On pourrait reprocher plein de choses à ce jeu. Pourtant j'ai accroché comme pas permis.
Les points négatifs sont nombreux, et nombre de joueurs n'accrocheront pas à cette aventure surréaliste. Pourtant, Deadly Premonition est une merveille dont il faut percer la coquille pour pouvoir réellement apprécier l'expérience de jeu. Je dirais même qu'il est l'archétype du jeu à petit budget, fait par une équipe réduite, mais que faute d'argent on se rattrape sur les idées. Ce jeu, initialement appelé Rainy Woods, est sorti en Europe et aux Etats-Unis uniquement sur Xbox 360, c'est sur cette version que cette critique se base.



Tu sais Zach, je crois que j'ai une nouvelle enquête...



L'histoire du jeu est très complexe, mais commence ainsi : une femme est retrouvée morte crucifiée et accrochée à un arbre par deux enfants dans une forêt non loin de la ville de Greenvale. ce qui frappe dès le départ, c'est que cela ne semble pas les choquer outre mesure, préférant s'attarder sur une jolie coccinelle...
L'agent du FBI Francis York Morgan est dépêché sur place pour enquêter. Alors qu'il est en chemin, l'image fugace d'une dame blanche ( spectre de femme pouvant apparaître sur les routes la nuit), lui fait perdre le contrôle de son véhicule. Il va devoir rejoindre Greenvale à pied...
Et là, tout change. L'ambiance devient ethérée, malsaine. York traverse la forêt, mais une foret remplie de monstres, pour un peu on se croirait dans Silent Hill, dont le jeu semble beaucoup s'inspirer. Le joueur, lui participe cela, et ressent quelque chose de glauque, beaucoup plus qu'en ayant joué à Resident Evil, dont le jeu tire aussi beaucoup de points communs et pas forcément les meilleurs. En effet, lors de cette première séquence, on pestera contre l'impossibilité de tirer en avançant, d'avoir un York raide, dans des espaces confinés, des portes à ouvrir, et à récolter quelques objets. Sans compter le tir aux zombies à la chaine ( bien que les monstres ressemblent plus à ceux que Silent Hill), avec les munitions infinies, et des dollars pour chaque ennemi tué. Heureusement il y a une aide à la visée, et ça rapporte plus dans la tête... Pas très excitant tout ça...
Puis, lorsque ça devient plus ouvert, on se dit qu'esquiver plutôt que de tirer, ça vaut mieux. Jusqu'à tomber sur un être tout de rouge vêtu, aux yeux brillants, qui va tenter de tuer York... Et c'est ce qui risque de se passer si vous n'esquivez pas son coup en appuyant dans les temps sur la touche indiquée! Puis tout redevient calme, il est 6 heures du matin et le jour se lève. York arrive au bord d'une route. Là bas, près du pont, l'attend une voiture de police...



Bon sang, tu sais où je suis tombé, Zach ?



Je vous ai décrit grosso modo comment se passe le prologue. Il est essentiel car c'est lui qui déterminera surement votre degré d'accrochage du jeu. Le contact est rugueux, dur, le jeu nous ramenant techniquement vers le début des années 2000, c'est dire. Et pourtant on a rien vu de l'histoire. Et pendant la scène, lorsqu'on admire les décors, on ne peut s'empêcher de se dire que ça aurait pu être beaucoup mieux, notamment au vu des noms qui y ont collaboré, ayant à leur actif Resident Evil, Silent Hill et même Parasite Eve...
Ce qu'on oublie de préciser, c'est qu'ils étaient relativement peu pour faire ce jeu, et qu'il a commencé en 2004 sur PlayStation 2. SWERY a du porter le projet à bout de bras pour qu'il aboutisse. Cela n'a pas été facile donc.



Tu as vu l'aspect repoussant du jeu ?



Les graphismes ne font pas honneur à la 360. Le jeu scintille est bourré d'aliasing, à tel point que je me dis que même Shadow of Memories sur PS2 datant de 10 ans était mieux réalisé. Seuls les visages s'en sortent honnorablement, ainsi que certains effets, malgré des incohérences graphqiues parfois flagrantes. Par exemple, il ne sera pas rare, au crépuscule, de voir des bagnoles avec les phares arrière éteints... Les monstres semblent tirés tout droit de Silent Hill ou d'un Parasite Eve, il n'y a pas eu beaucoup d'imagination de ce côté là. Seul le tueur à l'imperméable offre un peu d'originalité et encore pour moi il me rappelle Pyramid-Head... Si pour l'originalité des monstres, on repassera, ainsi que sur la réussite technique du soft, il faut toutefois reconnaitre qu'il ya une certaine démarche artistique : Greenvale semble entourée d'un halo de lumière assez particulier, conférant au lieu une atmosphère singulière, d'autant qu'il y pleut beaucoup, bien que le jeu gère cela de manière assez aléatoire, contrairement au temps qui passe. Cela n'est toutefois pas anodin, vu que le projet s'est appelé pendant son développement Rainy Woods. On notera aussi une traduction des sous-titres lors des dialogues TRES approximative : les textes comportent des fautes, ou sont sous-traduits. Mais au moins le jeu est compréhensible pour ceux qui font une allergie à l'anglais.
Mais un gamer digne de ce nom ne s'arrête pas aux graphismes...Ca tombe sous le sens, non ? non ? bon... Si Et, pour les âmes sensibles, sachez que le jeu donne dans le gore parfois sordide.


