Le premier titre de Red Hook m'avait laissé pantois d'admiration : en plus d'être le premier jeu indépendant que j'ai testé, il était également le premier jeu que je qualifierai de "Hardcore pour le plaisir de l'être" que j'ai testé (avant FTL, Blasphemous, Into the Breach...).
Darkest Dungeon m'avait fait une très forte impression pour la forme et son fond... mais m'avait lassé pour une structure que je trouvais rébarbative.
Laissons de côté les lieux communs : la forme (lovecraftienne au possible, carac' design à tomber par terre en termes de DA et la fantastique voix narrative de Wayne June) et le fond (système de combat en tour par tour pensé pour 1 à 4 personnages et dont les combinaisons de compétences sont à optimiser pour assurer une efficacité maximale... car la difficulté des combats atteint parfois des sommets d'horreur)... sont PARFAITS. Le système est efficace, promet une ambiance si exagérément sinistre que c'en est drôle et donne une envie de retenter une approche après une expédition qui s'est transformé en massacre.
Mais il y avait un hic pour moi : la gestion du hameau était une vraie chienlit pour moi. Cette idée de faire du management pour convalescents, de recevoir 30 informations sur l'état de mes troupes dans un journal d'infos assez insipide et de procéder à des recrutement de plus en plus compétents... cassait littéralement mon rythme de jeu et je me rendais compte que c'était la partie la plus importante pour assurer une expédition efficace... mais voilà... elle me rebutait.
C'est là que Darkest Dungeon 2 brille selon moi (n'en déplaise aux nombreuses critiques faites sur ce point) : écarter les phases de gestion du hameau entre deux expédition de donjon était faite pour me plaire.
Darkest Dungeon 2 a une structure beaucoup plus pensé comme un FTL : on choisi sa team dés le début... et c'est parti pour un véritable marathon de zones avec une diligence en guide de vaisseau spatial. Et pour moi c'est l'idéal : cette impression de voyage (ou le choix des aiguillages est important) mêlé à de la survie sur le long terme me plait bien plus.
Plus linéaire ? Oui mais en quoi est-ce un mal ? Il est largement compensé par ce côté procédural/rogue like des environnements (Dédale, Jungle, Putrescence, Voile et Canal) qui fait que les run ne se ressemblent jamais complètement.
Les rencontres sont :
- Parfois chanceuses et se terminent sans trop de côtes fêlées.
- Parfois (souvent !) c'est une véritable épreuve de force et notre équipe ressort victorieuse avec 2 ou 3 traumatismes qui vont nécessiter une coûteuse thérapie de groupe à la prochaine taverne.
- Et enfin, parfois, c'est une véritable boucherie... (même quand on ne s'y attend pas et qu'on se croyait invincible).
Le côté die and retry tout en pesant le pour et le contre des aiguillages de la diligence sont assez grisants (je trouve) et le jeu réussit sans problème à me surprendre. Et l'idée que la taverne vienne mettre un calme (temporaire) avant la prochaine zone donne une véritable saveur au "campement"... qui remplit son œuvre de calme avant le prochain cauchemar.
Je me souviens des phases de campement dans le premier jeu qui parfois se transformaient en véritable mutinerie verbale entre les membres : j'avais l'impression que le jeu décidait de me foutre 50 mille bâtons dans les roues... même lors des phases sensées réconforter le groupe.
Et pourtant, des histoires de roue, DD2 en contient : la gestion de la robustesse de la diligence est de mise... et elle est suffisamment simplifiée pour ne pas être prise de tête. Ils auraient pu juste donner plus d'incidence aux phases de pilotage. Inclure dans le jeu une phase "course d'obstacle" aurait été excellente. (on dirait que les développeur y ont pensé mais ne sont pas allé au bout de l'idée.)
Et il faut le dire également cette idée d'orienter le jeu vers un structure beaucoup plus proche de FTL et Into The Breach (1 aventure = 1 groupe) rend le jeu bien plus ouvert à l'expériementation que le 1er jeu.
En effet, dans DD1 il n'était pas rare que je m'abstienne d'intégrer un héros expérimenté dans un groupe de classe que je maîtrise moins de peur de le voir clamser et de rendre complètement vain une 15aine d'heure de jeu pour lui faire gravir ses compétences. De ce fait, il m'arrivait littéralement de "ne pas tester" des tactiques d'approche pour éviter la frustration d'une mort définitive d'un héros sur lequel j'aurais trop investi de temps...
