Dear Esther
6.1
Dear Esther

Jeu de The Chinese Room et Curve Digital (2012PC)

Mon propos ne va pas être ici de parler de ce qu'il y a dans ce jeu, mais plutôt de ce qu'il n'y a pas.

(Bien entendu cette phrase en elle-même est juste là pour faire classe, parce que bon je pourrais bien dire que Dear Esther ne comprend pas d'hippopotames, de séquences en Finlande, de jus de tomate, etc, et on n'en sortirait jamais. En plus il va bien falloir que je parle un peu de ce qu'est ce jeu, malheureusement. C'était bien la peine de commencer avec une accroche pareille.)

Dans Dear Esther, on incarne un personnage qui débarque sur une île anglaise désertée, apparemment pour faire le point sur son passé. En explorant peu à peu l'île, qui devient de plus en plus étrange, ce passé se dévoile grâce aux pensées du héros-narrateur. Et c'est tout. Pas de combats, pas d'énigmes, pas de séquence de plate-forme, pas même de vrai game over. Le jeu consiste juste à faire le tour de l'île en écoutant notre personnage parler.

L'ambiance est très réussie, tant au niveau des graphismes que de la musique. Le début du jeu m'a rappelé mes promenades dans la campagne anglaise (la note est en grande partie liée à ça, j'avoue), et la seconde partie du jeu a un côté symbolique digne des meilleurs Silent Hill (mais le jeu n'est pas vraiment effrayant, malgré la présence de quelques éléments un peu glauques ça et là).

J'en viens maintenant à ce que j'abordais en introduction, à savoir les éléments absents du jeu, et ce que paradoxalement ils y apportent.

Tout d'abord, l'absence physique de personnages. Le jeu étant à la première personne, on ne voit jamais à quoi ressemble le héros. Il évoque dans ses monologues quelques autres personnages (notamment la fameuse Esther du titre), qu'on ne verra jamais non plus. Non seulement ça renforce assez bien le sentiment de solitude et de perdition sur cette île, mais ça a un autre avantage, visuel celui-ci: pas de présence physique des personnages, équivaut à pas de représentation de ceux-ci à travers le moteur du jeu, équivaut à pas de rendu visuel et d'animations qui paraîtront dépassés dans deux ans. Les décors sont certes représentatifs de l'époque de la sortie du jeu (avec ce que ça implique, notamment la végétation en bitmap et quelques textures un peu crades quand on zoome de trop près), mais celui-ci vieillira sans doute beaucoup mieux que nombre de ses contemporains.

Ensuite, l'absence de réel gameplay. Beaucoup ont critiqué ce point, pour moi c'est un avantage. On voit beaucoup de jeux "arty" qui ont tendance à plaquer des éléments de gameplay artificiels sur ce qui est censé n'être qu'une expérience, ceux-ci détournant finalement de l'expérience en tant que telle. Pas de gameplay signifie pas de mauvais gameplay, et donc une meilleure immersion dans l'ambiance.

Enfin, la faible durée de vie du jeu. J'ai vraiment pris mon temps à détailler tous les cailloux, et j'ai dû le finir en trois heures (la durée de jeu que m'indique Steam est d'une minute, à mon avis le chronomètre a dû profiter de ma partie pour aller faire la sieste). Cela dit je ne trouve pas que ce soit un point négatif. Le jeu est certes court mais il repose sur un concept assez sobre: s'il eût été plus long, il aurait sans doute été chiant au bout d'un moment (et Cléopâtre lui en aurait voulu de changer la face du monde à la place de son nez). Certains objecteront que dix euros - prix usuel du jeu au moment où j'écris ces lignes - c'est un peu cher pour trois heures de jeu, voire moins, parce que je joue quand même très lentement. Je leur répondrai qu'il est possible d'attendre une promotion pour acheter ce jeu, de le pirater, ou tout simplement d'ignorer Dear Esther. Le prix du jeu est à mes yeux un facteur totalement étranger à la qualité intrinsèque de celui-ci.

Bref, j'ai trouvé que ces quelques heures de balade anglo-mentale n'avaient besoin de rien de plus pour être intéressantes.
Melusca
9
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le 18 juin 2012

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Melusca

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