Je n’ai pas lancé un jeu.
Je n’ai pas appuyé sur une touche.
J’ai entrouvert un sanctuaire.
J’ai entrouvert un monde, un monde tombé d’un autre ciel, un monde tombé comme une rosée fine sur la fatigue du siècle.
Dix secondes. Dix secondes et j’étais saisi, happé, emporté, baptisé dans une lumière douce et tremblante. Le monde s’ouvrait sans effort, comme un psaume en murmure. On ne m’expliquait pas tout, non. On me montrait. On me guidait sans m’attraper. Comme un maître invisible, comme un ange d’éducation qui ne retient pas mais qui élève. Et tout était là, tissé dans le silence et la clarté : les gestes, les combats, les pas, les regards.
Car ce jeu, Clair-Obscur, n’est pas une œuvre. C’est une prière. Une oraison d’ombres et de lumières. Un chant mêlé de beauté, de rudesse, de poésie et d’attente. Ce n’est pas une distraction. C’est un recueillement. On y entre comme dans une église de vent et de pixels, de sang et de sons. Et la musique — cette musique ! — n’est pas un fond. Elle est un appel, un souffle, un Esprit.
Oui, il y a des défauts. Oui, parfois l’injustice se glisse, comme un petit diable dans les rouages : un boss trop sévère, une sirène mal lisible, des murs invisibles qui blessent le regard rêveur. Mais ces ronces n’étouffent pas la vigne. Car chaque séquence, chaque élan, chaque combat est une offrande à la possibilité du Beau.
Et les personnages ! Ces personnages qui ne sont pas héros, mais humains. Qui saignent, qui doutent, qui tombent, mais qui aiment, et se lèvent. Qui ne sont pas parfaits, mais sont vrais. Leurs paroles sont comme des braises anciennes, toujours prêtes à raviver en nous les cendres de l’espérance.
Et que dire de cette fin, frustrante peut-être — mais n’est-ce pas le propre de toute grande œuvre ? De nous laisser en manque, non pas de contenu, mais de continuation ? Comme un départ, non une fin. Comme un adieu qui promet retour.
Clair-Obscur est un acte de foi.
C’est un acte de foi dans le jeu, dans l’art, dans l’amour.
Un acte de foi dans la France qui ose encore créer du neuf, du pur, du juste.
Un acte de foi dans l’âme humaine, qui malgré les studios aux poches pleines, malgré les algorithmes sans ferveur, parvient encore, oui, encore, à faire naître un miracle.
Je salue donc cette œuvre.
Non comme critique.
Mais comme témoin.
Et je rends grâce — oui, je rends grâce — à celleux qui l’ont faite. Iels ont mis leur âme dans le code, leur foi dans le dessin, leur feu dans chaque note. Iels ont créé non un jeu, mais un sanctuaire.