Drakengard 2
6.6
Drakengard 2

Jeu de Cavia, Square Enix et Ubisoft (2005PlayStation 2)

Drakengard au pays des bisounours, ou le jeu sans fin

Quand on a terminé Drakengard et déprimé devant ses 5 fins, le dernier truc dont on a envie, en vérité, c'est d'un second épisode. Mais bon, en y réfléchissant, l'idée d'une suite qui corrigerait le gameplay du jeu (bon courage) tout en restant dans l'univers du premier est assez tentante. Ca, c'est à cause du côté fascinant et morbide de Drakengard, qui vous accrochait à la manette quand bien même vous étiez au bord de la nausée. Néanmoins, Cavia avait été tellement loin dans le premier épisode qu'on se demandait avec horreur ce qu'ils allaient pouvoir inventer pour cette suite...

Eh bien, n'ayez crainte, car visiblement Square Enix, l'éditeur de Cavia, s'est fait sa propre idée sur la question. Ainsi, Drakengard 2 se passe 18 ans après les évènements du premier épisode, en partant du postulat de la fin numéro 1, dans un monde tout beau tout tranquille, dans lequel les "Knights of the Seal" (L'Ordre en STFR) gouvernent dans la paix et la justice. On se retrouve aux commandes de Nowe, qu'on croirait tiré tout droit de Kingdom Hearts ou de Final Fantasy ( http://bit.ly/1bUISV9 VS http://bit.ly/19FDMql ), un pur produit SE de base, qui fricote avec une donzelle et d'autres personnages du même genre. Exit Caim, sombre anti-héros sanguinaire, muet et terriblement froid, détaché, sans vie ni espoir. Bonjour Nowe, surnommé "The Savior" par tout le monde, fraîchement érigé au rang de chevalier de l'Ordre, ici pour rétablir la paix et la justice. Oui, le choc transitif est rude.

S'ensuit un tutoriel interminable, d'autant plus irritant qu'on avait dû apprendre Drakengard dans la souffrance, au contact du sang et des game over, sans la moindre indication. Le doute n'est plus permis, SE a donc bien imposé ses conditions pour la réalisation de cette suite... Et le maître mot semble être accessibilité. Ce qui commence à faire un peu peur.

La première heure de jeu passe ainsi, mortellement ennuyeuse. Et dire que certains trouvent le début de Drakengard difficilement supportable... Heureusement, Nowe se rend très rapidement compte que quelque chose cloche dans l'Ordre. En effet, les vilains chevaliers enferment des prolétaires dans des geôles afin de leur voler leur force vitale, pour alimenter des "clefs", cachées dans des districts très bien protégés. Nowe le sauveur va donc creuser la question et, très rapidement, peu convaincu par l'Ordre, va se rebeller afin de sauver les prolétaires du jouc tyrannique d'une confrérie égoïste. Un manichéisme gerbant pour peu qu'on ai goûté à la saveur (vomitive) du premier épisode.

Ce manichéisme se poursuivra pendant les 2/3 de l'aventure, soit 15 heures de jeu au bas mot, en ligne droite. Nowe sauvera la veuve et l'orphelin, aidé de son dragon Legna ; Nowe massacrera des dizaines de milliers de soldats en se plaignant qu'il fait des choses horribles, qu'il ne veut pas tuer (mais il tue quand même hein) ; Nowe éliminera les monstres pour sauver les marchants, les chasseurs de prime pour sauver les villageois, les soldats pour sauver le monde. Pour peu il pourrait être Américain. Le chef de l'Ordre sera quant à lui de plus en plus méchant, toujours plus dark que dark, révélant moult complots et trahisons clichéissimes (oui, tout à fait).

