Je reconnaîtrai à Sandfall d'avoir su éviter un écueil dans lequel se vautrent bon nombre de productions occidentales se revendiquant du J-RPG : le wannabe-isme, ou la reproduction irréfléchie de codes sans véritable touche personnelle, une démarche qui accouche de jeux parfois sympathiques, mais toujours désespérément vains.
Il faut en effet être clair, ce J-RPG là n'a de "J" que sa mécanique de jeu, tout le reste ayant une patte 100 % occidentale – avec ce que ça implique de forces et surtout, selon moi, de faiblesses.
Car c'est inattendu, mais Clair Obscur souffre de ce que j'appelle personnellement le "syndrome Catherine" : un univers et une intrigue fort alléchants sur le papier, mais qui se révèlent finalement pas si intéressants que ça, et un jeu qui brille – contre toute attente – moins par sa proposition artistique que son gameplay.
Casting 1 étoile
Son plus grand défaut ? Ses personnages, qui se révèlent plus falots les uns que les autres. À trop rechercher une écriture sobre, crédible et "mature" ("netflixienne", dirais-je de façon moins polie), le risque est d'en oublier la moindre aspérité à même de susciter l'intérêt et l'attachement du joueur ; un piège dans lequel les auteurs ont, à mon sens, sauté à pieds joints. Que ce soit du point de vue du design ou de la caractérisation, Gustave et ses acolytes font peine à voir comparés à la bande de Tidus ou de Squall. D'aucuns rétorqueront que les Japonais en font trop ; mais il n'empêche que leurs personnages sont mémorables. Entre les deux, il y avait certainement un juste milieu à trouver, qui est loin d'être atteint ici.
C'est une affaaaaire... une affaire de famiiiille
Avec un casting aussi nul, ne reste comme point d'accroche que l'envie de résoudre les mystères posés en début d'aventure – un peu comme dans l'Attaque des Titans, ou dans une série signée JJ Abrams. La fameuse écriture façon "mystery box" qui, en plus d'être une solution de facilité, ne tient que si les révélations finales sont particulièrement ébouriffantes. En l'occurrence, c'est un gros pschiiiittt à l'arrivée.
Ni le ton outrageusement mélodramatique ni les multiples effets de manche scénaristiques (personnages-mystères qui apparaissent et disparaissent toutes les 5 minutes, dialogues cryptiques à gogo) ne sauront masquer le fait que le nœud de l'intrigue se résume à
un bête conflit familial
l'un des ressorts les plus tièdes et éculés qui existent.
Ce décalage entre la petitesse des enjeux et la façon de les mettre en avant devient d'autant plus dérangeant à mesure que l'histoire avance, et que les auteurs, sûrs de leur fait, se mettent à pousser sans vergogne les potards du mélo, violons et plans interminables sur visages grimaçants à l'appui.
Vous reprendrez bien du Yiruma ?
La bande-son est à l'image de cette poésie en toc dans laquelle le jeu menace sans cesse de verser. Lorien Testard est un stakhanoviste, on ne lui enlèvera pas ça. Mais sur ses 8h de composition, hormis quelques expérimentations bienvenues, c'est la grande chialerie de pianos et de violons quasi constante. Le piano en particulier ne se tait JAMAIS, même pendant les scènes les plus dérisoires. La BO ne compte enfin à tout casser qu'une poignée de thèmes marquants (dont le premier m'a vaguement rappelé celui des Choristes), ce qui la place selon moi très loin des grandes références musicales du JRPG.
Le divin gameplay
Vous l'aurez compris, j'ai une relation compliquée avec ce jeu, dans lequel rien n'est mauvais, mais rien ne suscite mon adhésion complète non plus :
La DA claque... mais on a déjà vu ce genre de décors surréalistes et colorés dans Elden Ring.
L'écriture et la mise en scène sont correctes... sans plus.
L'atmosphère et la BO sont sympas... mais fleurent la repompe de NieR.
Rien... sauf le gameplay qui est absolument brillant : accessible, profond, généreux, gratifiant. Dans son genre, inattaquable – je dis bien "dans son genre", car je ne souhaite pas que le système de parade (qui est un pompage intégral de Sekiro, soit dit en passant) devienne la nouvelle norme du RPG tour par tour ; en effet, il débouche sur des affrontements jouissifs mais stéréotypés, avec ces fameuses phases de défense proches du jeu de rythme.
Le beau ne suffit pas
Avec de meilleurs enjeux, des personnages moins quelconques, davantage de scènes marquantes, un ton moins mélodramatique, une bande-son moins monocorde, on aurait touché au jeu culte. En l'état, Clair Obscur : Expedition 33 est une œuvre solide qui rate malheureusement le coche sur des aspects à mon sens cruciaux, notamment l'attachement aux protagonistes. Il brise en partie la malédiction de la "brochette bœuf-fromage", mais confirme hélas, et ce malgré une démarche globalement honnête et généreuse, les carences créatives et la pusillanimité des imaginaires occidentaux.