Laissez-moi vous conter une tragédie, l’histoire d’un homme qui a attendu depuis l’aube la sortie de ce RPG à la Française depuis son annonce, qui ne ratait aucune news à son sujet, qui disait à qui voulait l’entendre que ce serait assurément le GOTY, qui avait réservé son week-end pour y jouer jusqu’au bout de la nuit. Mais le destin est fourbe… La pauvre âme, veille de la sortie de son Graal, connaît le pire cauchemar de tout gamer passionné : le décès pur et simple de son PC. Impossible d’y lancer un jeu, retour au SAV, plus de nouvelles pendant des semaines, seuls les échos de ses amis, qui eux ont pu toucher à la grâce, résonnant comme une torture de plus. Désemparé, il tente de se cacher, pour sa propre santé mentale de tout cet engouement. Mais ce récit se termine bien, soyez rassuré. Le mois est passé, la nouvelle machine est enfin là, notre hère peut enfin plonger dans l’Expédition 33, comme ceux avant moi et ceux qui viendront après.


Clair Obscur est un chef d’œuvre !


Peut-être est-ce du chauvinisme ? Ou suis-je un éternel bon public qui suit la masse ? Pourtant, il serait si aisé de le dénigrer après tout le bien qu’il en a été dit. Il est tout de même passé d’inconnu au bataillon pour beaucoup à jeu de la décennie quasiment unanime. J’admets qu’avoir été passif face à ce phénomène m’a rendu plus aigri. J’ai même essayé de le détester sur certains points, d’être critique, mais je n’arrive tout simplement pas à le haïr. J’ai adoré chaque seconde que j’ai passé dessus et oui, c’est devenu un de mes jeux préférés.


J’ai pourtant quelques griefs, car il faut toujours des ombres au tableau pour magnifier une œuvre. Le seul problème qui était vraiment pénalisant pour ma part, c’est la difficulté, ou plutôt sa gestion. J’admets que j’aime quand mes jeux me challengent et c’était le cas pendant l’acte 1, mais les luminas, certaines armes pas du tout équilibrées, le fait de papillonner, ça m’a rendu le tout plus que facile. Et encore la limite de dégâts aidait un peu à contrôler cette surpuissance, mais passé ce cap… Tous mes combats se terminaient en 1 tour. Même en enlevant toutes mes stats contre le boss final, je l’ai explosé… Je sais que c’est la croix de beaucoup de RPG, mais ça m’a quelque peu enlevé la satisfaction de finir le jeu…

À part ça, ce ne sont que des détails, comme des petits soucis graphiques, les esquives inutiles…


Mais je n’ai même pas envie de penser à ces défauts, car ceux-ci s’envolent lorsque je me remémore l’introduction du jeu. La Tour Eiffel en ruine, une ville style vieux Paris et un grand monolithe avec un 34 inscrit dessus. Puis le nombre change… La disparition, le chagrin, tout ce que l’on aurait pu faire ensemble qui s’efface en même temps que le temps qui nous rattrape. Celui qui vous dit qu’il n’a pas versé sa larme lors de cette première heure de jeu est un menteur. Le concept du jeu en lui-même est une trouvaille brillante. L’extinction des personnes d’un certain âge qui se réduit chaque année, rien que de se l'imaginer, c'est douloureux. Une telle situation pourrait décourager quiconque, car bientôt, il n’y aura plus personne, mais au contraire ! La ville ne s’appelle pas Lumière pour rien, elle est le phare envoyant à chaque gommage une expédition pour tenter d’en finir avec cette odieuse malédiction. Et quand bien même 67 expéditions ont échoué avant, alors la prochaine sera la bonne, aidée des autres équipes qui ont préparé le terrain “pour ceux qui viendront après” comme ils disent.

D’ailleurs, si vous êtes extérieur au jeu, vous n’avez pas pu passer à côté des myriades de citations dont il est le bassin. Des dictons qui résonnent encore et encore, pour se forcer à continuer ou pour cacher l’inévitable. Elles sont magnifiques en plus de gagner en sens au fur et à mesure que l’histoire se déroule. Car bien que je sois bâillonné par le joug du spoil, j’adorerais parler avec vous de tous les rebondissements qui sont légion dans Clair Obscur, en particulier les révélations du dernier acte, nous faisant reconsidérer actes et paroles ayant construit notre épopée.

On peut y voir un message empli d’espoir, avec ces expéditions qui se démènent pour voir demain, comme nous qui ne devons pas laisser notre planète tomber pour les générations qui viendront. Mais bien que je vois cette lueur, je retiens tout autant de cette œuvre sa mélancolie infinie. Car c’est évidemment un jeu qui parle de deuil sous toutes ses formes, de comment le surmonter ou comment s’y soustraire. Qui sont les vrais antagonistes de ce récit, ceux qui se battent pour exister, ou ceux pour qui l’existence est une prison ? Et quand on voit cette fin déchirante, comment ne pas s’abandonner au désespoir ? On peut aussi penser à toute la métaphore de la peinture, comme vecteur méta de l’homme face à l’art, créant des mondes dans lesquels il se perd, posant la question légitime de si c’est un moyen d’y tromper son existence ou au contraire est-ce là que se situe son avenir ? Un postulat bien ambigu qui ne cesse de me déchirer. C’est véritablement un jeu Clair Obscur…


