Frog Vorbis

Battletoads in Battlemaniacs fait souvent office de porte-étendard lorsqu'on évoque le cercle très fermé des jeux dits "hardcores". Une réputation nullement usurpée. S'attaquer à un tel monstre requiert quelques capacités pas forcément innées chez le commun des mortels. La plus primordiale étant d'avoir une patience digne de celle d'un moine Tibétain, car l'ascension de la bête s'apparente à celle du mont Everest (par la face Est et en solitaire, siouplait).

Puisqu'on parle du toit du monde, c'est d'ailleurs dans cette même région que va démarrer le scénario farfelu de Battlemaniacs. De joyeux batraciens surentrainés connus sous le nom de Battletoads sont invités dans les montagnes de l'Himalaya, tout ça en vue d'assister à une démonstration d'un concept annoncée comme étant "révolutionnaire" et menée tambours battant par le Professeur T-Bird. Ce dernier leur présente donc le fruit du travail mené par les savants des industries Psicone : un univers de jeu virtuel sensé apporter son lot d'innovations technologiques. Mais - comme il faut toujours s'attendre à ce qu'un élément perturbateur arrive comme un cheveu dans la souple - voilà que de vilains cochons grassouillets jaillissent de l'écran pour kidnapper la fille du président de la compagnie !

Un scénario farfelu, qui n'aura nul autre prétexte que celui d'enchainer des situations de jeu plus variées les unes que les autres. Ainsi, si dans le premier niveau le gameplay est celui d'un Beat Them All relativement efficace dans lequel les Toads envoient valser leurs ennemis, il va varier radicalement lors de chacun des 6 niveaux qui composent l'aventure. Mais avant d''aller plus en détail vers ces situations qui requiert tact, patience et abnégation, il serait bon de vous éclairer sur le pourquoi du comment cette série a pu voir le jour.

Dans les années 90, les Tortues Ninja bénéficie d'une sacrée côte de popularité auprès du public et ce, sur de nombreux supports si bien qu'on a vu fleurir des comics, séries animées, films et jeux vidéo à leur effigie. Autre point important, Konami était à l'époque le seul détenteur des droits qui lui permettent de sortir des jeux vidéos portant le nom de cette juteuse licence, un avantage qui n'a évidemment pas tardé à faire des envieux ! C'est ainsi que notre tout jeune studio Rare a décidé de surfer sur cette vague en créant ses propres personnages tout en veillant bien à conserver quelques similitudes avec les Tortues concurrentes. Si bien qu'en 1991 voit le jour un premier opus de Battletoads sur NES et ses grenouilles bipèdes qui partent combattre l'Evil Dark Queen.

Comme je le disais plus haut, de nombreux joueurs dont moi pensaient à la base que Battlemaniacs était un Beat Them All. Mais c'est une fois le premier (et avant dernier !) boss du jeu terrassé, qu'on comprend que ça ne va pas durer ! Enchainant sur un niveau totalement différent, doté cette fois-ci d'un scrolling vertical peu commun car allant de haut en bas. Cette phase nous propose de descendre dans le cœur d'un arbre lors d'un parcours assez ardu où les ennemis se succèdent. L'endroit est parsemé de ventilateurs nous poussant tout droit sur d'énormes piques en bois, nous faisant évidemment perdre une vie au moindre contact... Le niveau suivant est beaucoup plus reposant, c'est un bonus stage prenant la forme d'un échiquier sur lequel il faudra reverser le plus grand nombre de quilles possible, tout en évitant bien sur une série d'obstacles disposés par un sadique. Ce stage octroie la possibilité de gagner quelques précieuses vies et croyez-moi, c'est bien peu de choses face à cette course en scooter volant qui arrive ensuite ! Ce passage est tellement vicieux qu'il à de grandes chances de sceller à jamais toute envie de progression !

Proposer des situations variées pour tout autant de différences de gameplay, c'est certes un bon point sur le papier, mais si Rare a misé sur cette diversité en escomptant renouveler le plaisir... le rendu final en est tout autre (s'accordant plus comme une succession de mini-jeux frustrants voir rébarbatifs). Cette possibilité de parcourir l'aventure avec un ami se voit elle aussi entachée par le fait qu'elle vient encore augmenter d'un cran une difficulté déjà exacerbée... 3 continues composés chacun de 3 vies, c'est pire que d'avoir une épée de Damoclès au dessus de la tête, d'autant que le jeu n'hésitera pas un instant à vous délester d'une de ces vie, même en cas d'erreur infime !

Étant à la base friand de jeux réputés difficiles, je n'ai pourtant tiré plus de frustration que de satisfaction à relever le défi proposé par ce Battletoads in Battlemaniacs. Si le gameplay varié reste sympa dans les premiers niveaux, il vient s'appauvrir au fil du jeu pour manquer cruellement de cohérence entre les tableaux. Ajoutez à cela quelques problèmes d'équilibrage qui font qu'au final, cette aventure se révèle être bien trop avare en récompenses face à l'investissement nécessaire pour escompter en voir le bout... A réserver aux plus téméraires, voir aux masochistes.