Cuphead
7.9
Cuphead

Jeu de Studio MDHR (2017Nintendo Switch)

"Cuphead" c'est DUR.


...Voilà en substance ce que j'avais retenu de ce titre quand j'ai commencé à m'intéresser à lui.
OK la direction artistique avait l'air d'être à tomber par-terre.
OK le gameplay avait l'air d'être un pur concentré des jeux de plate-formes bien punitifs d'antan.
OK l'ensemble avait l'air remarquablement pensé au point d'apparaître comme riche, varié et challengeant...
...Mais seulement voilà, tout ça dans ma tête a été balayé d'un revers de la main face à cette seule et unique information : "Cuphead" c'est DUR.


Et quel con j'ai pu être !
Ah ça oui !
Sans l'intense lobbying et la perfidie argumentative d'une de mes élèves jamais je n'y serais allé !
Il a donc fallu qu'elle me confronte à mes propres maximes pour que je me retrouve coincé ; sans possibilité de faire marche arrière.
Et comme quoi entre plaisir d'apprendre et plaisir de jouer il n'y a qu'un pas car sans un peu de résistance il n'y a définitivement pas de plaisir...


Alors oui, "Cuphead" est dur. C'est vrai.
...Mais dire cela c'est aussi justement oublier tout le reste.
Or, sitôt lance-t-on ce jeu qu'il est quand même bien difficile de ne pas tomber sous son charme.
C'est beau, malin, farceur... Et surtout ça fulmine de détails.
On ne perd jamais son temps à balader son regard dans "Cuphead". C'est un univers où tout vibre à l'unisson.
Détail tout con mais même l'écran de chargement parvient à être séduisant !
Il s'agit juste d'un petit sablier qui sautille sur lui-même ; une animation rapide certes mais dont je ne suis pas arrivé à me lasser.
En soi, chaque seconde passée sur ce jeu est une récompense. Une récompense qu'on savoure d'autant plus qu'on n'est pas certain d'être capable d'en voir davantage.
...Et elle est justement là la saveur des jeux durs. Chaque écran se mérite. Du coup toute progression est vécue par celui qui y est sensible comme la plus prestigieuse des récompenses ; le plus beau des cadeaux.


Or, l'air de rien, sitôt un jeu parvient-il à tisser ce genre de rapport avec son joueur que la difficulté devient toute relative.
En fait ce n'est pas que "Cuphead" soit dur. C'est surtout qu'il est exigeant.
Pour avancer dans "Cuphead" on a juste besoin d'essayer, d'échouer, d'apprendre puis de réessayer encore...
Beaucoup pourraient juger cette mécanique comme relevant d'un autre temps et peu adaptée à ce que sont devenus les jeux vidéo aujourd'hui.
Pourtant il suffit de jouer à "Cuphead" pour comprendre que cette logique n'a rien perdu de son intérêt.
Bien au contraire...


Avant de jouer à "Cuphead" j'étais convaincu que c'était contre-productif d'avoir voulu lier "plaisir de la contemplation" et "difficulté élevée". Pour moi l'un allait forcément empêcher le joueur de se focaliser sur l'autre et vice-versa.
Pourtant en jouant, je me suis rendu compte qu'en fait c'était tout l'inverse qui se produisait.
C'était parce que c'était dur qu'on était contraint d'être attentif à tout. Et c'était parce qu'on était attentif à tout qu'on profitait au mieux de la richesse d'un niveau.
Aurais-je perçu tous ces détails d'animation si j'avais traversé un niveau en une seule fois ou bien si j'avais battu un boss en deux minutes ?
Certainement pas.


La répétition ici fait la délectation.
Et d'ailleurs - surprise - c'est ce qui a fait que, dans ce jeu, ça ne me gonflait pas de recommencer encore et encore...
Échouer c'était passer encore un peu plus de temps à se délecter de ce monde enchanteur, et rester un peu plus de temps dans ce monde enchanteur c'est soudainement se rendre compte qu'on apprend, qu'on progresse et qu'on va pouvoir du coup en découvrir davantage...


Chose étonnante chez moi d'ailleurs, alors que le jeu proposait d'aborder chaque stage selon deux niveaux de difficulté, j'ai assez régulièrement décidé d'aller me refaire le stage en niveau difficile dans la foulée de mon succès en facile.
En même temps c'est si facile de se sentir en confiance : c'est le même stage. On connaît les bases et les patterns. On sait juste que le gameplay va s'enrichir et surtout - ô délectation - que les animations vont gagner en créativité.
Or, juste pour le plaisir de voir la créativité visuelle des auteurs se déployer davantage - mais aussi pour le défi d'éprouver mes compétences récemment acquises - j'ai toujours accepté de rempiler sans sourciller, jusqu'à triompher.


C'est qu'en plus ce jeu est diablement malin dans sa manière de nous accompagner.
Les phases se diversifient vite afin qu'on se sente progresser et surtout, à chaque échec, une ligne de progression nous annonce jusqu'à quel point on s'était rapproché de la victoire.
...Et l'air de rien c'est stimulant.


Finalement, à bien tout prendre, il y a rien d'anodin au choix qui a été fait par MDHR de mobiliser un univers de vieux dessin-animé pour nous convier à cette aventure. Car "Cuphead" c'est bien un jeu qui nous invite à re-découvrir les joies des arts old-school.
"Cuphead" c'est un jeu qui nous rappelle que si la motivation première des développeurs à nous refiler des jeux durs étaient au départ essentiellement liée à leur envie de gonfler artificiellement la durée de vie, cela ne retirait malgré tout rien au fait que cette contrainte apportait un plaisir tout particulier au joueur : le plaisir de se sentir progresser, le plaisir de se sentir méritant, le plaisir à vivre pleinement chaque instant...


Seul revers à cette médaille bien scintillante ce serait justement qu'à cause de cette exigeante difficulté on ne puisse profiter vraiment de "Cuphead" que si on est en pleine possession de ses moyens, au meilleur de ses capacités et surtout disposant d'un
temps régulier à lui consacrer...
On ne peut pas jouer à "Cuphead" de temps en temps ou le soir en rentrant du boulot. (À moins d'être rodé à l'exercice.)
Pour ma part j'ai eu le malheur de le laisser de côté un temps avant de le reprendre et le retour aux affaires fut trop rude.
Malheureusement, depuis, je n'ai jamais vraiment su retrouver l'énergie et l'envie - la fraicheur des premiers temps - trop conscient désormais de ce qui m'attendait.


...Mais ce n'est pas grave.
Un jour peut-être...
...Et même si ce jour ne devait jamais advenir ce n'est pas grave non plus.
J'aurais joué à "Cuphead". J'aurais pris du plaisir à ce bijou.
Alors voilà, moi j'ai su prendre ma part. A vous désormais de prendre la vôtre.
Mais pour cela il va falloir oser passer le cap : arrêter de regarder "Cuphead" et enfin oser se confronter à lui.
En d'autres mots : à vous de jouer... ;-)

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