La structure de DD2 corrige totalement ce problème : en limitant l'aventure à une run de 3-4 heures... le jeu nous pousse implicitement à expérimenter des combinaisons de groupe. De totue façon, s'ils crèvent tous dés la première zone... ben... ok... ils meurent tous, et let's try une autre équipe la run d'après : peut-être que la pilleuse de tombe n'est pas viable avec une furie... peut-être que telle compétence du flagellant serait plus indiquée avec cette compétence de la vestale plutôt que le médecin de peste...
La structure de DD2 invite bien plus le joueur à découvrir toutes ses mécaniques... car perdre son groupe n'a rien de définitif.
Autre point excellent de cette suite : l'exploration du background de chaque personnage. Et alors là... c'est LA MEILLEURE idée du jeu : 5 chapitres (narrés ou interactifs) viennent donner des bribes d'information sur l'histoire de nos compagnons.
Le bouffon et sa quête d'une sinistre mélodie... Comment la pilleuse de tombe est devenue veuve ? Quel tragique passé cache le lépreux ? Des phases interactives (semblables à des scènes de théâtre) viennent ponctuer ces récits avec brio et rivalisent d'idée (en plus de changer le rythme de notre voyage...)
Bref... DD2 est pour moi un sans faute qui réussit haut la main à se démarquer de son précédent opus, tout en gardant l'essence de son gameplay le plus passionnant.
Du jeu indé à son meilleur.
RE-EDIT : 02/10/2025
Avant de commencer : RIP à Wayne June dont la voix lugubre et envoutante nous manquera.
2 ans après avoir accompli le mode de jeu initial CONFESSION, avant qu'un nombre conséquent d'update, MàJ et de l'arrivée de quelques DLC sympatoche enrichisse DD2, j'ai senti que l'année 2025 était une bonne année pour reprendre les hostilités avec ce jeu.
Un jeu... ben... qui nous fait grâce d'un nouveau mode de jeu : KINGDOM.
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GRATUIT
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Je répète ? Un mode de jeu neuf, qui change une nouvelle fois la structure du jeu (Comme DD2 avait changé la sienne par rapport à DD1)... GRATUIT (si vous avez déjà DD2 en votre possession).
Je sais pas pour vous, mais je trouve ça d'une générosité hallucinante de la part des développeurs de proposer un tel addon, quand n'importe quel développeur se serait juste contenté de garder l'idée de ce gameplay... pour un éventuel 3ème jeu.
Le plus surprenant avec ça, c'est que cet ajout (le Mode Kingdom) se justifierai bien plus en tant que DLC payant que ne le sont les DLC Binding Blades et Inhuman Bondage nous gratifiants de 3 nouveaux personnages et d'une nouvelle région explorable au jeu de base (Mode CONFESSION)... et le Nouveau mode (Mode KINGDOM). Genre dans un cas, Red Hook studios fait payer les joueurs pour du contenu additionel sympa, mais ne changeant pas drastiquement le gameplay. Mais dans un autre, il incorpore carrément un nouveau jeu (en plus du précédent) GRATUITEMENT (je le met en gras... histoire qu'on le repère bien).
Et ce nouveau mode Kingdom, il vaut quoi ?
Ben c'est une tuerie en fait. Un concept de jeu de gestion de crise de tout un Royaume (composé d'Auberges et de Campements séparé des régions connues du jeu de base... mais plus courtes). Le but du jeu va consister à protéger/empêcher les Auberges d'être détruites par des invasions extérieures. Trois campagnes d'invasion ont été designé : The Beast Clan (une invasion de barbare en mutation avec des chèvres), The Coven (une secte de sorcières) et The Crimson Court (des vampires moustiques français... oui vous avez bien lu)
TROIS CAMPAGNES
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3 CAMPAGNES GRATUITES (je l'ai déjà dit que c'était gratuit ?)
Et tout en protégeant ces Auberges, vous pouvez (vous DEVEZ) les améliorer (un peu comme le Hameau de DD1... mais dans un concept simplifié pour ne pas alourdir le jeu) tout en accomplissant une quête pour mettre fin à cette invasion.
