Je crois que c'est la première fois que j'ai autant l'impression de vivre dans une caméra cachée que depuis la réception éclatante de Clair Obscur par la presse et les joueurs. Je ne peux pas cacher que j'ai d'abord eu une réaction de rejet et de moquerie face à l'imagerie du jeu : c'est pas tous les jours qu'on voit une adaptation vidéoludique des cosplays de Super Dupont qui n'existent normalement que dans l'imaginaire le plus fou des BDE les plus racelards.
Malgré cet a priori dur à effacer j'ai voulu donner une chance au 'futur GOTY' en toute bonne foi. Déjà car le (J)RPG est probablement mon genre préféré et, il faut l'avouer, parce que ça m'intriguait et m'irritait un peu de voir des gens défendre COE33 comme un jeu qui parvenait à "esquiver les travers du genre". Ce n'est pas la première fois qu'on désigne comme sauveur du JRPG la dernière pépite de l'industrie indé occidental (voir Child of Light, Indivisible, Sea of Stars, Undertale), souvent car le jeu en question libérerait le genre de sa sexualisation outrancière (sic.), ou parviendrait à renouveller un système de tour-par-tour qui serait devenu éculé. Que ce soit vrai ou non (c'est faux), Clair Obscur est un phénomène, et le premier JRPG de pas mal de gens depuis l'âge d'or 1995-2000. J'ai donc voulu voir ce qui l'avait fait réconcilier autant de vieux gamers avec le jeu vidéo de rôle traditionnel.
Et ben voilà, après avoir terminé le premier acte du jeu, je ne déteste pas foncièrement Clair Obscur. Passées les premières heures de cringe, on finit par s'habituer et avoir un petit peu d'affection pour le ton extrêmement premier degré, les dialogues patauds et le jeu d'acteur abominable (bon c'est ma faute, j'ai joué en VF au jeu franco-franchouillardo-français mais apparemment la VA est mieux !! :-] ). C'est très série B, très nanardesque et ça n'est pas très grave. Il y a plein de JV pas très bien écrits dans lesquels je me laisse prendre au jeu. C'est pareil pour la musique : je pense sans exagérer que c'est une des pires soupes que j'ai pu entendre dans un jeu vidéo. Le métissage "musique de youtubeurs" x metal symphonique x "reprise de morceaux de Nier et de Ghibli" crée une forme de kitsch que je n'avais jamais entendue dans ma vie. C'est absolument immonde, mais bon sang, ça me restera dans la tête plus longtemps que les pastiches Hans Zimmeriens dont tous les AAA nous gratifient depuis 20 ans. Mais bref, ça a ses limites de jouer à un JRPG de 40h comme si c'était une étude de terrain. Une fois le contexte original dépassé (la bouillie chauviniste post-apo steampunk web-série des années 2010) et en réalisant que tout le jeu allait être comme ça, j'ai vite commencé à lâcher prise.
Rien n'est catastrophique dans Clair Obscur, mais rien ne marche vraiment. Le système de combat est un aveu d'échec : on a rafistolé une poignée de mécaniques qui disparaissent à cause de la parry, qui détermine presque à elle seule l'issue des combats. Au cas où le joueur s'ennuierait trop et pour rappeler que le RPG ça peut-être dynamique, on a mis des QTE réminiscents des pires heures de notre histoire, et un mini-jeu digne des meilleurs stands de tir sur bouteille de la Foire du Trône. Y a plein d'animations, c'est stylisé comme dans Persona 5, tu appuies tout le temps partout mais c'est lent, pas très efficace est pas très intéressant.
Je m'éterniserai pas non plus sur les graphismes et le moteur. D'habitude ça n'est pas très important pour moi (je suis fan de Pathologic 2😎) mais bon c'est fauché quand même... Que ce soit les particules cache-misère, la terrible physique de saut et les phases de plateformes qui vont avec, ou ces éclairages jaune-brun à la con, ça respire le projet template d'UE5. Petite équipe, budgets et équipes pas énormes (bien que le narratif autour du "on était que 33" me sorte un peu par les oreilles...), bon ça s'explique.
Je concèderai enfin que quelques-uns des points que j'ai abordés ne sont pas vraiment propres à Clair Obscur en lui-même, et plus au phénomène qu'il représente. Je trouve l'accueil absolument ahurissant parce que c'est un jeu extrêmement moyen, mais j'aurais sûrement été un peu moins méprisante s'il était passé sous les radars. En l'état je ne peux pas m'empêcher de penser que les retours dithyrambiques autour de ce brouillon existent par cocoriquisme. Je ne suis clairement pas le public visé, mais ça m'attriste qu'on en fasse déjà un modèle pour l'industrie et un fleuron.