Ce qui permet aussi de dire que le jeu a une ambiance particulière, c'est l'ambiance sonore dont est habillé le titre. Certes, il y a globalement assez peu de musiques, et on garde les meilleures pour la fin du jeu. Il faut cependant reconnaître qu'elles sont admirablement composés, allant du thème léger à l'air plus dramatique lors de certaines phases. Les voix ont bénéficié de doublages anglais de bonne facture, cependant, les bruitages sont assez peu nombreux. On regrettera aussi un mauvais échantillonnage entre musique et voix, les musiques étant parfois tellement fortes que les voix sont à peine audibles.


Le game system du jeu est assez complet. En gros, le jeu se découpe en deux phases : la phase d'enquête et la phase d'action. la phase d'enquête se déroule, en général lors de la journée : Lorsque York se lève, il doit soit se rendre au poste de police local, pour avoir les dernières informations de ses collaborateurs, qui sont le Shérif du comté, George, et Emily, son adjointe. Vous devrez vous rendre à différents endroits pour faire avancer votre enquête, dans un créneau-horaire donné, comme par exemple l'ouverture de certains magasins ou centres d'accueil. Vous avez une indication permanente de l'heure au dessus de la carte, et il faut savoir que 8 heures de jeu effectif correspondent à 24 heures complètes dans l'histoire. Rien ne vous empêche de vous rendre au lieu de rendez-vous avant l'heure, ou d’enquêter et de recueillir des indices chez les commerçants ou les habitants. York est cependant plus ou moins bien vu selon les habitants,et même ses collègues de travail se méfieront de lui au départ, de ce mec envoyé par le FBI alors que Greenvale est une ville tranquille. Greenvale étant une ville étendue mais ayant perdu les 4/5èmes de ses habitants, elle regorge de lieux abandonnés, disséminés un peu partout, et c'est donc en voiture que vous ferez vos déplacements. Mais attention, pas question d'agir comme un voleur : vous ne pourrez prendre que les voitures de police, aller à 50 miles à l'heure maximum, et dispose d'une jauge d'usure et de carburant : si vous accidentez trop la voiture, il vous faudra en chercher une autre. En cas de panne d'essence, vous devrez soit la pousser à la station essence la plus proche, soit continuer à pied. mais ces balades tranquilles permettent d'entendre York parler de ses goûts en matières de films ou de musique, avec de vraies références dedans. C'est surtout le soir ou lorsque le temps est à l'orage que les choses se compliquent : En général, une fois rendu sur place, York se retrouve dans une autre dimension, hors du temps pour l'exploration de certains lieux, qui seront infestés de zombies. Notre agent pourra se servir des armes et même en trouver des plus puissantes que son pistolet de base. Cependant, l'arme de base a l’avantage d'avoir des munitions infinies, les autres ont soit des munitions limitées, soit des barres d'usure pour les armes blanches. Les bâtiments se transforment alors en des lieux glauques, hantés, dont certaines portes sont prisonnières de vigne rouge, qui ne se débloqueront que si vous résolvez certaines énigmes, certaines d'entre elles devant être accomplies en un temps limité, sous peine, très souvent, de mort. Heureusement, le jeu dispose de checkpoints d'où vous reprendrez après un échec. Il y a aussi pas mal de monstres, les zombies détectant votre présence au moindre bruit, à moins de retenir sa respiration, mais dans ce cas, la jauge d'endurance de York commencera à monter petit à petit, et si elle arrive au maximum, il se fera tout de même repérer. Vous pouvez aussi choisir de sprinter et de les esquiver, mais dans les endroits très confinés, c'est parfois difficile. D'autant que certains spots sont des endroits infinis de respawn des monstres : vous aurez beau tirer, les tuer, même si cela ajoute des dollars pour acheter des vivres, il continueront de venir. Vous n'avez pas intérêt à vous faire toucher, si c'est le cas,vous devrez remuer le stick analogique gauche pour vous défaire de l'étreinte, qui persistera jusqu'à votre mort si vous ne faites rien. Problème : comme je l’ai déjà dit, York ne peut pas tirer et se déplacer en même temps. Il est d'ailleurs assez raide, ce qui peut poser problème. D'autant que vous devrez gérer aussi la faim et la fatigue de votre agent. Les dollars récoltés servent en grande partie à acquérir des objets pour se nourrir, certains aliments coupent la faim, de façon plus ou moins importante, d'autres font remonter la jauge de fatigue. On peut aussi gérer la propreté de York. Il devra se raser et changer régulièrement de costume, sinon, s'il est trop sale, il aura des mouches autour de lui. Mais la propreté est plus anecdotique, cependant. On peut trouver des pièces sures dans les différents lieux, ne contenant aucun monstre. En général, il y a un téléphone pour sauvegarder la partie, un sofa pour se reposer et vous pourrez vous changer. Attention toutefois, dormir augmente la faim, et vous récupérerez plus ou moins de santé selon la durée que vous choisissez. C'est dans les phases d'exploration qu’apparaîtra aussi le tueur à l'imperméable qui vous traquera sans relâche. La scène est filmée selon différents points de vues, et vous devrez soit effectuer des QTE en appuyant sur les bons boutons au bon moment, soit vous cacher. Ratez une seule fois, soyez découvert et c'est la mort. Toutefois, ces phases ne sont pas sans but : Elles permettent à York de récolter des preuves matérielles et de faire un profilage. Vous aurez en général, trois indices-clés à découvrir, que vous ne pouvez pas manquer. Le tout donnera l'intégralité d'une scène sanglante, décrivant un meurtre. Il est dommage cependant que les véritables " boss" ne surviennent que vers la fin du jeu. Cependant, c'est lié à l'histoire elle-même, ce qui permet d'expliquer les choses.
Bref, il y a de bonnes idées dans le gameplay, mais beaucoup seront déroutés et découragés par le fait que le maniement de York nous renvoie au temps des premiers Resident Evil. Le manier dans les escaliers est une horreur.



