Final Fantasy I & II: Dawn of Souls
7.2
Final Fantasy I & II: Dawn of Souls

Compilation de Tose Software et Square Enix (2004Game Boy Advance)


FINAL FANTASY I



À la fin des années 80, Squaresoft est au bord de la faillite et décide, pour se renflouer, de mettre ses derniers deniers dans la création d'un tout nouveau jeu : Final Fantasy (notez au passage l’humour acide dont l’équipe a fait preuve en choisissant le titre). Le jeu sort en 1987 au Japon et en 1990 aux USA (L'Europe, c'était encore l'âge de pierre, sans doute) et cartonne, engendrant une saga qui dure maintenant depuis près de trente ans.


Il aura fallu attendre 2004 pour avoir une version européenne - traduite en plusieurs langues, s’il vous plaît - sur nos consoles. Un choix assez étrange, vu que nous étions tous tournés vers la PS2 et que nos standards graphiques, sonores et narratifs étaient désormais placés assez haut. Passer de FFX ou FF XII à ce premier opus demande un sacré recul et une remise en contexte, quand bien même il a bénéficié d’un remake léché sur le plan graphique comme sonore.


Et c’est sur cet opus GBA que j’ai fait mes armes. Bien que la version NES existe en rom traduite, ma tolérance à la douleur oculaire et auditive n’est pas si élevée, sans compter que le remake était présenté comme fidèle à l’original, à deux trois subtilités près. Pas si subtiles, d’ailleurs.


La fin du monde, la fin du monde !!


La terre se meurt, le vent s’est arrêté, la mer agonise, le ciel s’obscurcit, “Touche pas à mon poste” est sur toutes les télés du continent, bref, c’est la merde. La population ne sait plus quoi faire et se raccroche à une ancienne prophétie annonçant que face aux ténèbres, quatre guerriers de lumières porteurs de cristaux se dresseront pour leur poucaver la gueule. Voilà pour le scénario de départ, qui va déjà poser les bases de la licence, notamment ses PNJ assistés attendant vos héros pour les sortir de la merde dans laquelle ils nagent allègrement depuis des décennies sans avoir seulement l’idée de faire quelque chose par eux-mêmes, à se demander comment ils sont arrivés à survivre jusque-là. On trouve également la mécanique scénaristique, toujours chère à la licence, selon laquelle la diplomatie envers les forces adverses ne peut se mener qu’à grand coups d’épées dans la gueule (vous laissez pas avoir par la complexité des histoires plus récentes, la solution consiste TOUJOURS à défoncer tout le monde). Et sans rien spoiler, la notion de voyage dans le temps est déjà présente dans ce premier FF - expliquée de manière… “nébuleuse”, on va dire pour rester sympa - entérinant ainsi le procédé qui consiste à laisser dans l’intrigue des trous béants et le joueur se démerder avec un “ta gueule, c’est magique”. Malgré les années, nous sommes en terrain connu, quoi. Si l’univers est majoritairement heroic fantasy, on y retrouve les quelques touches plus modernes (aéronef, sous-marin…) qui feront la marque de la licence.


C’est bô ! Enfin je crois…


Je ne m’attarderai pas sur les graphismes : sachant que nous sommes face à un portage de jeu NES, la nouvelle mouture fait bien le taf, jolies couleurs, décors variés. Il m’est difficile de juger de la qualité visuelle d’un jeu vieux de vingt ans dépoussiéré sur une console qui en a maintenant dix au compteur mais c’est agréable à jouer et dans la bonne moyenne de ce qui se faisait sur GBA, le portage a été soigné visuellement, du tout bon.


Et la musique ?


C’est du Uematsu, donc on sent le bon souffle épique dans les compositions, qui ont été améliorées pour ce portage. Ça reste de la musique de GBA mais rien à redire, on notera même quelques compositions qui donnent envie de les écouter en version orchestrale. Pas la plus grande OST d’Uematsu mais pas difficile non plus de comprendre comment celle-ci a pu lui assurer le succès. On est pas encore aux thèmes emblématiques, si on omet le “Crystal theme” commun à tous les jeux, ceci dit.


