On peut être un jeu difficile mais qui donne du plaisir. On peut être un jeu aux objectifs flous mais rester compréhensible. On peut aimer From Software mais ne pas aimer Bloodborne.


A mon sens, Bloodborne rassemble à lui seul le meilleur comme le pire du studio (à noter qu’il me manque encore Dark Souls 3 et Sekiro à faire). Si les qualités que j’apprécie dans Dark Souls sont magnifiées ici, les pires défauts sont également devenus des éléments terriblement handicapants.


Je m’explique.


A mon sens (vous m’entendrez souvent revenir sur ma subjectivité), les jeux de From Software imposent deux formes de difficultés à leurs joueurs. La première est plutôt formelle puisqu’elle concerne le gameplay, sa prise en main et par conséquent, les ennemis auxquels on fait face. Les boss sont vraiment compliqués à battre, on peut vite être submergé par des ennemis vraiment dangereux, bref, il faut être méthodique, réfléchi et s’améliorer sans cesse. Quand j’ai commencé Bloodborne, je n’ai pas vraiment assumé la fonctionnalité du pistolet et ai joué quasiment toute ma partie en esquivant. Cette stratégie a porté ses fruits puisque je suis parvenu à bout du jeu (quoique…). J’ai sué contre les ennemis de très grande taille, mais j’ai su user de mes capacités et de mon skill dans le domaine de l’esquive pour m’en sortir.


Ça, pour moi, c’est génial. C’est une difficulté que je suis pleinement apte à concevoir parce qu’elle me renvoie sans cesse à cette exigence : « deviens meilleur ». Et dans les faits, je suis devenu meilleur. Meilleur dans mon approche des ennemis, dans ma prudence en abordant une nouvelle zone, dans ma façon de gérer mes statistiques, etc.


Et je dois le dire. Je me suis bien amusé. Avec Bloodborne, From Software dynamise son gameplay. Tout va plus vite, tout est plus fluide qu’un Dark Souls et on a donc l’impression de jouer un chasseur ninja dans un monde gothique victorien absolument somptueux. Je ne m’étendrai d’ailleurs pas sur la direction artistique du jeu, elle est de haute volée et vous n’avez pas besoin de ma critique pour le savoir.


J’en viens à la deuxième forme de difficulté inhérente aux From Software mais beaucoup plus regrettable : le flou perpétuel de la narration.


Si dans Dark Souls, j’ai accepté ce flou, c’est parce que mon parcours m’a mené à comprendre certaines clés de l’univers. Les cinématiques, bien que peu nombreuses, m’ont aidé à en comprendre un peu plus sur mes actions. Et puis mine de rien, quand on commence le jeu, on a cinq minutes d’explication sur le lore de l’univers.


Dans Bloodborne, on commence en se réveillant sous le regard d’un vieux monsieur qui nous dit : « sors, va te battre ». Pfiou, rien de plus. Aucune explication. J’arrive sur ces terres dévastées, et encore une fois, je dois recoller les morceaux de l’univers, pourquoi pas. Sauf que dans ce jeu, From Software est allé beaucoup trop loin. Peut-être que c’est moi, mais je n’ai absolument rien compris. Pire encore, je n’avais aucune notion de mon avancée dans le jeu. Et ne pas savoir où l’on va dans un jeu, c’est vraiment compliqué. Parce qu’au-delà de ne pas comprendre l’univers, je n’ai pas réussi à comprendre ma place dans cet univers. Ce flou narratif est amplifié par un level-design, qui, excusez-moi, ne fonctionne pas. J’entends à droite à gauche que celui-ci est somptueux, mais pour moi, non. Je ne sais combien de fois je me suis retrouvé dans un cul de sac en me disant « bon, j’y retournerai plus tard et p’tet qu’en chemin, je trouverai l’item nécessaire pour passer ». Sauf qu’ici, les items sont encore plus cachés que dans un DS, si bien que j’ai manqué des zones et des boss majeurs du jeu.


Le souci avec cette méthode de level design, c’est qu’elle force le joueur à se renseigner au-delà du jeu, c’est-à-dire…sur internet. Si, au début, j’acceptais l’idée en grinçant des dents, à la longue, ça m’a juste gonflé (et encore plus que pour DS). Même mes potes très pointus sur From Software, quand je leur demandais de l’aide, ils allaient fouiller sur internet pour me donner des réponses. Mais je suis désolé, c’est pas comme ça que je veux jouer. Je veux pas avoir mon ordinateur allumé à ma gauche et suivre un tuto youtube à la lettre pour comprendre « partiellement » ce que je suis en train de faire. Et quand bien même c’est nécessaire pour comprendre l’univers, j’aimerai que la majorité de celui-ci soit compréhensible par le jeu. Regarder des vidéos sur le lore d’un jeu qu’on a aimé, c’est chouette, mais pas quand c’est un passage obligé pour ne pas être perdu.