Un scénario inspiré de Twin Peaks, pour le meilleur



Le jeu ne séduit pas par sa technique, son gameplay dispose de bonnes et de mauvaises idées, que lui reste -il donc pour convaincre, qu'est ce qui fait que j'y ai accroché ? Deadly Premonition vaut pour son histoire, absolument extraordinaire. Sans doute un des meilleurs scénarios -hors RPG- jamais conçus pour un jeu de type survival horror. D'une complexité et d'une maturité rarement atteinte, bien que sanglante, le jeu n'est pas avare en twists et certains vous surprendront vraiment. Le mieux, c'est que le tout reste parfaitement cohérent et bourré de références cinématographiques. je dirais même plus : l'histoire implique le joueur. A plusieurs reprises, notamment en fin de chapitre, ils vous sera demandé de faire le point sur l'enquête et de trouver la bonne réponse par rapport aux évènements passés, ou de prendre une décision pour décider de la suite. Parce que dans ce jeu, en réalité, on incarne pas York lui-même, mais...Zach, à qui York fera souvent référence et cette double personnalité et la relation de l'agent du FBI avec son "ange-gardien" est également un point clé du scénario. Il faut aussi noter la galerie de personnages de cette ville, ayant tous une personnalité propre, si certains correspondants aux clichés typiquement américains, d'autres pourront surprendre, comme le milliardaire en fauteuil roulant et masque à oxygène parlant à son majordome qui vous retranscrira ses paroles ( syndrome "Leonardo/prince du Qatar" sans doute...) , mais tous ont une construction profonde, naviguant entre raison et folie,même les enfants.


La durée de vie est longue pour un jeu de ce genre : comptez au minimum une bonne vingtaine d'heures pour conclure les 6 épisodes et 26 chapitres dont est composé le jeu, cela sans compter les petits à-côtés, comme pouvoir aller à la pêche, et ce ne sont pas les poissons qui manquent, en allant en ligne droite,si vous traînez tout de même un peu comptez le double.



C'est bien beau, mais t'en penses quoi de tout ça, Zach ?



Son apparence a tout pour déplaire : moche, peu jouable, peu de musiques, en retard techniquement, offrant parfois un gameplay vieux de 10 ans, Deadly Premonition n'est surement pas le jeu qui va attirer l'oeil du joueur. En France, il a également été vilipendé par une partie de la presse spécialisée, cette dernière ne s'étant arrêtée qu'à l'aspect technique du jeu. Or, son but n'était clairement pas d'être tape à l'oeil. Deadly Premonition surprend, par ses phases de jeu multiples, par son ambiance, sa volonté artistique à défaut d'être technique, et surtout son histoire,cohérente qui vous surprendra plus d'une fois, pour peu que vous preniez le temps de vous y plonger. Mais ce jeu, dont la beauté est intérieure, se fait rare et dont la référence la plus évidente est la série Twin Peaks. Beaucoup sont passés à côté de ce qui restera à coup sur comme une perle oubliée de cette génération. Cependant , SWERY n'a pas caché qu'il travaillait sur une version remastérisée, avec des graphismes plus propres et dignes des supports sur lesquels il tourne, le jeu existant aussi sur PS3 au Japon. Et pourquoi pas, une suite...

Créée

le 24 sept. 2012

Modifiée

le 24 sept. 2012

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Julius

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