Downwell est l'un des rares puits ressourçant au royaume de l'indé 8 bits. Les éternels platefomers au scrolling 2D surgissent chaque mois et se ressemblent. Un genre qui aime tellement se reposer sur ses lauriers que rarement il se renouvellera. Et un jour, un simulateur de chute infinie vers les abysses apparaît. Downwell change le cadran de la plate-forme vers le bas. Ce nouveau type de scrolling vertical, traduit par un plongeon vers l'infiniment profond, est une oasis de fraîcheur dans le domaine. Tout comme le corpus de cette critique, plus le texte s'enfoncera vers le bas, et plus les éloges pour Downwell s'accumuleront. Car il est triste de voir une telle pépite japonaise de gameplay aussi peu reconnue chez les joueurs.


Un puit, certains se souviennent de ces trous béants lors des vadrouilles campagnardes de notre enfance. Sombre, profond, étroit, mais certaines pensées fantaisistes piquaient notre curiosité: et s'il n'était qu'un conduit menant à un trésor ancestral? Le pitch de Downwell ne se révèlera qu'à sa toute fin, au plus profond niveau gardé par son boss impitoyable. Ainsi, le héros est un stickman digne d'un croquis d'un étudiant en game design. Sa particularité vient de ses bottes à mi chemin entre Iron Man et Bayonetta. Le fils caché de ce couple improbable est une machine à trouer au fer. Les bêtes abyssales seront nombreuses, et se diversifieront à chacun des biomes, au nombre de 4, divisés par 3 étapes. Tel un Mario sur un écran télé renversé à 90°, votre mission est de chuter jusqu'à la ligne d'arrivée de chaque niveau. Vous me direz sans doutes: "mais... il suffit juste d'esquiver les bestioles et fin de l'histoire". Si seulement! Si je vante aussi glorieusement son gameplay depuis le préambule, ce n'est pas pour tomber bêtement. Car vous mourrez et jetterez votre manette quelques mètres plus bas.



Chute! Ca commence!



Alors oui, toucher la ligne finale d'une étape est le but ultime de Downwell. Mais le magie du jeu opère dans son système de progression. Car c'est avant tout un titre d'arcade et de scoring, qui sent les salles de jeu japonaise jusqu'aux fonds nasaux. La tombée du héros n'est en réalité pas infinie. Il y a bel un bien un trésor au fin fond de ce monde en pixels noirs. J'entends par là que le scoring est ce qui fait de Downwell est bijou de gameplay, de possibilités et de plaisir pur. C'est simple: on y revient encore et encore. Outre son feedback des tirs procurant un dose d'adrénaline qui s'ajoute aux combos super plaisants à empiler, Downwell change de visage à chaque nouvelle partie. Oui, il y a du rogue-lite dans son ADN de Super Mario Bros. vertical couplé à un armement à la Bayonetta. Chaque nouveau jeu change la disposition des monstres et des salles de repos. Ces petites pièces sont entourées par une bulle hors du temps. Le monde agressif extérieur se fige, et vous avez quelques secondes pour reprendre votre souffle et collecter un bonus. Bonus de coeur pour augmenter votre vie (montant à 1 niveau sup' après avoir ramassé quatre quarts de cœurs, Zelda est passé par là) ou d'arme. Ces derniers donneront toujours une capacité en balles en plus, mais peuvent aussi changer le type de bottes! Ainsi, il existe 8 canons différents. Certains s'avèreront destructeurs face à une horde (fusil à pompe, puncher), d'autres seront plus précis et tuant sur le coup (laser)... Vous le penserez fort comme tout le monde: "que le jeu est dur!" Mais la beauté de Downwell vient avant tout du fait que chaque élément visuel a plus d'une utilisation. En tombant dans le biome de la caverne, vous croiserez des seaux posés ici et là (ou de crânes dans le cas du donjon). Saviez-vous qu'il peuvent prolonger vos combos en rebondissant dessus? En complétant une étape, le jeu vous offre une amélioration. Saviez-vous que le ballon ralenti votre chute de quelques secondes? Que vous pouvez manger des carapaces de tortues et les calamars avec la fourchette? Le biome océanique est d'ailleurs le meilleur spot pour régénérer peu à peu votre jauge de vie en vous remplissant la panse. J'ai parlé de biome?


