C’est moi ou ce jeu nous prend pour des pigeons ?! ;-)

Je pense qu’on peut le dire sans trop se tromper : « Dead Cells » c’est la petite révélation de 2017-2018. Un jeu que peu de gens avaient vu venir, qui plus est de la part d’un studio que peu de gens connaissaient. Un jeu qui s’est bien vendu et qui a reçu quelques prix prestigieux. Et si j’étais plutôt familier du concept de « métroidvania » dans lequel ce « Dead Cells » entendait s’inscrire, j’avoue par contre que j’étais à l’époque totalement étranger de la culture du « rogue-lite » ; autre caractéristique qui faisait la renommée de ce titre. « Eh bien qu’à cela ne tienne ! » me suis-je dit. C’était l’occasion de faire une pierre deux coups. Découvrir « Dead Cells » et découvrir le « rogue-lite » en même temps. Je m’y suis donc mis.… Et j’avoue que j’en suis ressorti sceptique.


Alors bon. C’est quoi ce concept ? Le jeu commence : on sort d’une grosse flaque de morve et… Eh bah « let’s go » ! En même pas vingt secondes on se retrouve déjà lancé dans un labyrinthe 2D à taper du monstre. OK. Vingt secondes et j’ai déjà un premier problème. Mais pourquoi je dois taper tout le monde ? Je suis qui ? Je suis où ? Je dois aller où ? Alors j’entends bien la démarche qui consiste à révéler les choses en allant afin de privilégier l’action mais moi, ça, c’est tout con, mais déjà ça me perturbe. Ce labyrinthe j’ai pas envie de le parcourir. Ces monstres j’ai pas envie de les taper. Et tout cela pour une bonne et simple raison : je trouve que « Dead Cells » pèche vraiment par son manque cruel d’attractivité.


Visuellement assez criard et bariolé, sans réelle cohérence ni élégance esthétique, je trouve l’univers de « Dead Cells » vraiment moche. Alors OK, c’est purement subjectif, mais le problème c’est que, dans mon cas, ça m’a déjà retiré une première motivation pour aller de l’avant. Bon, malgré tout je me suis plié à l’exercice mais le fait d’avancer n’a rien arrangé. Gameplay réactif certes mais très sommaire. Enchaînement répétitif de couloirs sans spécificité. Rencontre avec des objets dont on n’explique pas l’utilité (OK, je peux chatouiller ce tas de morve mais à quoi ça sert ?) Certes, rien de rebutant en soi dans l’expérience de jeu, mais rien d’attirant non plus. Et c’est là que j’ai commencé à comprendre tout le problème propre à ce principe de jeu qu’on appelle le « rogue-lite ».


« Eh les amis ! Vous savez ce que c’est un "rogue-lite" ? C’est un jeu infini où on ne s’ennuie jamais ! Parce que les niveaux sont générés aléatoirement ! Ce n’est JAMAIS la même chose ! Génial non ? » En parcourant ce « Dead Cells » j’avais l’impression que c’était ça la promesse qu’on me faisait : un jeu tout le temps nouveau. Un jeu qui ne pouvait donc pas lasser. Sauf que – bah dans la pratique – non : désolé mais, me concernant, ça ne marche pas du tout comme ça. Me concernant, je commence à tirer du plaisir dans un jeu que quand je me sens progresser. Et la lassitude ne vient que lorsque j’ai l’impression de ne plus progresser ; d’être confronté à une tâche répétitive. Or le problème de ces niveaux générés de manière procédurale c’est qu’ils ont justement une fâcheuse tendance à reproduire des modèles sans logique de progressivité. Alors certes, il y a bien un renouvellement qui s’opère par un système d’étapes par lesquelles on voit le bestiaire et l’environnement s’enrichir et évoluer, mais le problème c’est qu’en mourant, on revient au début, et on se rebouffe tout, tout le temps, à chaque fois... Pour moi, c’est juste gonflant.


Alors vous allez me dire : « Mais si ! Il y a de la progression ! La progression elle se trouve dans le gameplay ! A force d’enchainer les parties on améliore son skill ! Et puis surtout on collecte des gemmes qui nous permettent de nous payer des armes et des sorts nouveaux ! Tout ça rend chaque nouveau départ différent du précédent ! » Et à dire vrai, je pense que c’est là que se trouve la vraie pomme de discorde au sujet de ce jeu. Je pense qu’effectivement, c’est tout ce système d’upgrades qui peut rendre l’expérience de jeu vraiment diversifiée, stratégique et progressive. Si on y est réceptif, je peux concevoir qu’il devienne très addictif et prenant. Manque de pot, ce genre de trip, ça ne me parle pas – mais alors vraiment pas – du tout.


Moi j’ai l’impression que tout ce jeu ne repose en fait que sur du loot. Ce jeu ne cesse de nous frustrer pour mieux rendre ses récompenses séduisantes. Un tas d’or. Une arme. Un sort. Tout devient une source de fantasme. Chaque partie relancée c’est la promesse, effective ou pas, de tomber sur un truc qui nous arrange au moment où ça nous arrange. L’aléatoire ne fait que décupler cette mécanique, comme c’est le cas au jeu d’argent. Je comprends qu’on puisse aussi se laisser griser par ça, surtout qu’on est dans le cadre totalement inoffensif d’un jeu vidéo, mais moi, dans toute cette histoire j’ai l’impression d’être un pigeon dans l’expérience de Skinner. Et je n’aime pas être pris pour un pigeon, même dans le contexte d’un jeu inoffensif.


Alors du coup, au moment de faire le bilan, j’avoue que j’ai vraiment beaucoup de mal à tirer quoi que ce soit de positif de ce jeu. Le pire c’est que je peux totalement comprendre ceux qui y trouvent totalement leur compte. D’ailleurs « Dead Cells » a été pensé pour ces gens là et – au regard du succès qu’il rencontre – il l’a été formidablement bien. Seulement voilà – et c’est toute la difficulté d’avoir à s’exprimer sur une œuvre qui n’a pas été formatée pour vous – moi je ne peux le considérer comme un bon jeu. Plus j’avançais et plus je vivais mon expérience ludique comme une vraie purge. L’honnêteté m’oblige à dire les choses comme je les ai ressenties et surtout pourquoi je les ai ressenties ainsi. A mon sens, chacun est légitime dans son approche de ce titre, qu’il s’agisse de ses adorateurs comme de ses détracteurs comme moi. Et d’ailleurs, si vous n’avez pas encore joué à ce « Dead Cells » et que vous hésitez à vous l’acheter, moi je serais vous, je me poserais d’abord la question de savoir dans quel camp je m’identifie le plus…

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le 23 août 2019

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