En fait, mon parcours dans le monde s’est résumé en une quête systématique de chemin où aller. Je parvenais à trouver une voie qui me menait dans un lieu que je ne connaissais pas, j’y allais, quitte à abandonner les quelques portes fermées sur les côtés. Je me disais sans cesse que j’y retournerai plus tard.


Sauf qu’encore une fois, mon avancée dans le jeu, j’en savais rien. Par conséquent, au bout de quinze heures de jeu, j’ai tué un boss, et à la place de « proie abattu », il était écrit « cauchemar abattu ». Moi, bêtement, je me suis dis que From Software avait refait le schéma des cinq grandes âmes de boss comme dans DS, que j’en avais battu un et que j’avais encore pas mal de chemin à faire pour trouver les autres. Je suis retourné dans mon hub central, j’ai parlé à un PNJ qui m’a proposé de lui donner sa vie. Toujours bêtement, je me suis dis que c’était un serment comme les innombrables autres serments que j’avais fait auparavant. Mon interlocuteur me décapite, générique.


Fin du jeu.

...

Fin du jeu ???



Attends mais il ne me restait pas encore une dizaine de boss ultra épiques et difficiles à battre selon internet ? Et le pire de tout ça, c’est que le jeu ne propose pas de récupérer sa sauvegarde avant le générique de fin. Il nous rebalance directement sur un new game plus avec nos stats de la précédente partie. Mais ça implique que si je veux faire les boss que j’ai zappé…je vais devoir tout me farcir une nouvelle fois !!!


Et voyez-vous, le principe du new game plus, je l’ai pleinement accepté avec DS parce que je l’avais poncé et qu’une fois fini, le jeu me proposait une « nouvelle expérience ». Moi, j’ai dit oui, et j’ai rempilé pour un tour immédiatement après. Mais avec Bloodborne, je me suis fourré dans un piège et je me suis retrouvé « obligé » de refaire tout le chemin, non pas par plaisir, mais par nécessité pour faire des boss que j’avais raté. Et ça incluait évidemment que je fouille sur internet pour trouver une bonne fois pour toute ces fameuses zones et boss.


J’ai soufflé du nez mais je m’y suis remis…5h, puis j’ai lâché l’affaire. Je refaisais tout mais en plus difficile encore. Les ennemis avaient mille fois plus de PV et les combats devenaient interminables malgré mes bonnes stats. J’essayais de varier, de changer de stratégie, d’adopter le système d’ésotérisme et de magie, mais rien n’y fait. J’ai arrêté. Tant pis pour les boss, ils avaient qu’à moins bien se cacher.


Voilà où m’a mené la difficulté de level design de From Software. Qu’un boss soit dur et que ses paterns soient complexes à assimiler, je peux l’entendre parce que ça force le joueur que je suis à améliorer mon approche du gameplay. Mais là, From Software me demande carrément de lire absolument toutes les descriptions d’un item et d’en comprendre les sous-entendus et non-dits pour savoir quoi en foutre, de lire des pavés sur internet pour savoir où aller, d’appeler mes potes pour qu’ils me guident. Moi, j’ai envie de m’en sortir seul mais je n’y arrive pas. Parce que cet univers me rebute. Parce que ses labyrinthes me font chier.


Parce que ce jeu me fait chier.


Alors ouais, cette critique, je l’écris sous le coup de la colère et avec très peu d’arguments solides. Je parle plus de mon ressenti et de mon expérience de jeu que je ne pose un regard critique sur l’œuvre en soi. Le fan lambda de From Software pourra me rétorquer avec dédain que j’ai pas assez mis du mien, que j’aurai dû persister, que si j’avais écarté un peu plus mes jambes, j’aurai pu découvrir la sacro-sainte jouissance sadomasochiste selon From Software. J’aurai bien aimé, et puis leurs jeux, je les aime bien en soi. Mais je l’ai dit dans ma critique d’Elden Ring et je le redis encore ici, tant que ces jeux continueront d’être flous pour être flous, tant qu’on aura pas un minimum d’explication, moi, je persisterai dans mon avis, qu’importe le plaisir que j’y trouve. Ces jeux sont incomplets. Ils sont appréciables, certes, mais ils ne remplissent pas certaines évidences pour être les chefs d’œuvres qu’on veut nous vendre.


Comme me dire ce que je suis en train de faire.


James-Betaman
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le 1 oct. 2023

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James-Betaman

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