Dishonored 2
7.7
Dishonored 2

Jeu de Arkane Studios et Bethesda Softworks (2016Xbox One)

Un gameplay fascinant, un monde viscéral (ou est-ce l'inverse?)

Dishonored 2 est pour moi un chef d’œuvre, et probablement un des meilleurs jeux vidéo auquel j'ai eu la chance de jouer. Maintenant que cette lapalissade a été énoncé (eu égard de la note donnée), attardons nous sur le pourquoi.


La première chose qui me fascine dans ce jeu est son univers et la manière dont il a été construit, et je vais devoir parler du premier opus, pour expliquer pourquoi le second est si fin au niveau de sa construction propre. Le premier jeu s’attardait sur une histoire, avec au final, assez peu de surnaturel. Il s’agissait en effet, juste d’un coup d’état ce qu’il y a de plus classique dans une monarchie parlementaire inégalitaire, qui devient petit à petit une dictature féroce. Le premier du nom ne se concentrait qu’assez peu sur le personnage principal, laissant le loisir aux joueurs de découvrir le monde qui s’offrait à eux de manière impartial. C’était là, à mon sens, un très bon choix le joueur pouvant, selon leur bon vouloir, explorer ou pas le monde compris entre gigantisme de la révolution industrielle et inégalités sociales faisant tristement écho à notre propre monde, le tout saupoudré d’un brin de fantastique. Pour résumer le joueur découvrait le monde de manière « impartiale », sans être influencé par une voix off commentant ce qu’il voyait. Chaque joueur a donc pu se faire une idée de ce qu’était le monde sans avoir le filtre du personnage principal. Pour le deuxième, le choix inverse a été fait et c’est encore une très bonne idée, car le monde est désormais connu des joueurs. Le deuxième va donc beaucoup plus s’attarder sur les personnages qui sont donc désormais doublés (et quels personnages, j’y reviendrai). De même, si le premier (hors DLC) restait beaucoup plus sobre en matière de magie, se contentant juste d'introduire quelques personnages ayant la capacité de manipuler la magie, l’histoire en toute objectivité aurait pu se passer de surnaturel (l’assassinat aurait pu être réalisé par un assassin des plus classiques). Bref Dishonored 1 se concentrait sur le côté politique du monde, expliquant de manière subtile les arcanes du pouvoir de l’empire des îles, en particulier le système politique de Gristol. Dishonored 2 peut lui aller beaucoup plus loin dans l’exploration du volet « magie » de l’univers sans devenir l’un de ces univers de fantasy insipide qui pense que tout miser sur la magie, fera un univers crédible, on connait déjà relativement bien la politique de l’empire des îles. Cependant, malgré cette facilité, Dishonored 2 ne délaisse pas pour autant la politique de son univers propre, quoi qu’une explication claire sur les structures étatique de Serkonos ait été bienvenue. Les mêmes recettes narratives, étoffant non pas l’histoire principale mais l’univers gravitant autour, qui marchaient déjà dans le premier ont été conservé (les dialogues entre gardes, les innombrables bouquins dont certains tirés directement du premier opus, des indices subtiles sur la nature du monde comme les charmes d’os qui son bleu scintillants exactement comme l’huile de baleine...). L’univers de Dishonored a donc été construit de manière intelligente, et pour moi, rôliste de la première heure, un univers crédible, fascinant et beau est un des éléments les plus importants de n’importe quel œuvre fictionnel.


Car en plus oui, l’univers est superbe et les graphismes, à certains moment, presque toonesque (cet aspect est moins prononcé dans le 2), marche encore une fois extrêmement bien. Les lieux visité sont beaux, et le background de la ville (ici Karnaca) qui était déjà très bien pensé et cohérent dans Dishonored, devient ici proprement superbe. De mission en mission, on va dans d’autres parties de la ville, ce qui nous offre des perspectives différentes à chaque fois sur la ville dans sa globalité. Comme dans Dishonored 1, l’ambiance générale de la ville est très bien retranscrite avec dans ce cas-ci, une ambiance plus méditerranéenne, presque cubaine, qui si elle change radicalement de l’ambiance plus froide de Dunwall, nous laisse le sentiment profond que Karnaca et Dunwall se trouve bien dans le même univers. Cependant Dishonored 2 a réussi à faire quelque chose qui manquait parfois, 15 ans plus tôt, c’est-à-dire proposer à la fois une ambiance générale marquée et une ambiance souvent viscérale propre à chaque mission. Je vais citer 2 missions qui m’ont à titre personnel vraiment marqué en termes de retranscription d’ambiance. Une des missions s’attarde sur un institut, glauque, presque vide et réputé hanté, j’ai personnellement ressenti cette ambiance si particulière de maison de fou envahie par les fantômes


(alors qu’elle n’en compte pas un seul).