Mais t’es qui, toi ?


Ici, point de héros torturé au passé tragique ou d’horripilante petite conne surexcitée confondant l’excursion pour le sauvetage de la planète avec une classe verte, vos personnages n’ont ni nom - du moins tant que vous ne leur en donnerez pas un - ni background. À part celui d’exister pour sauver le monde, une sorte de héros jetable, si on veut. Lorsque vous démarrez, le jeu vous octroie quatre personnages dont vous personnaliserez le nom ainsi que la “classe”, à savoir le profil de combat, entre six existants : guerrier, voleur, moine, mage rouge, mage blanc, mage noir. De ces classes dépendront les aptitudes disponibles, l’évolution des caractéristiques physiques et magiques et l’équipement disponible. C’est donc au joueur de décider comment il veut constituer son équipe, du moins s’il sait à quoi correspond chaque classe en terme de style de jeu, ce qui n’est absolument pas expliqué. Si vous êtes un régulier de la licence, vous devriez vous en sortir mais il n’en sera pas de même pour un débutant, qui fera au jugé, au risque de se retrouver avec une équipe inadaptée à sa stratégie. Ceci dit, avec un peu de bon sens, il n’est pas difficile de faire une équipe équilibrée. Mais ce premier écran annonce déjà la couleur : le jeu ne vous tient pas la main.


Si par ailleurs votre équipe ne vous convient pas, vous n’aurez d’autre choix que de redémarrer la partie. Ceci dit, même avec une équipe moyennement à son goût, il est toujours possible de finir le jeu, on ne peut pas réellement constituer de groupe “injouable” mais selon les choix du joueur, la difficulté peut s’en trouver rehaussée. À moins que vous soyez assez con pour vous faire une équipe de quatre guerriers ou de quatre magiciens mais à ce stade, je vous recommanderai Adibou plutôt que Final Fantasy.


Bobonne au pays des cristaux magiques


Le jeu est des plus linéaires : vous démarrez aux portes du royaume de Cornélia, dont la princesse a été enlevée par l’ancien général du roi, qui souhaite récupérer les terres. Et comme vous allez être la bonne de tout le monde, entre le médiateur pour querelle de voisinage et la technicienne de surface, vous comprendrez vite le schéma du jeu. Dans chaque ville, on vous confiera une tâche à accomplir dans un donjon labyrinthique où toute la faune vous pourrira la gueule (en même temps, quatre mecs avec des cristaux greffés à la main qui rentrent chez les gens en leur parlant de prophétie, faut pas qu’ils s’étonnent d’être mal reçus). Une fois la tâche accomplie - tuer un boss - le joueur obtiendra un moyen de se rendre sur un autre point de la carte, jusque-là inaccessible, afin de faire avancer l’histoire.


Le but, donné assez tôt dans le jeu, est de ramener à leur éclat initial les quatre cristaux que transportent nos personnages, l’aventure sera donc découpée en quatre parties, un prologue et un épilogue. À aucun moment, on ne se retrouve réellement paumé, tout est relativement clair, même si repérer les donjons demandent parfois de fouiller un peu la carte. Et donc de se battre.


Ça a l’air menaçant ? Tape. Ça a l’air ténébreux ? Tape aussi. C’est vivant ? Tape, on sait jamais.


Le système de rencontre aléatoire a été mis en place dès ce premier opus : vous vous baladez sur la carte ou dans un donjon et à intervalles réguliers - voire TROP réguliers - l’écran se figera et basculera sur un combat.


Le style de combat est un tour par tour, sans remplissage de jauge. Au début de chaque tour, vous programmez l’action à accomplir pour chacun de vos attaquants et le jeu choisit ensuite l’ordre d’action en fonction de la vitesse de chaque combattant, allié comme ennemi. Il est donc essentiel d’anticiper l’attitude adverse pour ne pas se retrouver à encaisser des dégâts trop sévères. Il faut savoir par ailleurs que la version GBA a implémenté une fonction qui n’était pas présente dans le jeu original : si vous programmez deux attaques sur le même adverse et que ce dernier meurt des suite du premier assaut, le second attaquant se redirigera automatiquement sur une autre cible, quand sur NES il tapait dans le vide et perdait un tour. Un ajout bienvenue qui simplifie pas mal les combats. Un peu trop.


