Nouvelle session de rattrapage sur Playstation 4 avec un jeu de la génération précédente réédité pour faire rentrer un maximum de fric en vue de financer la fin du développement du second volet. C’est malgré tout une très bonne occasion pour les joueurs à la traîne de s’essayer dans les meilleures conditions au jeu de l’année 2012, selon un large panel de sites et magazines spécialisés.


Y’a-t-il un intérêt à jouer à ce jeu, aujourd’hui, si on a raté le coche à sa sortie ? Assurément, oui.


Car si Dishonored et, à travers lui, le studio de développement français Arkane Studios frappent juste et de manière chirurgicale, c’est sur la liberté offerte au joueur pour appréhender chaque situation. Sans chercher à faire le compte, toute salle/mission/situation offre plusieurs manières de l’appréhender. Au-delà de l’opposition habituelle entre approche burnée et discrète, le jeu laisse le joueur libre d’expérimenter et de trouver des chemins de traverse pour attendre son objectif. Nul besoin de lui indiquer un chemin à suivre quand, finalement, tous mènent à la destination souhaitée. C’est particulièrement habile puisque le joueur ne se sent jamais prisonnier ou forcé.


Il convient toutefois de nuancer un peu le propos car, si la méthode est libre, le level design n’a rien de renversant. Les zones restent finalement très petites et on ne se détourne quasiment jamais de son objectif. Il y a toujours un bâtiment ou deux à aller visiter sur le côté, mais il n’y a rien à y faire d’autre que trouver quelques objets/livres/runes. Ce n’est donc que du bonus, qui n’intéressera que les partisans du 100 %.
Qu’il n’y ait pas de malentendus, le level design est plus inspiré que dans la plupart des jeux, très orienté sur la verticalité, mais il ne compense pas la structure rectiligne des niveaux. Souhaitant probablement donner l’impression d’une progression, chaque niveau est construit sous la forme de segments. Il suffit d’avancer, de rentrer dans un bâtiment par le toit, la fenêtre, la porte ou une bouche d’aération, fouiller le bâtiment, passer au suivant et ainsi de suite jusqu’à terminer le segment pour embrayer sur le suivant. Les niveaux perdent en gigantisme et le jeu rate l’occasion de sortir de la linéarité. Impossible de ne pas y voir un choix artistique contre-productif quand le jeu se voulait être l’ambassadeur de la liberté offerte aux joueurs.


Toutefois, l’approche de chaque objectif laisse suffisamment de marge de manœuvre pour donner l’impression d’être maître de la destinée de Corvo, le personnage incarné. Mais une erreur est rarement rattrapable de sorte que, si l’objectif est de finir le jeu sans être repéré, il conviendra de suivre un chemin particulièrement bien balisé (itinéraire, timing, pouvoirs...).


C’est à la fois la qualité et la carence principales du jeu. Si Dishonored vous offre la possibilité de finir le jeu sans alerter le moindre garde et en ne procédant à aucun meurtre, il s’agira de suivre un chemin bien précis et de procéder à une "élimination" de cible bien particulière. Dishonored frustre autant qu'il satisfait. S’il est appréciable de pouvoir se débarrasser de ses ennemis sans faire couler des litres de sang, la bonne méthode, pensée par les développeurs, n’offre plus aucune marge de manœuvre.


L’approche bulldozer reste alors la plus satisfaisante puisque, comme précisé auparavant, elle offre au joueur sur un plateau de multiples chemins et pistes à suivre. Rien n’empêchera par ailleurs le joueur de tuer tous les ennemis d’un niveau sans que ceux-ci ne le repèrent, en évitant les confrontations massives. Le jeu incite d’ailleurs à éviter les affrontements déséquilibrés qui tournent rarement à l’avantage du joueur, la barre de vie descendant très rapidement.


Le joueur trouvera toujours une manière convaincante d’appréhender une situation, notamment grâce aux aptitudes qu’il choisit de développer une fois suffisamment de runes ramassées. Ceux qui préfèrent éviter les affrontements directs opteront pour le clignement augmenté au maximum (sorte de téléportation), la prise de possession (des animaux et/ou ennemis) ; quand les amateurs de tartinages brutaux en règle opteront pour un ralentissement de temps donnant un net avantage ou encore à une mini tornade désarçonnant les ennemis. Et ceux qui voudront conjuguer un peu tout cela le pourront également.


