire qu'autre chose, j'avoue tout autant que voir Auditore vieillit, pétri de doutes, semblant parfaitement en retard sur son environnement, ça m'a un peu touché. Un assassin vieillissant, se lançant dans une dernière quête, jusqu'au-boutiste mais enfin doué d'un regard un peu critique sur son credo, sur son existence. Plus que le scénario, l'ambiance qui se dégage de cet opus de remplissage tient beaucoup par cette sensation d'achèvement, de fin toute proche et étrangement, j'ai été un peu ému par le rapport entre Ezio et Altaïr (non mais vraiment, le dernier objectif d'Altaïr est dur !). Un opus qui ne vaut essentiellement que par sa maturité, pour peu que l'on se laisse gagner par son ambiance, par cette sensation de pesanteur et que l'on souhaite connaître la fin du Maître Assassin italien.


PS-SPOILERS :
Evitez absolument Assassin's Creed : Embers. Si vous avez vu la fin de Revelations ne retenez que cela : Ezio se retire en Toscane avec Sofia, qu'il épouse, et meurt de vieillesse, entouré de sa famille. Le court-métrage est douloureusement mauvais et ne rend guère hommage à l'assassin.
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le 12 nov. 2014

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