Je veux bien accepter que la trame de départ soit un peu gentillette, mais quand on pense arriver dans la dernière ligne droite du jeu, la quinzaine d'heures passée, et que les choses ne font qu'empirer avec le temps, on peut commencer à désespérer sévèrement. Entre les dialogues à en mourir de honte ("Tu es le méchant, je vais te terrasser pour rétablir la justice !" - "Ahaha il n'y a pas de justice dans ce monde, il n'y a que le POUVOIR !!!" ...), un recyclage des niveaux hallucinants (de 2 à 3 passages par map, contre 1 par map pour le premier), une technique toujours à la rue et un gameplay amélioré mais loin d'être impressionnant, la tragédie n'est pas loin. Sans compter certaines facilités narratives qui sont selon moi de gigantesques fuck adressés à l'épisode géniteur. En fait, là où le premier jeu sacrifiait son gameplay sur l'autel de sa narration et de son ambiance, Drakengard 2 sacrifie son ambiance et sa narration... sur l'autel de rien du tout, le gameplay ne suffisant pas à rattraper de tels écueil.

Je ne peux néanmoins pas vraiment en vouloir à Cavia tellement on sent les restrictions de Square Enix. Un autre exemple, 80% des cinématiques sont des cut-scenes... fixes ! Genre Cavia voulait sûrement faire du précalculé, mais ça c'est géré par SE, qui n'a pas accordé de budget suffisant, et on se retrouve donc avec un décor dégueulasse fixe, et des dialogues qui défilent, des fois lors de scènes ultra épiques, ce qui n'est absolument pas approprié ! Cavia a sauvé les meubles grâce à des expressions faciales apparaissant à côté de chaque dialogue, bien foutues, mais ça respire la restriction de moyens à plein nez. Et les rares cinématiques en précalc', si elles claquent toujours autant, dépassent rarement la demi-minute, comme si elles avaient été torchées à la va-vite...

Bref, à ce stade là de l'aventure, ma déception était totale, et ma note à 5 maximum. Or, ce n'est plus le cas désormais. Pourquoi ? Car alors qu'on le croit fini, terminé, essoré jusqu'à la moelle, Drakengard 2 s'ouvre enfin. Je n'en dirai absolument rien dans cette critique, mais on retrouve enfin des thèmes chers au premier épisode, et une ambiance sinon similaire au moins approchante. Tout reste un million de fois plus soft, mais on sent qu'on tient là le cœur du jeu, ce pour quoi il a été pensé à la base. On aura alors cesse d'avoir l'impression de finir le jeu, alors que non, pas du tout. Drakengard 2 nous emmène enfin dans la direction voulue.

Le problème majeur du jeu reste donc son immonde étalement sur les 2 premiers tiers, et ses restrictions érigées par SE, terribles. Dans le genre beau foutage de gueule, il faudra aussi refaire trois fois le jeu pour avoir les trois fins disponibles. Quand bien même on pouvait débloquer les 5 fins de Drakengard en 20 à 30 heures de jeu, on est ici obligé de se coltiner presque 75 heures !!! Et c'est d'autant plus dommage que, comme pour le premier, ces fins donnent tout leur sens au jeu. Mais vraiment. Sans cela, c'était 6. Mais là, il y a quand même quelque chose d'assez incroyable derrière. Des idées, des concepts excellents, mais qu'on ne fait finalement qu'effleurer. Quel gâchis...

A côté de ça, Drakengard 2 reste quand même un jeu plus facile (même si des fois bien hardcore quand même en normal) que son aîné, plus maniable et comportant son lot d'innovations. Mais surtout, la musique composée par Aoi Yoshiki envoie des fois sévèrement. Bien moins torturée que l'OST précédente, elle possède tout de même ses démons, mêlés à un certain taux d'obscurité et de mélancolie. Un petit chef d'œuvre, toujours assez violent néanmoins.

Au final, Drakengard 2 ne fut pas le jeu attendu. Il est un produit hybride, torturé entre la volonté d'un développeur et l'exigence d'un éditeur qui amorçait alors son inéluctable descente vers les abysses (bon ok j'exagère un peu, mais c'est pour le côté drama). Ambitieux, Drakengard 2 l'est certainement. Décevant, il l'est encore plus. Le prix de l'accessibilité fut lourd à payer...

Et là, j'ai la triste vision de Cavia après l'échec commercial de Drakengard qui, à l'image de Caim, mortellement blessé, se présente agonisant au dragon SE, qui lui répond, d'une voix souffrante mais déterminée :
" Your answer ! A pact... or death ? "
Eux aussi ont fait leur choix.

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le 15 oct. 2013

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