COMBIEN, la nuit sur le palier ???


J’ai appris après avoir attaqué ma partie que le jeu sur GBA avait été pas mal simplifié par rapport à l’original, notamment quant à la puissance des monstres et la vitesse de montée en niveau.


Et même si je ne suis pas un hardcore gamer, ce n’est pas à porter au crédit de cette version, bien au contraire, car le jeu se retrouve du coup totalement déséquilibré. L’essentiel de la difficulté va se concentrer lors des deux premières heures, principalement à cause du modèle capitaliste. Et là, je vais devoir détailler un peu.


Tout doit être acheté - y compris la magie - à des prix qui font généralement bien mal, surtout comparé à l’argent récolté en combat au début. Qui plus est, ni le KO, ni les altérations d’état ne seront soignés si vous décidez de vous reposer dans un village, il vous faudra pour cela payer l’église ou acheter des items hors de prix lorsqu’on démarre le jeu : j’ai dû jouer mes deux premières heures sans aucun moyen de ressusciter un membre et même retraverser toute la carte pour acheter de quoi le ramener, puisque toutes les villes n’ont pas les même boutiques. Chevaliers de lumière, mon c***, les habitants m’auraient laissé crever sur leur palier parce que j’avais les poches trouées. On peut donc considérer que Final Fantasy était l’un des premiers simulateurs de société réaliste. La preuve : plus les monstres à l’extérieur sont puissants, plus se reposer en ville coûte cher (Le fait que vous éradiquiez les monstres pour éviter qu’ils ne fondent sur le village ne rentre pas en ligne de compte. Communiste que vous êtes.)


Mais une fois passé ce cap et atteint le premier donjon, la difficulté sera réduite à néant et pour cause : les donjons sont relativement grands, les rencontres fréquentes, la montée en niveau extrêmement rapide et le scénario vous contraint aux aller-retours . Autrement dit, vous arriverez devant les boss avec un paquet de niveaux d’avance en ayant avancé en ligne droite, les poches pleines à craquer de thunes, de potions et autres items de soin. Pour vous donner une idée, je suis arrivé devant le boss final avec un niveau 60, l’argent, l’équipement et les objets de soin au maximum en ayant avancé sans jamais prendre le temps de farmer quoi que ce soit. En somme, on reste sur le fil du rasoir au démarrage et ensuite le jeu devient une balade de santé.


Je sais que cette dynamique de donjons interminables, détours, combat fréquents, va-et-vient sont dûs au fait que le jeu date de l'époque NES où les concepteurs dopaient artificiellement la durée de vie des jeux par ce genre de stratagème (et une difficulté de pute), faute d'avoir les moyens techniques de rallonger effectivement le jeu. Sauf qu'ici, une partie de cette belle mécanique a été bidouillée.


Ce qui saute aux yeux dans ce déséquilibre c’est que le problème vient clairement de la vitesse à laquelle vos personnages gagnent des niveaux : sur un donjon, il n’est pas rare de monter de 3 à 4 niveaux simplement en le traversant. Sans cet ajout, nul doute que le jeu serait autrement plus difficile, comme sa réputation sur NES le laissait supposer ( Je l'ai testé deux heures. Je pense que ce jeu a été codé par Satan. Fin de la parenthèse).


Je sais bien que pour les nippons, l’Europe c’est un peu la COTOREP des gamers mais je crois que j’aurais encore préféré que ce “Final Fantasy” garde sa difficulté originale. Après tout, le public auquel ce portage est destiné n’est-il pas les inconditionnels de la saga ? S’ils sont capables d’acheter et de jouer à un jeu vieux de vingt ans, je doute qu’un peu de challenge aurait suffit à les décourager mais peut-être suis-je trop optimiste. En tout cas, mieux penser la baisse de difficulté aurait été appréciable.