Au nombre de quatre, tous changeront radicalement votre approche. Vous commencerez par une caverne remplie de "métroïdes" et de "pixors" (référence évidente aux Metroid). Viendra ensuite le donjon, bien plus mural (abusez donc du rebond sur les murs), recouvert de pics et de squelettes. L'aquifère, ou biome océanique, sera un véritable assaut sur vos poumons. Un décompte apparaîtra brusquement, vous plaçant en situation de panique. Vous jonglerez entre les seiches tueuses et les diodons tireurs d'élite, mais vous tendrez les mains vers la moindre bulle d'air qui croisera votre plongée. Ce sera souvent LE passage stressant d'une partie. Le morceau coriace de ce bout de viande à combo qu'est Downwell. Et puis viendront les Limbes. Authentique chute perpétuelle où aucun sol ne vous accueillera à bras ouverts. Enfin, saufs les bénites salles de repos et magasins. C'est aussi la zone la plus garnie en combos, car le plancher des vaches après ce biome est justement le dernier avant le face-à-face de fin. Le développeur a expressément placé un tel environnement juste avant le boss final: parvenir à la fin des Limbes revient à réaliser un combo à trois chiffres, qui donnera automatiquement des coeur de vie. Au final, c'est de loin le moment le plus palpitant et amusant du jeu. Le vilain plus bas est intimidant lors de la première rencontre. Une sorte de prépuce géant enroulé autour du joueur qui le mènera plus loin que le monde des morts. Après l'avoir repoussé et ayant sûrement crié un "Yatta!" intérieur, l'écran fait place à une simili biome du donjon. Tout deviendra clair: le ver de terre final vous transportera à travers les 4 biomes du titre. Inutile de dire que l'aquifère fera son retour avec son horloge de la mort par noyade. Une combat intense qui conclut parfaitement la raison d'être de Downwell: une machine à combos et un activateur de flow. Le flow, dit parfois "la zone", cet état mental de pure concentration qui construit un mur entre votre esprit et le monde extérieur. Un état de plongeon total dans le jeu lui-même. C'est le quotidien du joueur professionnel, en particulier du jeu de combat et du speedrunning. Vous serrez surpris. Surpris de voir ce qu'un cerveau à 100% connecté au jeu vidéo peut faire. Et Downwell, auparavant si difficile à creuser jusqu'au bout, deviendra de plus en plus facile, mode difficile ou non.



Every hole is a chance for glory!



