Code Name S.T.E.A.M.
6.3
Code Name S.T.E.A.M.

Jeu de Intelligent Systems et Nintendo (2015Nintendo 3DS)

E3 2014. Satoru Iwata et Reggie Fils-Aimée se tapent dessus pour annoncer Super Smash Bros., Eiji Aonuma fait apparaître Hyrule d’un claquement de doigt, et Splatoon fait ses premiers pas. Quelle vie ! En marge de la fête, Shigeru Miyamoto vient adouber le dernier né du studio de Fire Emblem. Malgré l'effet d’annonce, qui se souvient aujourd’hui de Code Name S.T.E.A.M ?


Amérique steampunk, Abraham Lincoln à la tête d’un groupe de héros et héroïnes de littératures, et monstres sortis de l’imaginaire lovecraftien. Comment oublier un pitch aussi joyeusement en roue libre ? Code Name S.T.E.A.M, c’est La Ligue des Gentleman Extraordinaires contre les Grands Anciens, le tout dans une esthétique comics du plus bel effet. C’est aussi, et surtout, un jeu de stratégie tour par tour aux airs de X-Com ou Valkyria Chronicles, avec déplacements sur grille et caméra épaule. Gare aux malentendus, ce n’est pas un tactical-RPG pour autant. Mais les décisions y sont aussi cruciales avant que pendant les missions, les douze personnages se jouant bien différemment, entre arme principale, attaque spéciale ou compétence passive.


Pour constituer une escouade de quatre membres, le choix est ainsi parfois cornélien. Queequeg de Moby Dick et son bonus d’attaque pour tout le groupe ? Ou plutôt le lion du Magicien d’Oz et son salto qui fait fi des obstacles ? Puis vient la partie de l’arsenal commune au groupe : c’est le choix de la bonne arme secondaire et du bon vap-pack, ces réserves de vapeur se rechargeant à chaque tour et définissant les déplacements et actions possibles d’un personnage. C’est dans ces moments que le casting révèle toute sa saveur, et pas dans le scénario sans relief et purement fonction. Ce dernier a certes la politesse de ne pas prendre de place, mais quelle occasion manquée tout de même.


Code Name S.T.E.A.M est paradoxal. D’un côté, il a une vraie patate, avec ses escarmouches où le mauvais choix peut être fatal et où les checkpoints à usage unique peuvent retourner le cours d’une partie en ressuscitant les équipiers tombés contre quelques deniers. De l’autre, c’est un jeu lent, qui incite à la prudence, avec son absence de map qui cantonne le point de vue du joueur à celui d’une petite escouade, et un système d’embuscade aussi flou qu’à l’avantage des ennemis. Bon sang, ce système d’embuscade, l’imprécision même… Et entre les deux, le temps passé à regarder les monstres faire leur tour était d’abord d’une lenteur abyssale avant qu’un patch ne vienne le réduire drastiquement, et sauver le rythme des parties.


Contrôler son escouade est en revanche un plaisir constant. Parce qu’on n’est pas enchainé au quadrillage des cartes. Parce que même au sein d’une case, on peut se mouvoir à la recherche de la plus petite ouverture pour atteindre un point faible. Parce que, tant que l’on n’attaque pas où que l’on ne se fait pas intercepter par un ennemi en embuscade, on peut revenir sur nos pas sans avoir consommé notre vapeur. Du coup, on se sent libre d’explorer, fouiller, expérimenter, et surtout collecter les ressources qui permettront de débloquer de nouveaux équipements ou monnayer un ravitaillement.


Égal à lui même dans son inégalité, il lui fallait donc contrebalancer cette souplesse par une avarice d’informations. Imaginez donc qu’il est impossible de connaître le coup spécial d’un personnage en dehors d’une mission. Il est aussi impossible de consulter simplement les caractéristiques d’une arme en dehors du menu d’équipement, qui lui-même n’est accessible qu’après avoir sélectionné une mission et composé une équipe. Et ça, c’est quand le jeu accepte de céder ces informations. Quel enfer, quelle frustration : Code Name S.T.E.A.M est jusqu’au bout à des années lumière de la précision et l’ergonomie qui font la réputation d’Intelligent System. La profondeur est là, mais si difficile à entrevoir, et les premières heures sont un vrai parcours du combattant pour s’y retrouver.


Et pourtant, il se fait pardonner. Malgré la rage, quand la console est éteinte, il ne reste que les bons souvenirs. Cette satisfaction de voir un plan se dérouler sans accroc ; ces missions au level design et aux ambiances sans cesse renouvelées, et ces personnages hauts en couleur ; cette course folle sous la Maison Blanche à enchainer les points de ravitaillement pour traverser la carte en un seul tour. Dans le monde des plaisirs coupables, Code Name S.T.E.A.M est ce premier jet aux bords parfaitement polis, mais à la surface toujours brute et rêche. Y passer la main dans le mauvais sens, c’est repartir avec des échardes. Mais dans le bon sens ? Alors même le mode multijoueur fera de l’oeil.


Code Name S.T.E.A.M est un jeu un peu flingué, un brin fouillis, et que pourtant je ne peux pas ne pas aimer. En soirée, je serai ce fou pour dire qu’on « le trouve neuf à cinq balles, comme Rhythm Paradise à son époque : la marque des grands jeux oubliés ! ». Même moi je n’y crois pas. Mais qu’importe : le jour où Nintendo daignera annoncer une suite plus aboutie à cette Ligue des Gentlemans (pas tout à fait) Extraordinaires, je serai ce type debout devant mon écran à lever les bras.

Ensis
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le 14 mars 2019

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