Ceci dit, la version GBA propose quatre nouveaux donjons optionnels sous le nom de “Soul of Chaos” (Ils ont sûrement hésité avec “Le chocobo joufflu”, pour le nom, mais ça collait moins à l’ambiance.) qui permettent d’affronter des boss tirés de FF 3, FF 4, FF 5 et FF 6 et de récupérer un équipement exclusif plus puissant (des fois que ça ne soit pas encore assez facile). Mais cela reste des allées et venues dans les donjons, pimentées de quelques “mini-jeux” insupportables (Si jamais je trouve le nom du type à l’origine des mini-jeux dans les produits Square, je le transforme en fait divers.). Bref, c’est l’intention qui compte mais ça ne change guère du reste du jeu.


Le combat contre le boss de fin est une formalité, limite un acte de cruauté, ce qui pour un dieu du Chaos la fout un peu mal (sans déconner, j’avais pas collé une telle raclée à un boss final depuis Yu Yevon, pour les connaisseurs).


Au rang des défauts on peut citer également un pathfinding des PNJ (le trajet programmé des villageois et autres créatures) qui les poussent à se coller CONSTAMMENT sur votre chemin, vous bloquant les accès aux magasins, routes ou autre. Et ce n’est pas un problème de programmation puisqu’il constitue carrément une épreuve dans un donjon optionnel. Sûr que d’avoir Ginette qui se jette entre vous et la porte de l’auberge puis reste plantée là en attendant la mort, c’est indispensable à une bonne immersion.


Viens, on est bien…


Je me moque, je me moque, mais force est de constater que j’ai parcouru Final Fantasy sans déplaisir, au contraire. Les clichés du scénario m’ont grandement fait sourire et sa difficulté complètement déséquilibrée m’a un peu déçu mais pour un amoureux du RPG, il y a quelque chose de presque… touchant à découvrir cet ancêtre. Et assez prenant : on voit les balbutiements des mécaniques de jeu, ce qui sera conservé tout au fil de la licence, ce qui n’était encore qu’une friche et surtout tout ce que la saga a acquis au fil de ses différents opus (ici, ni mog, ni chocobo). Avec un peu de recul, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi Final Fantasy a fait un tel carton, tous les ingrédients essentiels du J-RPG s’y trouvaient déjà et étaient gérés avec savoir-faire et réelle volonté d’offrir au joueur une expérience ludique forte : si un joueur de 2016 peut sourire lorsque le jeu lui annonce qu’il a franchi les portes du temps et que la puissance des cristaux magiques résident dans son cœur, celui de 1987, lui, venait de terminer un voyage extraordinaire. Final Fantasy reste une pièce historique, à portée de main pour tout RPGiste un tant soit peu curieux, un jeu fort d’une époque révolue ou sauver la princesse faisait rêver. Si vous êtes un fan de la saga, c’est à essayer, le jeu se boucle en une quinzaine d’heures.


Les +



  • Graphismes très soignés

  • Belles compositions même si pas aussi mémorables que dans d’autres jeux

  • Mécaniques de combat améliorées par rapport à la version NES

  • Possibilité de customiser son équipe

  • Environnements variés

  • Petit twist de scénario, pas si simpliste que ça

  • À faire pour mieux apprécier le chemin parcouru jusqu’aux opus récents

  • Il a sauvé SquareSoft. Sans lui, on aurait eu aucun des opus PS1.


Les -



  • Difficulté totalement déséquilibrée

  • Rencontres aléatoires trop fréquentes (genre BEAUCOUP trop fréquentes, c’est plus des donjons, c’est une japan expo pleine de free hugs)

  • Boss tuables en deux-trois tours

  • Le jeu incite aux aller-retours dispensables pour gonfler sa durée de vie

  • Impossible d’égorger les PNJ qui nous bloquent constamment la route


7/10



FINAL FANTASY II



Fort du succès de Final Fantasy 1 et sorti de sa mouise financière, Square se retrousse les manches et sort, un an à peine après son titre à succès un Final Fantasy 2. Réputé comme étant “impossible”, je cite. Contrairement au premier opus, ce FF ne sortira pas aux États-unis sous sa version originale.