Mais reprenons sur vos débuts et votre première chute dans ce puit abyssal. Vous mourrez très vite, à la fois dérouté et amusé. Puis, vous comprendrez qu'il y a des monstres sur lesquels vous pouvez rebondir. Et le combo grossira, grossira jusqu'à se faire brutalement stopper par les pics du donjon. Vous le saurez pour la prochaine chute. Et on réessaye, les rebonds deviennent prioritaires sur les tirs, mieux: vous utiliserez les mitrailles tel un jetpack pour vous déplacer au ralenti en l'air. Le débutant que vous êtes tapotera la touche de tir nerveusement, et se rendra vite compte de l'erreur numéro 1 dans Downwell: l'avarice. Trop tirer de balles revient à surcharger les bottes, qui se videront et ne détonneront plus. La barre du côté droit à l'écran est suffisamment tape à l'œil pour garder le contrôle sur vos armes. Mais vous comprendrez assez vite l'autre subtilité du jeu à combo. Toucher un monstre rempli pleinement vos bottes. Le combo est donc le Saint Graal. Coûte que coûte, vous devrez écraser du mob. N'hésitez pas. Les sauts muraux sont un excellent atout pour ralentir et souffler quelques microsecondes avant de dévaler sur d'autres bestioles. Vous comprendrez que certaines armes sont plus efficaces que d'autres, qu'accumuler un nouveau canon en arborant une jauge de vie remplie vous donnera également un quart de coeur. En cours de route, vous ramasserez un nombre cosmique de joyaux, la monnaie downwellienne qui financera vos achats chez ce drôle de marchand qui apparaîtra aléatoirement. Chez lui, vous trouvez de quoi vous nourrir et de quoi doper votre arsenal de guerre. Quand vous passerez la barrière d'une fin d'étape, le jeu vous proposera un triple choix d'objets d'amélioration. Nombreux et parfois surpuissants, il vous faudra néanmoins choisir avec parcimonie. Car seule une douzaine vous accompagnera jusqu'à l'antre du boss final. Vous apprendrez que l'aimant à joyaux et le rebond explosif vous transformeront en bombe sur pattes, et que l'arrêt temporel et le ballon ne sont en fait que des jouets pratiquement inoffensifs. Choisissez bien, surtout dans le brutal mode difficile qui n'apparaîtra qu'après avoir mis à bas la créature du dernier étage. Au bout de quelques morts atroces, entre contacts avec les bestioles, les empalements, la noyade, vous débloquerez les Styles! Cinq façons de jouer différentes (en comptant la basique neutre), l'une est offensive, l'autre défensive, une autre lente et flottante, et la dernière est riche en cavernes à objets. Beaucoup se dirigent vers le style lévitation pour sa sûreté. Mais gare au mode difficile et à sa tête de mort menaçante: ce style est selon moi le plus risqué, et de loin. Sa lenteur pouvait assurer une certaines sécurité dans le mode normal, mais ce nouveau cap multiplie par 3 le nombre de monstres à l'écran. Ce coup-ci, les vagues d'ennemis venant du haut de l'écran rattraperont inéluctablement votre courbe de saut et finiront par vous toucher. Le style de pierre (défensif) est donc un excellent choix, à la fois pour s'entraîner plus longuement; mais surtout, pour survivre jusqu'au dernier mètre du puit. Là-bas, la quête du héros prendre tout son sens. Un mission terrifiante pour un objectif adorable et ronronnant.


Mais vous n'aurez pas tout de suite envie de cliquer sur la croix rouge en haut à droite de votre écran (dans le cas du PC). Le plaisir du jeu est encore frais dans vos neurones. Vous y reviendrez encore, soyez-en sûr. Non pas pour son graphisme plus pauvre qu'une NES jaunie par le temps, bien que le nombre d'images par secondes soit bien supérieur à la troisième génération de consoles. Et non plus pour sa musique aussi quelconque qu'une démo medley d'un logiciel de son. Ce qui brille au fond de Downwell est sa (re)jouabilité. Les circuits imprimés au fond de votre manette ne feront qu'un avec vos nerfs. C'est l'un des rares jeux à vous plonger vite et pleinement dans la Zone. Un jeu d'arcade et scoring pur ne se fera jamais remarquer par monsieur Tout-le-Monde. Lui veut du spectacle, du fun et de l'accessibilité. Downwell pioche parmi les plus persévérants. Il reste amusant pour l'étranger au monde vidéoludique qui le téléchargera sur sa tablette et le lancera dans le métro. Et il est addictif pour celui qui aime se perdre dans son écran et gonfler son chiffre de score toujours plus. Un diamant perdu dans les tonnes de jeux indés accumulés au fil des années 2010. Si j'étais professeur de game-design, je louerais le nom de Downwell qui donne tout ce qu'il souhaite au cerveau du joueur acharné. Un exemple de jeu simple, mais puissant.

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le 20 févr. 2022

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Mottainai

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