Battleborn
5.7
Battleborn

Jeu de Gearbox Software et 2K Games (2016PlayStation 4)

C’était avec un peu d’appréhension qu’on avait rapidement découvert au début d’année un Battleborn qui s’annonçait, côté 2K, comme un digne concurrent d’Overwatch. Alors que le jeu possède quelques semaines d’avance sur son concurrent, voyons si l’avantage est fructifié.


On ne peut considérer Battleborn sans le studio qui en est à l’origine, Gearbox. Surtout connu pour sa franchise à succès, Borderlands, les voilà assumant la responsabilité de plonger dans le bain d’un genre tout particulier, créé pour l’occasion et pour le buzz, nouveau-né au croisement des inspirations des FPS et du MOBA (Multiplayer Online Battle Arena) : le hero shooter.


L’idée ? Associer tir en vue subjective et univers tiré des grands jeux d’arène. L’enjeu est de taille pour 2K. L’objectif ? Voler la vedette d’Overwatch, de l’autre géant Blizzard. Sauf qu’on ne peut marcher impunément sur la pelouse du voisin. Alors on taille les thuyas différemment. A bas les nationalités terre-à-terre des identités de combattants. Place à un grand fracas de références geek et heroïc fantasy. Quitte à prendre tous les côtés, bons et mauvais, de la définition de « foutoir ».


Gameplay DIY


Pas moyen d’y échapper. A peine Battleborn lancé, et il faut passer par un long prologue. Un tutoriel pour apprendre à un maximum de joueurs les rudiments du gameplay derrière la bécane ? Il y a un peu de cela, mais l’essentiel est ailleurs. L’essentiel, il est dans la direction artistique du jeu. Dans un grand passage animé, rythmé par une musique presque Hip Hop, c’est tout le fond développé par Gearbox qui se pavane. Symptomatique d’une création qu’on imagine solide sur sa base animée façon cartoon, mais qui a dû être remaniée bien des fois ces derniers mois. Enfin, puisqu’il a bien fallu faire un choix définitif, voyons ce que 2K a choisi d’inclure dans ses disques.


Dans un univers précipité vers sa fin par une maléfique congrégation, les Varelsi, les étoiles sont progressivement vidées de leur énergie. Rien de bon pour la vie en général, donc. Cette vie, elle se sépare en cinq grand courants, cinq factions qui respectent grosso modo autant d’archétypes de la culture populaire geek. On trouve ainsi les Républiques Pacificatrices Unies, replica des armées cybernétiques chères à la fourche opérée par les derniers Call Of Duty, proches des gars du LLC (Last Light Consortium), volet plus orienté fantasy. Les amoureux de Tolkien et de Lewis retrouveront les habitants magiques des Eldrid et ses créatures directement inspirées des légendes anglo-saxonnes. Puisqu’on ne considère pas un univers un tant soit peu inspiré d’un space opera sans les pirates qui vont avec, les Renégats serviront à contenter les pillards au grand cœur. Il ne nous reste plus que les émo et autres adeptes des grandes blouses rouges et noires avec l’Imperium Jennerit, et la boucle est bouclée.


A raison de 5 personnages par faction, nous voilà avec un total de 25 archétypes de jeu. Car il s’agit bien de cela. Plutôt que de se baser sur un gameplay central et d’y faire des modifications mineures, Battleborn prend le chemin inverse. Grossièrement catégorisés par utilité, des gros balourds aux soigneurs agiles, des archers longue-distance aux bourrins du close-combat, il y en a pour tous les goûts, et pour toutes les manières de défourailler de l’adversaire. Deux éléments sont transversaux à tous les personnages : une attaque principale, illimitée, une grosse attaque, et deux secondaires à déclencher par gâchettes, via des capacités spéciales à développer d’une manière bien distincte.


Dans une décision osée mais finalement sensée, Battleborn n’est pas destiné, comme tant d’autres, à monter le niveau du joueur dans le jeu en lui-même, mais au bien des sessions de combat de celui-ci. Explications. A chaque début de match, peu importe le personnage choisi, peu importe le mode de jeu, en solo comme en multijoueur, tout le monde commence au premier niveau. A force de défourailler et d’accomplir des tâches, l’expérience grimpe, les niveaux aussi, jusqu’à atteindre une limite de 10. L’objectif ? A chaque cran obtenu, un choix simple entre deux propositions pour améliorer un aspect de son personnage. Vitesse, attaque, défense, vie : à vous de choisir.


Chaque personnage possède ses propres évolutions. Les choix s’effectuent sur le moment, suivant l’état d’urgence de telle situation ou les nécessités de tel mode de jeu. On imagine bien les développeurs, forts d’un tel concept à la fois simple et fourmillant de possibilités, frétillants d’impatience quant aux applications de leur solution miracle brevetée. Mais parfois, la liberté ne conduit tristement qu’à l’inaction.