Comme pour le premier opus, il aura fallu attendre les années 2000 pour un portage PS1 et GBA hors Japon et comme pour le premier opus, c’est la version GBA - offrant en duo FF1 et FF2 - que j’ai testée.


Je me disais que bon, ok, les jeux NES étaient réputés durs et que ça pouvait pas être si terrible… (spoiler : je vais être détrompé. Genre cruellement. Genre coup de règle en fer sur les ongles un jour de grand froid.)


J’ai du bon drama


L’empereur de Palmécia a décidé d’envahir le monde, notamment grâce à des gisements de mythril qui lui permettent de construire des vaisseaux volants. Vous incarnez trois orphelins de la ville de Fynn, tombée sous les assauts et rejoignez la rébellion, décidée à vaincre Palmecia.


Exit les chibi sans personnalité et sans nom, exit le scénario gentillet, ici vos héros ont une identité, il va y avoir du drame, du sang, des morts (en pagaille), des villes rasées et des génocides. Final Fantasy II a totalement abandonné l’aspect inoffensif du premier opus et narre une histoire dépourvue d’humour… mais toujours aussi simpliste. Car c’est bien beau de vouloir donner de la maturité et de l’épaisseur à son jeu mais encore faut-il qu’il en ait les moyens : tuer un personnage qui n’a eu que quatre lignes de textes purement informatives pour le déroulement du jeu, ça ne provoque pas l’émotion chez le joueur. Surtout quand le mort disparaît en clignotant. FF2 se veut dramatique mais reste - malgré son portage - un jeu NES dans sa narration et sa mise en scène. Donc ultra simpliste. Du coup le paradoxe rend le tout très banal,limite ridicule. On veut bien être indulgent avec les limitation techniques et faire un effort pour s’inclure dans l’histoire mais il aurait bien fallu que Square imprime qu’on ne fait pas du Game of throne avec la technologie d’un pokemon. Du coup, même si l’intention est là et qu’on peut saluer la tentative de vouloir impliquer émotionellement le joueur, ça ne prend pas.


Et que dire du grand méchant, l’empereur, présence inquiétante rencontrée tardivement dans le jeu et monté en épingle pour avoir cinq pauvres répliques et aucune personnalité. On retiendra son design (merci à David Bowie d’avoir participé) et basta.


Une épée, ça se tient par l’autre côté


Dans la continuité de l’ambiance installée dès les premières minutes, on vous fait bien sentir votre condition. Vous êtes des dommages collatéraux, rien de plus, la princesse dirigeant la Rébellion (un empire, une princesse chef de la Rébellion…tiens) vous enjoignant même de “rentrer chez vous” alors que ce chez vous est un gros tas de cendre. Et devant l’évidence, vous conseillera de rester SDF dans sa ville plutôt que d’aller “gâcher votre jeune vie” au combat, sachant que le monde entier est à feu et à sang.


L’histoire est largement moins linéaire. Bien que la princesse revienne à de meilleurs sentiments avec vous plus tard, la route est moins évidente - vous obtenez assez vite un véhicule vous donnant accès à plusieurs lieux de la carte - et cette sensation de liberté, quoique toute relative, est la bienvenue. En fait vous avez virtuellement accès à quasiment toute la carte dès les premières heures, si vous vous donnez la peine d’en faire le tour (et de ne pas y crever). Selon les joueurs, le fait de n’avoir jamais d’indication très claire sur le but et d’immenses étendues à visiter pourra être frustrant (et c’est vrai que certains moments du jeu sont chiants à nous laisser tourner mais au moins on farme et croyez-moi ce n’est pas de trop) mais pour ma part j’apprécie que Square ait opté pour une approche narrative un peu moins dirigiste. Du moins en apparence.


