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BioShock Infinite
7.5
BioShock Infinite

Jeu de Irrational Games et 2K Games (2013PC)

J'ai adoré ce Bioshock Infinite, vraiment. Je pourrais passer des heures à en louer les qualités surnuméraires, et les louanges dont il fait l'objet semblent clairement méritées. Et pourtant... Pourtant, il n'est pas exempt de défauts, certains plutôt considérables.


Booker Dewitt, au début du siècle passé, est envoyé au milieu de l'océan afin de ramener une fille, Elizabeth, à New York, dans le but d'effacer la dette qu'il a contractée auprès de son mystérieux commanditaire. Il découvre alors que l'endroit où il est dépêché n'est autre que la mystérieuse cité Columbia, perchée dans le ciel au moyen d'une technologie quantique de pointe. Ce n'est que la première de ses surprises, puisqu'il apprend également que la fille qu'il recherche n'est autre que l'enfant du dirigeant de la cité, se faisant appeler le prophète (il a un nom mais j'ai oublié et je m'en balec). De là, bah il va de surprise en surprise : Elizabeth a le pouvoir de manipuler le tissu de la réalité, et particulièrement les failles entre les différentes réalités, Columbia se présente comme une utopie progressiste mais est plutôt une dystopie reposant sur l'exploitation systématique des ethnies jugées inférieures (noirs, Irlandais et Chinois semblent particulièrement visés), tout le monde veut le tuer parce qu'il est le faux prophète, les flics se déplacent en tyrolienne... bref, c'est l'hallu totale.


L'atout incontestable du jeu se situe sans le moindre doute au niveau de la direction artistique : c'est superbe, les animations, notamment des personnages, sont hallucinantes, et le jeu fourmille de créations esthétiques en tous genres.


Ensuite vient le gameplay : le feeling des armes est très bon, le système de respawn dynamique, y a tout le trip des tyroliennes qui est enfin (pour le domaine du jeu vidéo) utilisé de façon franchement cool, et Elizabeth apporte quelques petites idées sympa, qu'il s'agisse de filer des aides au joueur durant les combats ou de faire apparaitre des trucs utiles grâce aux "tears".


Jusqu'ici tout va bien, même l'histoire se laisse plutôt bien suivre... mais en fait, Infinite commence déjà à montrer ses limites, passé ces deux bons points.


Déjà, les combats sont très vite pénibles. Pas excessivement compliqués, ils sont cependant très brouillons, et l'ia des ennemis est franchement faible. On meurt facilement, mais moins parce que la difficulté en soi est relevée, mais parce qu'il n'est parfois pas évident de comprendre d'où on se fait tirer dessus, tant les ennemis sortent de partout et se retrouvent vite à des endroits improbables. En outre, le côté "arènes" des gunfights se fait vite dramatiquement ressentir : à de rares exceptions près, les zones de combat sont très visiblement délimitées, et c'est quelque chose qui a très vite tendance à casser l'immersion dans un FPS. Half-Life 2, pour ne citer que lui, savait largement éviter cet écueil en gérant l'espace avec soin et en donnant l'impression que les ennemis pouvaient surgir à peu près au détour de n'importe quel couloir.


Ce problème de structure du level design est en fait plus profond que cela. Le jeu fait de grands efforts pour faire oublier sa linéarité, mais n'y arrive absolument pas. On te dit toujours où tu dois aller, et les routes annexes ne permettent que de looter, généralement de la merde (j'ai fini le jeu avec quasiment une trentaine de lockpicks en déverrouillant tout ce que j'ai pu trouver, cela donne une idée d'à quel point le loot est mal géré). Ce faux sentiment d'open world se fonde sur des zones de hub, où l'on donne au joueur l'impression qu'il a plusieurs directions à prendre, alors qu'en réalité il ne peut progresser que dans un ordre prédéterminé, ce qui devient très frustrant une fois qu'on s'en rend compte. On en arrive à ce qui est selon moi le vrai souci du jeu : le contrat de vraisemblance n'est pas du tout respecté, le côté artificiel, fabriqué du jeu apparait tout à fait évident, ce qui empêche une immersion réelle. Et ce n'est pas la trame méta du jeu qui justifie correctement cela...


Parce que oui, le scénario du jeu repose sur une pirouette qui vient plus ou moins justifier la progression bancale. En gros, c'est juste un trip sur la prédestination enrobé dans une utilisation très affectée d'univers parallèles. La fin, qui est d'ailleurs généralement vantée comme géniale, contient toutes les grosses ficelles du genre, à un point où on a franchement l'impression qu'on se fout de la gueule du joueur. Malgré les apparences, on est fort loin de la densité que revêtait la narration du premier Bioshock. Sur le même thème, même Far Cry 3 fait largement mieux avec sa fin, en finissant sur un choix nécessairement frustrant : on a conscience de se faire manipuler, mais aucun des deux choix ne permet d'échapper à cela, et aucun n'apporte un apaisement. Bioshock Infinite dit qu'aucun choix n'amène la rédemption, au lieu de te le faire sentir. Tes choix te rendent prisonniers, sauf que ce ne sont pas tes choix, ce sont ceux d'un personnage monolithique et plutôt con qu'on nous contraint d'incarner de A à Z. Dans Bioshock, le joueur est responsabilisé face à ses choix, et, par extension, ses opinions. Dans Infinite, on dit l'exact contraire : tu n'as pas le choix, et si tu avais le choix, tu aurais quand même tort. On croirait presque à un jeu qui a finit amputé de ses choix, pourquoi pas par des éditeurs, et une fin en forme d'appel à l'aide face à une industrie cynique qui capitalise sur les apparences (d'où le côté très sexy du jeu et le héros monolithique) et vide le jeu de sa substance. Je n'irais pas jusqu'à clamer que c'est un propos délibéré, mais c'est comme ça que je le ressens.


Et que dire de ce moment où le jeu décide de nous dire que finalement, entre une classe bourgeoise ultranationaliste et raciste formée sur le sang et la misère de classes défavorisées et les révolutionnaires qui veulent changer ça, bien qu'avec un excès de violence, il n'y a aucune différence ? Je me doute que c'est pas l'idée qui était censée passer, que c'est plutôt à inscrire dans le parcours personnel d'Elisabeth désabusée, mais... au bout du compte, on met effectivement sur un pied d'égalité des décennies de meurtres et d'abus et une révolution sanglante, mais ponctuelle. C'est... un peu gros. D'ailleurs tout ce qui tourne autour d'Elisabeth devient très pénible à partir de la seconde moitié du jeu. C'est d'abord un personnage charmant et intéressant, avant de devenir surtout une sorte de projection des désirs du personnage principal. Exit les velléités de liberté, exit les confrontations, elle finit par alterner entre la Farah de Prince of Persia qui sert juste à ouvrir les putains de porte et la damsel in distress relou qui se fait choper à chaque fois qu'elle sort du champ de vision du héros.


Sinon le jeu est franchement bien optimisé, et ce serait de la mauvaise foi de nier qu'on passe un assez bon moment à y jouer. Certaines phases de jeu sont d'ailleurs franchement d'une facture incroyable (l'extérieur du commissariat, le fantôme de la First Lady), et je n'ai pas boudé mon plaisir. Mais faut pas exagérer, Infinite n'est pas un chef d'oeuvre à mes yeux, il est grevé d'un certain nombre de soucis qui sont trop souvent passés sous silence.

Antevre
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Créée

le 11 juil. 2018

Critique lue 172 fois

Antevre

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