Il y a des jeux dont on comprend immédiatement la sincérité. Celeste en fait partie. C’est un titre profondément honnête, construit autour d’une métaphore évidente mais puissante : gravir une montagne pour se retrouver soi-même. À travers son gameplay exigeant et son esthétique néo-rétro assumée, le jeu tente de conjuguer performance physique et introspection psychologique.
Et pourtant, si l’intention est noble, voire admirable, l’expérience, elle, ne parvient pas toujours à porter le poids symbolique qu’elle s’impose. Celeste est une œuvre louable, mais parfois déséquilibrée entre son propos et sa manière de le faire ressentir. Une ascension, oui — mais une ascension qui, parfois, se regarde grimper au lieu de faire vibrer.
Une métaphore au bord du vertige
Dès les premières minutes, le jeu nous annonce clairement ses intentions : ici, grimper n’est pas un défi physique, mais une lutte intérieure. Madeline, l’héroïne, affronte une montagne autant qu’elle affronte ses angoisses, son double, ses peurs diffuses. L’analogie entre les obstacles du terrain et ceux de l’esprit est limpide, presque scolaire. Elle fonctionne — du moins au début.
Mais à mesure que le joueur avance, la métaphore s’épuise. Le jeu, pris dans sa boucle de gameplay impitoyable, semble oublier d’alterner respiration et tension. Le discours, pourtant sensible, finit par devenir illustratif plutôt que vécu. Ce qu’on nous dit est juste, mais ce que l’on ressent finit par s’user.
Un gameplay d’orfèvre… pour les initiés
Personne ne remettra en question l’excellence du level design de Celeste. Chaque tableau est un puzzle de précision, chaque saut une équation millimétrée. C’est un jeu exigeant, fin, dont la mécanique est huilée comme une montre suisse. Pour les amateurs de défis techniques, c’est une joie — parfois une obsession.
Mais cette virtuosité crée une dissonance : le propos du jeu est l’accueil de soi, la compassion envers ses failles, la lente réconciliation intérieure. Or, le gameplay, lui, n’autorise aucun relâchement, aucune imperfection. Il punit, il répète, il exige. Et si la mort rapide et sans conséquence est censée encourager l’apprentissage, elle devient, pour beaucoup, un rappel constant de leurs limites.
Le paradoxe est frappant : on nous parle d’acceptation, mais on ne nous laisse pas respirer.
Une direction artistique délicate, mais sans vertige
L’esthétique de Celeste est soignée : sprites simples, palettes douces, musiques oniriques signées Lena Raine. Le tout crée une atmosphère feutrée, presque thérapeutique. Certains tableaux sont même d’une réelle poésie. Mais cette douceur visuelle contraste parfois maladroitement avec la tension mécanique constante.
Il manque peut-être une variété de tons. Un moment suspendu. Un silence qui dirait plus que mille sauts ratés. À force d’être tendu, même dans la beauté, Celeste finit par émousser sa propre émotion.
Un récit qui touche, mais sans renverser
L’histoire de Madeline est touchante, sincère, personnelle. Son rapport à l’anxiété, au doute de soi, à la panique, est traité avec respect. Mais à trop vouloir rester dans l’épure, le jeu effleure plus qu’il n’explore. L’écriture reste sobre, parfois un peu plate, comme si l’émotion était tenue à distance. On aurait aimé plonger davantage, descendre dans les creux avant de remonter.
Conclusion : une belle promesse, un souffle court
Celeste est un jeu admirable, au sens propre du terme : il se contemple, il s’apprécie, il se respecte. Mais il n’est pas toujours accueillant, ni émotionnellement transformateur. Il promet la douceur et livre la rigueur. Il veut parler de santé mentale, mais s’adresse surtout aux joueurs déjà capables de maîtriser la douleur ludique.
En somme, c’est une œuvre sincère mais déséquilibrée, exigeante mais inégale, lumineuse dans l’intention, mais parfois froide dans l’exécution.
Note : 6/10 – Un sommet digne, mais dont l’air reste trop sec pour vraiment s’y abandonner.