En particulier, en visitant les derniers étages presque vidé de tous ses gardes. Gardes qui discutent d’ailleurs entre eux, du fait qu’ils vivent dans un endroit qu’ils perçoivent comme hanté.


Une autre mission de situe dans un manoir surnaturel hors du temps, on peut d’ailleurs changer d’époque et revenir 3 ans plus tôt (ce qui en terme de gameplay, est d’ailleurs, aussi génial qu’original). Cette mission est donc bien particulière, 2 ambiances se superposent, celle d’un manoir aussi superbe que bien gardé (le passé) et celle d’un manoir délabré peu rassurant (le présent). Si cette ambiance est si spéciale, c'est notamment parce qu'on se rend bien vite compte qu’on est moins en sécurité dans la partie non délabrée et toute propre, que dans le vieux manoir creepy. Joli tour de force donc


. Dernière mention spéciale à un bâtiment qui réussit à être moderne, sans être en décalage total avec le reste du monde (les personnes ayant joué comprendront sans problème). Pour résumer ce paragraphe, cette ville vit respire et a sa propre ambiance, il s’agit comme dans le premier, d’un personnage à part entière.


Dans le registre des personnages, j’avouerai directement être moins dithyrambique que pour les 2 paragraphes précédents (bon ceci dit j’ai quand même mis un 10 < 3). Je vais aller droit au but, la place de Corvo en tant que protagoniste, dans Dishonored 2 me laisse vraiment perplexe. Pas que ce dernier soit mal doublé ou mal pensé, je trouve juste que de nombreux points de l’histoire qui sont cohérent en jouant avec Emily, ne le sont plus forcément en jouant avec Corvo (tiens si on enfermait un gars qui a fait 2 coups d’état en une semaine dans un appartement avec des fenêtres ouvertes et 2-3 gardes maladroit). Je pense aussi qu’initialement l’histoire a été pensé pour être celle d’Emily Kaldwin. Ils auraient du mieux adapter l’histoire pour que la place de Corvo soit plus cohérente (attention je ne parle pas de grosses incohérences mais de petite chose relativement inacceptable pour un jeu de ce niveau). Pour le reste, les personnages sont vraiment presque tous réussi, en particulier notre impératrice qui a grandie, mais à pourtant gardé sa fougue et son intérêt pour le moins tiède pour les affaires impérial. Beaucoup de personnages se retrouvaient déjà dans Dishonored 1, et sont donc projetés 15 ans plus tard, on y retrouve ainsi un Sokolov âgé, qui a pu évoluer, devenant bien plus humain que dans le premier jeu. Un autre personnage du DLC revient plus intéressant qu’avant, et démontrant, une fois de plus, à quel point le mot rédemption, est un mot fort. Pour rester dans les DLC, je trouve le personnage de Delilah extrêmement intéressant. Que dire sinon que ce personnage est crédible, et aussi touchante, qu’inhumaine. Ce qui m’a particulièrement plu est la relation malsaine entre Delilah et Emily. C’est subtilement distillé, mais je soupçonne que les sentiments de Delilah pour Emily ne soit pas uniquement constitué de haine, je soupçonne que quelque part, il y ait une sorte d’amour filliale.


Notamment cette scène où elle attire Emily pour lui montrer à quel point c’est une pauvre victime, et à quel point Jessamine est un monstre de cruauté. Juste après avoir utilisé le cœur contre elle, Emily se retrouve à ses pieds et Delilah lui demande de la suivre dans son monde fantasmé au lieu de la tuer (Ces 2 scènes perdent d’ailleurs beaucoup de leur intérêt en jouant avec Corvo).


Du coup ce personnage n’est pas motivé tant par le pouvoir que par une sorte de revanche malsaine autodestructrice. Ce personnage respire la haine, la tristesse et la colère de manière viscérale. D’autres anciens personnages sont cachés dans les décors presque comme des easters egg, notamment Piero et Daud (sur un portrait) et en quelque sorte Granny rags. Quant aux nouveaux personnages, ils sont intéressants et participe à l’ambiance très cubaine de la ville. Notamment Paolo sorte de révolutionnaire occulte, désirant le changement de manière brutale, ou Luca Abele qui incarne à la perfection un dictateur sanguinaire et bouffon comparable à Idi Amin Dada. L’Outsider est toujours aussi fascinant, bien que légèrement différent, comme quoi, lui aussi évolue (son niveau de sarcasme est bien plus violent, comme si une partie de lui avait changé, à moins bien sûr qu’il ne s’agisse d’un simple détail). Une autre partie propre aux personnage sont leurs voix les doubleurs nous vendent du rêve ! Mention particulière à Vincent D’Onofrio (qui avait déjà fait un superbe boulot dans la série Daredevil) et à Robin Lord Taylor (Le très bon pingouin dans Gotham), sans qui les personnages du duc et de l’Outsider n’aurait pas su prendre vie de manière si viscérale.


