Donkey Kong Jungle Beat
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Donkey Kong Jungle Beat

Jeu de Nintendo EAD et Nintendo (2005GameCube)

Voilà bien l'un des représentants les plus oubliés d'une licence pourtant fameuse de Nintendo. Donkey Kong Jungle Beat a curieusement eu droit à une ressortie sur Wii qui n'a pas l'air d'avoir davantage fait parler d'elle que l'originale, avec cela dit de bonnes raisons que j'évoquerai plus loin. C'est un jeu Gamecube qui n'est pas resté dans les mémoires car il s'adresse à une double niche : les fans de jeu purement orienté scoring et les amateurs d'accessoires rigolos. Il est prévu pour être joué avec des bongos dotés d'un micro pour entendre nos claquements de mains, cet instrument coule de source pour un Donkey Konga musical mais pour un platformer ça sentait probablement plutôt le gadget attrape-touriste, ce qui prenait très bien sur l'adolescent que j'étais à l'époque.


Tapoter à droite ou à gauche pour se déplacer dans une direction, taper les deux bongos en même temps pour sauter et claquer des mains pour que notre gorille préféré attrape des bananes et lance une onde étourdissante contre ses ennemis : c'est simple à assimiler, mais encore faut-il convaincre un public exigeant que cela peut remplacer un stick directionnel pour des opérations délicates. Si on avait été dans un Donkey Kong Country cela aurait été catastrophique, le tapotement des bongos n'offre pas la réactivité nécessaire pour un jeu demandant une telle dextérité. C'est là qu'on voit le talent des développeurs de Donkey Kong Jungle Beat pour adapter leur jeu à leur manette. La démarche de Donkey est rendue pataude comme un gorille, on a un gros zoom arrière pour anticiper ce qui nous arrive avec suffisamment d'avance et les situations ne demandent pas de calculer des trajectoires délicates pour ses sauts, mais le plus souvent d'enchaîner correctement les bonnes actions, finalement à la manière d'un runner ou d'une suite de QTE déguisés. Cela pourrait paraître simpliste, cela l'est parfois avec certains niveaux où l'on ne s'occupe que de claquer des mains au bon moment, mais c'est pourtant plus recherché qu'il n'y paraît.


Notre palette de mouvement est assez large pour le nombre restreint de commandes : on saute de mur en mur, on nage, on attrape un oiseau pour s'envoler en haut à gauche ou en haut à droite, on fait de la tyrolienne ou du parachute, on attrape un singe qui nous renvoie, on fait un salto arrière comme Mario. C'est varié et ça demande sans cesse au joueur de réagir à son environnement. Les déplacements sous l'eau ou accroché à un animal permettent de ne pas faire de saut et de gérer l'axe vertical en même temps que l'horizontal par le tapotement, ce qui autorise au joueur une certaine précision car la nature des zigzags à effectuer est assez large pour s'adapter aux contrôles aux bongos. Les boss n'existent qu'en 5 exemplaires qui se recyclent, ça c'est répétitif. La majorité n'est pas très intéressante, les patterns ne posent pas de grande difficulté même si on se prend quelques coups. Par contre ceux qui s'affrontent à la Punch-Out sont fun, parce que c'est toujours chouette de marteler ses bongos pour enchaîner les gauche-droite en se croyant dans Ken Le Survivant alors qu'on (je) ressemble plus à un geek desséché qui s'essouffle au premier effort. On cherche la faille de l'adversaire, on esquive en claquant des mains et on se donne à cœur joie pour un affrontement juste assez court pour ne pas nous ennuyer ni nous frustrer.


C'est là que je peux parler de l'apport des bongos plutôt que de leurs contraintes : c'est vraiment défoulant. Marteler un bouton dans un jeu-vidéo pour imiter un personnage qui tape un sprint pendant 10s, ça me gonfle au plus haut point. Par contre faire BADABADABADA!!! sur mes bongos ça m'amuse comme un gamin, en plus de bien me faire transpirer. Tout le jeu profite de cette implication physique, ce qui rajoute une difficulté supplémentaire quand les bras commencent à crier grâce. Je retiens surtout les niveaux sur l'auroch qui demande de continuellement tapoter vers la droite pour prendre de la vitesse, tout en claquant des mains pour éliminer les obstacles. On se retrouve poursuivi par un lézard géant alors qu'une boule de neige à détruire nous barre la route, il faut donc alterner la course et les claquements de mains au bon moment pour ne pas perdre trop de vitesse. Ou encore l'épreuve bonus sur le même auroch où il faut marteler le bongo de droite pour prendre de l'élan, sauter par dessus le précipice, claquer des mains pendant le saut pour attraper les bananes en vol, puis recommencer après l'atterrissage pour essayer de réussir le maximum de sauts, avec un intervalle de temps de plus en plus court entre chaque. Pfiou celui là il me met à terre ! C'est pour ça que la ressortie sur Wii de Donkey Kong Jungle Beat n'a pas dû intéresser grand monde, le combo wiimote-nunchuk remplaçait les bongos. On garde l'idée d'agiter les mains mais dans le vide, ça doit être aussi peu fun que de jouer à Dance Dance Revolution sans tapis de danse. Le jeu est pensé pour sa manette particulière comme le suggère l'évocation musicale du titre, le faire avec une wiimote ou une manette classique lui fait perdre bien trop d'intérêt. C'est néanmoins sympa de laisser la possibilité d'utiliser la manette Gamecube pour ceux qui ne pourraient faire autrement, mais je ne sais pas à quel point le jeu vaudra quand même le coup tant chaque situation est prévue pour son investissement physique.