Belle affiche, mauvais film


Alors qu’on s’est bouffés un prélude qui envoie du lourd, au moins face aux ambitions narratives du jeu, nous voilà débarquant une fois les principes de base du jeu assimilés sur un menu dépouillé. Histoire, multi, personnalisation des profils, et puis c’est tout. On est raisonnables, et on commence par le scénario. De prime abord, le joueur est désarçonné. Le pitch du jeu, déjà pas bien clair pour qui n’a pas pris le temps d’aller fouiller sur la toile, s’obscurcit encore par un choix étrange. Une fois lancé, le mode nous engage dans un lobby. Sur Battleborn, rien ne se fait seul. Rien ne se fait dans l’ordre non plus. Les missions ne sont pas soumises à un ordre chronologique, mais au vote des joueurs.


Lancés dans une frénésie où la coopération compte moins que la matraquage des touches, le temps n’est plus à l’écoute mais à un bourrinage de tous les instants. Le marketing nous avait prévenus, certes. Pourtant, les réflexions nerd et le quatrième degré des dialogues made in Borderlands entendus ça et là entre deux ennemis égorgés peinent à masquer le vide intersidéral (c’est de propos) de la ligne narrative du jeu. On aurait aimé dire que l’arbre cache la forêt, mais la forêt ne semble être finalement qu’une illusion. Un mirage.


Après trois ou quatre missions effectuées de manière machinale, avec vagues d’ennemis – miniboss – nouvelle vague d’ennemi – gros boss, le constat est sans appel : le mode Histoire de Battleborn rappelle les sombres heures des productions de DICE et EA sur Battlefield. Une référence, oui. Mais pas la bonne. Il servira surtout à tester, sur différents types d’ennemis et dans différents environnements, les nouveaux personnages débloqués au fil de la progression générale du jeu – ou justement, grâce à l’accomplissement de certaines missions. A noter, les déconnexions fréquentes de joueurs au beau milieu des parties tendent à complexifier, une fois l’équipe réduite de moitié, des situations autrement abordables en rangs complets.


Dans l’espace, personne ne vous entend vous déconnecter


A l’heure de l’hyperconnectivité des consoles et, par conséquence logique, des jeux qui y sont produits, on ne peut décemment pas taper sur les doigts de Battleborn pour la pauvreté de son « solo » – surtout quand l’inspiration MOBA est si présente dans le jeu. La sensation du devoir (minimum) accompli, on passe donc l’esprit clair sur le mode multijoueur, histoire de se confronter aux autres « brutasses » de ce monde. Le premier constat est encore une fois celui de la radinerie. Seuls trois petits modes de jeu viennent garnir notre plateau.


Dans l’ordre, un mode classique de « Conquête », bien connu des joueurs de FPS, avec trois points fixes à capturer et défendre face à l’ennemi. Puisqu’il faut bien se distinguer par une once d’originalité, « Incursion » fait office de mode phare de Battleborn. Chaque équipe possède deux points mobiles, dont les défenses automatiques puissantes doivent être désactivées en escortant une cohorte de petits robots vers les points ennemis. Il faudra une bonne dose de teamwork et une attention de tous les instants pour ne pas stagner au milieu de la map, dans des combats furieux mais las. De même, encore plus tactique mais pas bien intéressant si tout le monde n’y met pas du sien, le mode « Fusion » recherche à brûler ses propres minions pour marquer le plus de point possible. Ça sera tout, merci.


Malgré un compte maigre, difficile de ne pas trouver son bonheur dans les confrontations proposées par Battleborn – au moins sur le temps court. Le principe même du jeu rend impossible toute plainte sur le gameplay. Pas content de la vitesse, de la lenteur ou des imprécisions de Montana ? Optez pour le jeu tout en polyvalence et en défense d’Isic. Battleborn gagne une grande partie de son intérêt dans la découverte et l’apprentissage des 25 membres cohérents et généralement jolis de son casting – quand bien même les conditions de déverrouillage de certains requièrent une patience à toute épreuve. Tout cela, dans un respect global de l’équilibre, remplaçant même par échelle le talent pur par une bonne coordination.


Le problème, c’est que c’est à peu près tout. L’aspect FPS, s’il apporte dynamisme et grand public au titre, lui soustrait de la même manière la précision géographique des League Of Legends. Avec une moitié de dizaine de cartes et d’environnements à disposition, souvent construits sur le même principe de level design, le sentiment de déjà vu n’est pas adouci. Difficile de se passionner plus de trois heures d’une même session de jeu, à moins d’être bloqué, comme de nombreux joueurs l’attestent, dans des salles d’attentes de matchmaking interminables. Et quand bien même. Le rang de commandement, à savoir l’expérience transversale aux différentes batailles gagnées ou perdues par le joueur, ne fait que déverrouiller taunts et skins dispensables. Le système de loot est tout aussi superficiel, brouillon, où les éléments se multiplient pour un minimum d’impact passif en bataille.


S'il était un personnage de son propre jeu, Battleborn serait un gras mitrailleur, tapissé de tatouages de licornes et d'elfes. Sympa et même un peu sexy au premier abord, mais diablement vain et lourdeau une fois la soirée passée en tête à tête. En soi, la déception provoquée par le jeu n'ira pas mettre la clef sous la porte de Gearbox, ni de 2K. Dommage simplement que les deux maisons aient manqué un coche qui semblait pourtant si gigantesque.


http://www.hypesoul.com/

Hype_Soul
5
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le 12 mai 2016

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