Pour le moment, j’ai parlé de cet œuvre comme j’aurais pu parler d’un livre, d’une série ou du jeu « The Order 1866 ». Or une des dimensions les plus importantes de ce jeu est son gameplay viscéral et la liberté laissée aux joueurs qui a su garder les bonnes idées du premier et en rajouter de nouvelles. En effet les pouvoirs sont encore mieux que dans le premier, tant pour Corvo qui revient avec son pouvoir complètement infâme d’arrêt du temps et de possession, que pour Emily dont les pouvoirs sont aussi extrêmement jouissifs, citons notamment Domino et Far reach. Les pouvoirs sont combinables entre eux et les abilités, comme la création de charme d’os, ouvrent encore plus d’opportunités. L’équipement est intéressant mais passe clairement au second plan tant les pouvoirs et les abilités sont excessivement GENIALE. La créativité est récompensé, dans la manière de faire des kills (ou pas), mais aussi dans la manière d’aborder le level design, les chemins les plus évidents étant rarement les plus intéressants. Le level design laisse toujours de la place à la découverte et à une certaine dose d’improvisation ou au contraire à une planification poussée. Les murs invisibles sont moins prononcés que dans le premier et les niveaux globalement beaucoup plus grands, ce qui est un point positif plus que bienvenu. La durée de vie est donc amélioré, tant par l’univers plus vaste que par le fait qu’il y ait deux personnage jouables et plus de manière de jouer (notamment avec un mode sans pouvoir qu’il me tarde d’essayer). En effet, Des techniques de combat supplémentaire ont été ajoutées à la panoplie déjà importante que nous offrait le premier opus. Notamment la possibilité de mettre un ennemi chaos en plein combat en ne le tuant donc pas. Le chaos est donc naturellement resté, mais les développeurs ont de par cet ajout, put rajouter l’axe de la discrétion, et franchement, se faire une partie en assaut non létal, ça n’a pas de prix. On peut cependant regretter que l’axe bourrin/furtif ait un impact si négligeable sur l’histoire.


L’histoire, parlons-en brièvement. Elle me plaît personnellement beaucoup de par la force de ses personnages (notamment les relations de certains personnages comme expliqué précédemment) mais aussi par le fait qu’elle permette de découvrir d’autres facettes de l’univers. On pourrait cependant lui reprocher d’adopter une structure globalement similaire à Dishonored 1, et c’est vrai, l’histoire à une structure semblable à celle du premier. Certes Dishonored devient une licence, et ça ne me pose pas de problème qu’ils aient adopté ce genre de continuité dans la structure du deuxième, cependant, j’espère que le 3éme aura une démarche narrative plus recherchée. Enfin j’apprécie particulièrement que cette histoire ait été construite autour de personnages féminin forts (Corvo ayant beaucoup d’intérêt de par son gameplay, mais n’a que peu très peu d’intérêt narrativement). De plus, que des développeurs créant un FPS, genre ou le meutre est banale, rappel que non la violence à des conséquence je trouve ça positif. ça change totalement de ce qui se fait habituellement dans d’autres FPS, ou le meurtre n’a souvent quasi aucune implication sur le jeu. Ça fait aussi plaisir de voir un FPS avec un propos certes voilé, mais bien présent, de voir un personnage aussi auto destructeur que Delilah qui a pourtant tout ce qu’elle désire mais qui n’arrive pas à être heureuse, de voir la dénonciation à peine voilé des inégalités sociales, de voir que ces dernières ont pu engendrer un monstre tel que Delilah. Tous ces éléments, montrent bien que les personnes ayant créé ce jeu ont des opinions fortes, et qu’ils savent néanmoins les partager de manière subtile. Bref, Dishonored 2 fait partie de ces jeux, comme FF7 ou Shadows of the Collossus, qui font qu’à titre personnel, je pense qu’on peut, sans hésitations, dire que le jeu vidéo comme le cinéma ou la littérature, est une forme d’art... poussé ici à son paroxysme.

Nicolas_Otter
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le 22 nov. 2016

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Nicolas Otter

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