Donkey Kong Jungle Beat n'a cependant pas que ses bongos comme intérêt, il profite aussi d'autres choix effectués par les développeurs pour s'adapter à ces contrôles. Ils ne peuvent pas exiger du joueur une trop grande agilité pour afficher le générique de fin, alors à la place ils lui demandent de faire preuve de rigueur et d'endurance pour faire un bon score. Tout l'intérêt se trouve là, c'est dans cette optique que chaque aspect du jeu a été pensé. Par exemple la barre de vie est en fait le score en bananes qui va en grandissant, ce qui exclue bon nombre de game over et nous fait directement comprendre que si l'on esquive les dangers, ce n'est pas tant pour survivre que pour préserver notre nombre de points durement gagnés. Chaque royaume à conquérir est un enchaînement de 2 niveaux et un boss donc si on foire son score sur l'un d'eux on doit recommencer l'ensemble, ce qui ajoute de l'enjeu à un degré raisonnable puisque cela prend généralement moins de 10 mn. On a 3 paliers à franchir avec les médailles de bronze, d'argent et d'or, on comprend qu'il est important d'avoir un résultat pas trop mauvais pour débloquer les niveaux suivants. Puis viendra un moment où on va gérer comme un dieu, on se dira qu'on a fait un score indépassable avant de découvrir qu'on a en fait tout juste débloqué la médaille de platine et que tous les royaumes sont pensés pour que l'on puisse accomplir cet exploit. Voilà comment inciter le joueur à faire péter le high-score, vu la très faible durée de vie en ligne droite il faudra bien s'y mettre si on veut en profiter.


Toute la question est de voir comment optimiser son nombre de bananes et en quoi cela profite au jeu. Il y a deux éléments à prendre en compte. Le premier c'est que lorsque l'on claque des mains, Donkey attrape toutes les bananes dans son périmètre et chacune se voit attribuer un bonus qui incrémente. Si on prend 5 bananes ainsi, au lieu de gagner 1+1+1+1+1=5 on gagne (1+1)+(1+2)+(1+3)+(1+4)+(1+5)=20. Il faut donc le faire dès que possible et trouver des astuces pour grouper les bananes. Par exemple claquer des mains ne sert pas qu'à attraper des trucs, ça lance aussi une onde qui peut détruire des capsules contenant des bananes pour les faire tomber vers leurs consœurs et ainsi optimiser ses gains. On a donc déjà une bonne base pour tenter des manœuvres tordues. Par contre ça bousille les mains à force de les faire claquer, ne tentez pas le speed-run pauvres fous.


Mais le deuxième point à prendre en compte est de loin celui qui va nécessiter le plus de skills et creuser les écarts de score. Il consiste à faire des actions aériennes précises pour incrémenter un combo multiplicateur de points à chaque nouvelle figure jusqu'à ce que l'on touche le sol. Je démarre mon saut par un salto arrière, j'ai combo x2. J'attrape une liane en l'air, quand j'en sauterai ça passera à x3. J'arrive sur un mur, je fais du wall-jump : x4. Par contre si je fais un nouveau wall-jump le combo ne bouge pas, ça ne marche qu'avec des actions différentes. Tous mes points gagnés sont ainsi multipliés et me seront attribués quand je toucherai le sol, interrompant ainsi le combo. Il faut donc tâcher de faire un maximum de figures et d'aller aussi loin que possible avant de mettre patte à terre et engranger le fruit de notre labeur. Mais si je prends des dégâts avant de récupérer les points, tout est perdu dans le temps comme des larmes dans la pluie. On aura des niveaux qui seront presque entièrement jouables sans atterrir par terre, le but sera de trouver des moyens pour ne pas casser son combo et arriver à l'augmenter un peu plus, sachant qu'une seule erreur peut tout nous faire perdre et anéantir le résultat de notre parcours de 2 niveaux + boss.


Combinez ces deux mécaniques de scoring et vous obtenez un système sacrément exigeant qui offre nombre de moyens subtils pour gagner toujours plus. Chaque royaume se termine par une courte vidéo nous donnant une astuce, un exploit d'expert, une zone cachée, ou encore nous apprenant qu'un niveau permet d'obtenir un combo x18. Parfois ça en montre trop, parfois ça sert juste à nous indiquer qu'une méthode extrêmement corsée est en fait bien possible, et parfois ça nous remet à notre place devant tant de talent pour grappiller quelques bananes de plus.


Donkey Kong Jungle Beat ne paie pas de mine avec son character-design étrange et ses niveaux courts et peu chargés. Mais derrière les concessions effectuées pour être praticable aux bongos se cache une production aussi fun que finement travaillée, offrant une vraie richesse aux complétionistes qui joueront le jeu du score maximal. Ses graphismes ont étonnamment peu vieilli : le rendu des poils est toujours correct et les animations sur DK qui grogne à proximité d'un ennemi ou salive devant les bananes à attraper sont marrantes. Il n'offre pas de grain à moudre aux puristes des sauts millimétrés et de level-design challengeant mais il remplit un créneau de niche à merveille.

thetchaff
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le 29 juin 2020

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