La mémoire est parfois sélective : j’avais totalement oublié que Digimon faisait partie de mon enfance, coincé quelque part entre un album Panini et la conviction qu’un monstre numérique qui parle est forcément plus cool qu’un Pikachu condamné à répéter son nom toute sa vie. Puis, vingt ans plus tard, Digimon Story Time Stranger est apparu dans ma bibliothèque Steam — offert par un ami, preuve que certaines personnes vous veulent encore du bien. Ni une ni deux, j’ai lancé le jeu, histoire de vérifier si la licence avait évolué depuis l’ère courageuse où elle tentait de faire tourner un RPG sur une PlayStation qui toussait déjà à la moindre cinématique.
Premier bon point : les doublages japonais. Rien de tel qu’un Agumon qui hurle comme s’il jouait dans un drame historique pour vous rappeler pourquoi on aime ce média. Après quelques menus cadeaux balancés dès l’ouverture (merci, édition spéciale dont je n’ai rien à faire), je choisis mon avatar. Dan ou Kanan. J’ai pris Cana, évidemment : quitte à sauver le monde numérique, autant le faire avec style.
Puis vient le choix du premier Digimon : Patamon, DemiDevimon ou Gomamon. Appel à la nostalgie, j’ai pris le phoque. Et me voilà projeté dans un système de combat au tour par tour qui fait exactement ce qu’on lui demande : des résistances, des faiblesses, des compétences qui claquent un peu, un mode auto pour les jours de flemme, et surtout un multi-exp activé d’origine. Merci, vraiment. Si je voulais grinder pendant huit heures, je lancerais un MMO coréen.
Le jeu ajoute quelques idées maison : fusion de Digimon, arts croisés où votre avatar dégaine un pistolet numérique (parce qu’il fallait bien un truc clinquant), et compétences d’agent qui transforment votre équipe en petit club de soutien psychologique. Chaque Digimon a son caractère, ses humeurs, et parfois des voix si étranges qu’on se demande si un stagiaire n’a pas enregistré ça dans un placard.
L’exploration est plutôt agréable, entre attaques préventives, régénération automatique et ennemis visibles, même si les murs invisibles sont tellement agressifs qu’on soupçonne l’équipe de développement d’avoir un abonnement premium chez "Mur Invisible Unlimited". Tokyo est divisé en petites zones, mais reste suffisamment crédible pour donner envie d’y traîner dix minutes avant de filer vers l’Entre-Monde.
Ah, l’Entre-Monde : ce hub qui ressemble à un stockage cloud géant où l’on gère ses Digimon comme des Tamagotchi sous stéroïdes. Digi-Ferme, donjons d’XP, boutique, gestion… rien ne manque. Puis arrive enfin l’Iliade, nom pompeux du Digimonde, où le jeu lâche les chevaux et propose des environnements variés, souvent plus inspirés que ceux de bien des Pokémon-like qui pensent qu’un arbre cubique suffit à faire un biotope.
Côté direction artistique, Digimon continue d’écraser la concurrence : les créatures ont du caractère, parlent, réagissent, et ressemblent à autre chose qu’un croisement entre un chiot et une idée marketing. On en recense environ 475, histoire de remplir vos soirées pendant trois ans. La conversion remplace la capture : on bat des Digimon pour monter un pourcentage, puis on les matérialise. Simple, efficace, et surtout moins humiliant qu’une Pokéball jetée à la figure d’un monstre.
Techniquement, rien à dire : ça tourne parfaitement sur PC comme sur Steam Deck. Rien ne chauffe, rien ne rame, rien ne vous insulte. On aimerait en dire autant du rythme narratif : le jeu parle beaucoup. Beaucoup trop. Et les personnages humains ont le charisme d’un manuel de sécurité incendie.
Comparé à Pokémon Z-A, Time Stranger s’en sort largement mieux : plus beau, plus varié, mieux doublé, mieux animé. Certes, la barre n’était pas haute, mais saluons l’effort. Pokémon reste prisonnier d’Illumis ; Digimon, lui, vous balade d’un monde à l’autre sans complexe.
Digimon Story Time Stranger a été pour moi un vrai retour aux sources, mais aussi une belle surprise moderne. Entre un système de combat maîtrisé, une direction artistique solide, une exploration variée, une quantité de contenu impressionnante et un doublage japonais impeccable, le jeu m’a offert une aventure riche, que j’ai savourée aussi bien sur PC que confortablement installé avec mon Steam Deck. Malgré des dialogues parfois interminables et des personnages pas toujours inspirés, l’expérience générale reste excellente. Pour qui aime les monstres, les RPG japonais, la collectionnite et un univers numérique distinctif, ce Digimon s’impose comme un incontournable… et, à mes yeux, un meilleur Pokémon-like que Pokémon lui-même sur bien des points.