Ce n'est pas Suikoden, c'est Eiyuden Chronicle

Oui, plusieurs anciens de Suikoden ont créé Eiyuden Chronicle : Hundred Heroes. Oui, les particularités qui ont fait le succès de cette série mythique de J-RPGs se retrouvent dans ce jeu de 2024, 20 ans après la sortie du dernier opus (sans compter les spin-off). Oui, tous les fans de Suikoden auraient aimé jouer à un Suikoden VI.

La réalité fait que Eiyuden Chronicle : Hundred Heroes est un projet Kickstarter, et même s'il avait brisé des records de financement à l'époque, il était utopique de croire que Rabbit & Bear Studios avait les même moyens financiers et humains pour recréer un JRPG du même acabit. Eiyuden Chronicle crée donc un sous-genre niche du JRPG : le Suikoden-like.

Après la (relative) déception de ne pas avoir entre les mains Suikoden VI, que reste-t-il ? Hé bien, il ne faut pas bouder son plaisir et apprécier les bons côtés de ce JRPG "old-school".

Un des points qui saute aux yeux (littéralement) quand on débute le jeu, c'est son style graphique. Alors que le marché commence à être saturé de HD2D qui cannibalise les RPG un peu "indie", EC (surnommons le jeu ainsi, c'est plus simple) réussit à renouveler cette patte graphique de manière maitrisée, avec des environnements pétillants de détails et souvent grandiloquents. Fumi Ishikawa continue également de nous faire profiter de son talent pour l'illustration des personnages, et les portraits "bulles de dialogue" sont un véritable plaisir pour la rétine. Mention spéciale également pour les animations, notamment de combat, qui font retomber en enfance pour tout joueur.se de la PS1.

En tant que Suikoden-like, évidemment les différents systèmes de jeu inhérents à la série fonctionnent encore ici du tonnerre ! La quête pour recruter les 100+ personnages est prenante, et représentera la majorité du jeu. Quel kiff de parcourir le monde à la recherche de ces soldats qui pourront rejoindre notre Alliance et comprendre ce qui est attendu de nous pour les recruter ! J'évoque aussi brièvement le système de scaling des niveaux de Suikoden, les combats à 6, les différents types de gameplay (combats/duels/batailles), le système de runes (pardon, de lentilles magiques !)... Tant de détails qui s'accumulent et font toute la richesse du gameplay, qui fait que l'on ne peut pas s'ennuyer à aucun moment. Par ailleurs, même si l'histoire est très classique et manque peut-être d'inventivité (dommage que les contextes socio-politiques ne soient pas assez détaillés !), le scénario brille par la mise en avant de son casting, aussi déluré que touchant par moments. Et j'ai un petit faible pour les héros cyniques. ;)

Néanmoins, le gros atout du jeu, surtout par rapport à ses ancêtres, c'est la gestion de son QG. Grâce à un système ingénieux de gestion de ressources, c'est à nous de construire ou améliorer plusieurs aspects du QG. J'ai enfin eu l'impression d'être le vrai big boss des lieux, et de choisir ma progression comme je l'entendais selon mes besoins du moment. Évidemment, ce système est aussi un prétexte pour avancer dans la quête des 100+ personnages, car nombre d'entre eux sont nécessaires pour continuer l’agrandissement de son château..! J'ai aussi été étonné de la profondeur des mini-jeux (plus ou moins intéressants) qui mènent à de longues quêtes annexes dont on ne ressort pas indemnes si on veut tous les personnages à la fin...!

Le jeu est long (comptez une bonne soixantaine d'heures si vous voulez tout faire), et mérite de s'accrocher. Je dis "s'accrocher" car franchement, le début est vraiment laborieux, et c'est peut-être ça qui donne mauvaise presse au jeu. Entre les dialogues interminables qui n'arrivent même pas à poser un contexte stable, une alternance entre des phases scénario-recrutement-donjons qui sont mal garés, étrangement une écriture très faible (alors que ça s'améliore clairement par la suite !) et des boss beaucoup trop retords pour ce qu'ils sont, il y a de quoi vouloir abandonner l'aventure. Mais dès que l'on obtient le QG (5-6 heures de jeu), Eiyuden Chronicle commence enfin.

Pour continuer dans le négatif, et ce que je considère comme la grosse faiblesse du titre... C'est qu'il est clairement archaïque. Je ne peux retirer l'impression de ma petite tête que le jeu n'a pas été assez bêta testé, car plusieurs points m'ont à plusieurs instants fait sortir de mes gonds. Impossibilité de sauvegarder quand on le veut, et même sur la mappe-monde (!)... Menus d'un autre âge, où l'on passe un temps fou à changer d'équipement ou de groupe... Une vitesse de déplacement de tortue qui rend les aller-retour laborieux (malgré les bottes de vitesse)... Une exploration des donjons à l'ancienne (bonjour le retour des combats aléatoires qu'on ne peut pas skip !) avec des mécaniques de progression intra-donjon qui m'ont dépassées (autre petit détail qui m'a aussi fort sortir du jeu : l'exploration des villages, hors recrutement de personnages, est NULLE)... Un système d'auto-battle nébuleux qui se résume finalement à taper+utiliser des points de compétences (SP)... La magie qui finit par ne plus servir à rien car taper devient plus fort qu'incanter un sort...

De gros manques en terme de "quality of life", qui ont vraiment, vraiment été pénibles à la longue. L'excuse d'un "JRPG à l'ancienne" ne tient plus ici, et c'est là qu'on se rend compte que les développeurs sont peut-être un peu trop restés dans les années 2000...