Un plaisir non feint s’empare donc du joueur qui choisira sa manière de faire et, en cas d’échec, pourra toujours en changer. Il faut bien noter que toutes les méthodes peuvent aboutir. La seule différence réside dans la difficulté puisque les affrontements restent plus "difficiles" à gérer que l’infiltration.
Cette dernière remarque est à relativiser puisque le jeu offre au joueur une artillerie peu commune pour dégommer les gardes : épée, pistolet, arbalète à différents types de projectiles, grenades, mines lacérantes, outils pour pirater les systèmes de sécurité et les retourner contre les ennemis, pouvoirs... Ce système de combat rappelle singulièrement Bioshock et devient rapidement une faille. Après quelques heures et quelques pouvoirs appris, impossible de ne pas survoler le jeu qui devient d’une facilité déconcertante.


L’intelligence artificielle basique des ennemis couplée à cette surpuissance ne rendront pas le joueur fier de sa progression.
L’IA ennemie est vraiment limitée. Les gardes suivent une ronde évidente à retenir, sont souvent disposés de manière à ce qu’il soit aisé de les surprendre, courent comme des idiots vers le joueur une fois celui-ci repéré sans se soucier des pièges... Et il n’y aura aucune difficulté à les contourner si le joueur choisit de les épargner. C’est juste de la chair à canon pour le joueur bourrin.
Des zones moins étirées, plus vastes, avec des gardes moins enclins à nous tourner le dos auraient probablement incité le joueur à plus d’imagination et de folie.


L’autre grande qualité du titre est son univers, transcendé par une direction artistique sidérante qui n’a échappé à personne. Dishonored en devient superbe malgré une technique faiblarde et vieillissante. Le jeu est toutefois fluide en toutes circonstances et cela suffit à le rendre des plus agréables à expérimenter.
À noter toutefois les insupportables temps de chargement, particulièrement longs et récurrents dans les niveaux puisqu’ils séparent chaque segment. S’ils se justifiaient sur les machines de la génération précédente, ils n’ont plus aucune raison d’être sur celle-ci.
De même, un travail plus fourni sur les ennemis aurait été apprécié, ceux-ci étant génériques au possible.


Autre point noir, l’histoire ne brille pas par son originalité et les rebondissements, tous attendus, ne surprendront pas le joueur habitué à pareilles ficelles. Pire, certaines avancées scénaristiques attendues, qui auraient pu être évitées si le classicisme avait été rejeté par les développeurs, donnent parfois lieu à des séquences complètement hors de propos. La septième mission, dans le quartier inondé, est d’une incohérence affligeante et consiste uniquement à retarder l’avancée dans le jeu. Le joueur est totalement sorti de sa course vers l’avant, pour aller récupérer son équipement (comme si on ne nous avait jamais fait le coup) et pour s’occuper du cas d’un personnage, certes important, mais dont on se contrefiche à ce stade de l’histoire.


Les missions ne se valent pas en termes d’intérêt et certaines offriront un véritable déluge de bonnes idées (la maison du plaisir, la dernière fête des Boyle), celles sur lesquelles la promotion avait été axée, quand d’autres seront plus ennuyeuses de par leur classicisme et/ou inutilité (le quartier inondé, donc, mais encore le grand superviseur Campbell).


À noter, au rang des bons points, des doublages français plutôt bons, une ambiance sonore globalement aboutie et la présence de tous les DLC pour ceux que ça intéresse.


Impossible au final de bouder son plaisir devant un jeu qui a décidé de laisser chaque joueur libre d’appréhender les missions à sa manière, sans lui en imposer une.
Dommage toutefois que les phases d’infiltration pure offrent moins d’alternatives que celles orientées action, que les pouvoirs soient complètement craqués, que les ennemis soient si bêtes, que le level design soit si paradoxalement linéaire, et que l’histoire n’offre rien de bien croustillant et captivant émotionnellement. Le potentiel était là, avec un gameplay soigné et un univers intéressant sublimé par une direction artistique aux petits oignons.
Le deuxième volet, à paraître, corrigera peut-être ces erreurs. Bon jeu malgré tout qui offre quelques heures d’aventure dans un univers peu commun.

Flibustier_Grivois
7

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le 24 févr. 2016

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