On aimerait pouvoir vivre éternellement en ce monde peuplé de personnages hors du commun. Les protagonistes sont d’ailleurs une des plus grandes réussites du jeu. Je ne vais pas tous les citer, mais j’aime chacun d’entre eux. Ma préférée, c’est évidemment Maëlle, figure de proue de l’histoire avec Gustave, ayant le droit à des moments tant gracieux que bouleversants. J’adore Monoco rien que par son design, Renoir campe un antagoniste subtil, et Esquié, juste le GOAT en fait…

Sérieusement, tous les personnages sont géniaux justement parce que l’équipe de Sandfall s’est démené pour développer chacun d’entre eux, pour qu’ils puissent tous être le préféré de quelqu’un, et ça, c'est très fort. Et n'omettons pas le doublage qui joue énormément dans cette appréciation. Je ne sais pas ce que ça vaut en anglais, mais en France, on a eu le droit à ce qui se fait de mieux ! Alexandre Gillet en Gustave (la voix de Frodon et Captain America), Féodor Atkine en Renoir (la voix de Ben Kingsley) et ma chouchoute Adeline Chetail, tellement poignante en Maëlle (la voix d’Ellie et de Zelda).


J’ai aimé les incarner et combattre à leur côté. Le fait que chaque personnage a son propre système de combat, où chaque compétence est pensée pour dépasser notre compréhension des mécaniques. Sciel avec ses cartes, Lune et ses pigments, ou Monoco avec ses pieds. Ça renforce leur identité, n’étant pas que des pions dans cette histoire, mais surtout ça rend les combats d’autant plus jouissifs. Trouver le bon combo avec telle compétence, telle lumina… Si on omet la difficulté, j’ai adoré décortiquer chaque personnage pour les faire fonctionner à l’unisson.

Le jeu rend hommage à nombre de grands RPG, Persona en tête dont il emprunte l’interface (brillamment agencée) et le fonctionnement global. Final Fantasy aussi pour sa world map. Mais également des RPG à la Nintendo comme Paper Mario. Car bien que ce soit tour par tour, nous ne sommes jamais passifs, devant tout autant attaquer que parer et qu’esquiver. Les affrontements gagnent ainsi en fluidité, ainsi, on ne s’ennuie jamais. En même temps, comment rester passif face à des combats aussi dantesques. Certes, on danse avec les ennemis, mais avec les boss, c’est une bataille de tout instant, où chaque attaque est propice à sa propre cinématique. À part peut-être dans des From Software, je n’ai jamais vécu de duels aussi magnifiques.


Enfin ce qui me restera de plus persistant, c’est peut-être ce monde, Terre du Milieu picturale où chaque recoin regorge de mystère. J’ai parlé de la beauté de Lumière, mais rien que la première zone de jeu m’a fait décrocher la mâchoire. Graphiquement, le jeu est perfectible, mais en termes de DA, c’est somptueux. Il y a tant de richesse dans chaque lieu parcouru, une envie de réinventer à chaque fois un univers pour toujours plus surprendre le joueur. Découvrir une grande roue en ruine dans une grotte marine, traverser une gare figée dans un glacier, ou même sympathiser avec un peuple de mannequins colorés. C’est le propre des grandes aventures, d’aller de surprise en surprise. Et même le jeu terminé, le monde regorge d'endroits inexplorés. Certes parfois un peu vide, mais jamais dénuées d’intérêts.


Et passer ce festival de pigments et ces illuminations d’inventivités graphiques, gît l’élément qui a peut-être le plus fait parler de lui avec ce jeu, et à raison… Vous l’entendez au loin même sans avoir joué au jeu, le thème de Lumière, Aline, une vie à t’aimer. Dès l’écran titre, en écoutant le thème d’Alicia, ne pouvant me résoudre à lancer le jeu malgré l’attente que j’avais subi, je savais que j’avais à faire à un chef d'œuvre. Et là je n’en cite qu’une poignée, mais dans un album de plus de 8h en 154 morceaux, aucune n’est à jeter. Tant dans l’harmonie, qu’à l’opposée dans le ridicule. Faisant la part belle au violon comme au piano et se laissant parfois aller à quelques excentricités. Parfois reposante, souvent épique, toujours magnifique. Une des plus belles collaborations entre 4ème et 10ème arts. Si le jeu est un 10 / 10 alors la Bande Son est un 11.


Alors comment vais-je continuer après une aventure pareille ? Pourquoi le jeu doit se terminer ? La salle est silencieuse, le monde est terne… Je ne peux pas les quitter, je ne peux pas les oublier, je veux rester dans ce tableau, tout y est plus beau… La solitude me gagne, le deuil renaît, comme d’autres œuvres que j’ai pleuré auparavant, rien n’est plus comme avant, je ne peux pas l’oublier et c’est ce qui est le plus douloureux.

Mais ça passera, car ça passe toujours. Rien n’est jamais vraiment gommé, et ce qui fait mal au début devient de plus en plus clair. D’autres jeux, films, livres, me feront cet effet-là encore et encore, car c’est ça la force de l’art. Créer et savourer, déplorer la fin d’une œuvre, la louer et recommencer. Je n’oublierais jamais celle-là et je saurais accueillir les suivantes, car c’est ce qui rend mon monde meilleur, qui me rend meilleur.


Demain viendra.

Valnight
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes J'ai décidé d'être un vrai G@MER et Les meilleurs jeux vidéo de 2025

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le 17 août 2025

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Valnight

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