Des objectifs de mission à la lisière entre la limpidité et le cryptique... mais bon... le jeu s'appelle DARKEST DUNGEON... et non LIMPIDE DUNGEON.
Si je ne devais donner qu'UNE SEULE critique à DD2, c'est peut-être... qu'il y ait trop de combats, et ce, quelque soit le mode. Plus vous avancerez dans les Confessions ou dans le Kingdom, ressentir une boulimie du combat n'est pas à exclure. Mais étant donné que le système de combat de DD est la principale ganache du titre, ça serait comme se plaindre qu'il y a trop de miroir dans la galerie des glaces de Versailles. Ils ont mis en grande quantité ce qui fait la principale qualité du titre... en soit... je comprends. C'est juste qu'il y a risque de lassitude.
Donc, pour résumer les dernières nouveautés de DD2 : nouvelle structure, 3 campagnes, des nouveaux ennemis (car les Barbares Bouquetins, les Sorcières et les Moustiques versaillais)... tout ça gratuit.
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Et les fan de la franchise trouvent encore le moyen de râler ?
Parce que c'est ça le plus fort avec Darkest Dungeon 2 : Red Hook Studio livre un jeu d'une richesse et un contenu gargantuesque en mécaniques... mais ayant gardé les essentielles qualités du premier jeu, à savoir la Direction Artistique et le Système de combat. Le joueur est traité comme un roi.
Un roi qui n'en mérite pas tant quand je constate les plaintes :
"Oh... c'est trop dur !"... parce que le 1er jeu était facile ?
"Oh... j'aime pas la diligence, je préférais l'ambiance exploration du premier jeu."... ben... réinstalle le premier jeu : il a été fignolé, optimisé jusqu'à la dernière ligne de code.
"Oh... je préférais quand y avait le hameau."... ben... même remarque.
"Oh... je préférais la létalité du premier jeu, où quand on perdait un héros, ben c'était définitif. On sentait comme une énorme intensité..."... ben... même remarque ou alors essaie le mode KINGDOM (Gratuit)
Non sérieusement, je veux bien entendre des critiques, mais à un moment il faudrait poser la question aux joueurs mécontents ce qu'ils attendent d'une suite à un jeu indépendant. Red Hook Studio aurait pu céder à la facilité en refaisant un Darkest Dungeon 1.5 (Ce qu'a fait Arkane avec Dishonored 2, ce qu'à fait Game Kitchen avec Blasphemous 2), en reprenant la même structure, le même gameplay mais avec de nouveaux graphismes et, pourquoi pas, de nouveaux personnages.
Mais le jeu indépendant n'est-il pas justement réputé pour la prise de risque et l'expérimentation de nouvelles mécaniques ? Red Hook Studio a joué le jeu. Accepté l'idée d'avoir fait le tour de Darkest Dungeon 1 pour livrer... tenez vous bien... un autre jeu réexploitant le sel principal du premier titre : la DA, l'ambiance Lovecraftienne et le système de combat richissime... pour changer tout le reste.
Bon sang... mais COMBIEN DE STUDIOS OSENT FAIRE CA ? COMBIEN DE STUDIOS PRENENT CE GENRE DE RISQUE ?
Quand on joue à du jeu indépendant, c'est justement pour jouer à UN JEU DIFFERENT du reste du marché... et INCROYABLE : un jeu différent à 50% de son prédécesseur. Ce qui est formidable, puisque de ce fait, jouer à Darkest Dungeon 2 (quelque soit le mode) ne retire AUCUN intérêt à (re)découvrir Darkest Dungeon 1.
Avec Darkest Dungeon 2 et son dernier patch Kingdom, Red Hook Studios donne une pure leçon de ce que devrait être le marché du jeu vidéo : un marché varié, n'ayant pas peur d'être versatile, d'expérimenter, de tenter des approches... au risque de se planter.
Ca vous rappelle pas quelque chose ? A moi, ça me rappelle un partie de Darkest Dungeon, où on tente une approche avec incertitude, on réussit un combat, on se dit qu'on croit avoir cerné la chose... quand soudain un combat non prévu chamboule tout nos plans et l'expédition tourne au massacre.
Red Hook Studio joue au même jeu que nous. Ils prennent autant de risques que nous lorsqu'on se lance dans une expédition.
Un studio qui respecte des joueurs comme ça, ben ça mérite le respect d'un joueur comme moi en retour.