Parce que là encore, FF 2 se démarque de son prédécesseur : s’il ne nous explique rien, c’est bien parce qu’il faut trouver par nous-même… mais pas en fouillant les lieux ou en explorant, non, en retenant certains mot-clés au fil d’une conversation pour aller questionner les PNJ sur ce même mot-clé. Sans ça, impossible d’avancer. On vous demande d’aller chercher du mythril ? Vous savez dans quelle ville vous rendre ? Vous savez qui questionner ? Hé bien si vous n’avez pas retenu le mot “mythril” via le menu au moment où la demande vous a été faite, il ne vous reste plus qu’à vous retaper le chemin inverse pour réparer cet oubli. Et ça vous arrivera. Et ça vous énervera. Autant dire que la semi-liberté du titre aura fait long feu.


Le turn-over m’a tuer


Votre équipe peut comporter en combat jusqu’à quatre personnages. Si les trois premiers sont ceux dont le jeu vous dote au début, le quatrième en revanche est une place en interim. S’y succéderont pas moins de six personnages qui vous épauleront à certains moments du scénario et quitteront l’équipe soit par une pirouette narrative (Machin qui veut rester aux côtés de la princesse plutôt que d’aller nous aider au saloir, merci pour rien) soit parce qu’ils meurent. Autrement dit : vous n’aurez jamais une équipe stable plus qu’un ou deux donjons dans FFII. Et n’allez pas imaginer que les intérimaires vous rendront votre équipement en quittant le groupe, bien sûr. Vous allez donc investir temps et argent pour des personnages temporaires, à leur apprendre des sorts (payants), les équiper (en payant) et farmer stat et compétences puisque lors de leur arrivée dans l’équipe ils n’ont rien ou presque. Et tout ça six fois, le summum étant atteint lorsqu’on vous retire ce quatrième coéquipier pour vous coller dans les pattes un petit nouveau… devant la porte du DERNIER donjon.


J’ai trouvé le procédé particulièrement lourd - pour rester dans l’euphémisme, en vrai j’ai appris de nouvelles insultes. Si avoir quelques personnages temporaires afin de dynamiser l’histoire est un plus - il sera très bien employé dans les futurs opus PS1 et PS2 - ici, il demande en gros de s’investir pour un élément qui va disparaître et de repartir “de zéro” à de multiples reprises. Car en tant que joueur, comment savoir si vous pouvez compter sur une équipe en perpétuel recommencement ? Même les trois “stables”, j’en suis venu à demander si le jeu n’allait pas me les faire sauter. Comment est-on supposer équilibrer son équipe dans des conditions pareilles ? À ce tarif-là, Square, autant nous laisser nous démerder à trois que nous obliger à gaspiller de l’énergie sur un personnage “fusible”.


Et quand je parle de “gaspiller”, ce n’est pas par hasard, je n’ai pas encore attaqué le gros du problème : la mécanique de jeu.


Le gameplay quantique


Vous avez trouvé le système de jonction de FF8 compliqué ? Le sphérier de FF10 vous a perturbé par son manque de points de repères ?


Vous êtes tellement pas prêts pour Final Fantasy 2.


Côté combat, rien de surprenant : vous promenez sur une carte ou dans un donjon, des rencontres aléatoires s’enclenchent, vous font basculer dans un écran de combat, où s’applique le classique tour par tour. Les monstres cognent plutôt fort, mais c’était prévisible.
C’est côté progression de votre équipe que ça devient chiant intéressant. Et là je vais être obligé de détailler.


Tout d’abord, il n’y a pas de système de Job dans FF2 : chaque personnage peut indifféremment manier toutes les armes, toutes les magies ou compétences (dans la théorie). Ensuite, qu’il s’agisse des compétences (maniement des armes, sorts) ou des caractéristiques (attaque, esquive, défense, HP, MP), leur niveau n’augmente que si elles sont sollicitées : votre défense augmente si vous prenez des dégâts, vos MP si vous utilisez la magie, etc...


C’est plutôt bien pensé, voire réaliste, sur le papier (Vous encaissez mieux les coups à force d’en prendre sur la gueule), pas vrai ?


Ben dans la pratique, vous allez vous incruster la manette dans le front à force de vous en servir comme facepalm, tant tout est mal foutu (désolé pour les utilisateurs de clavier, vous allez souffrir).


Vos personnages n’ont pas de niveau, autrement dit vous n’avez pas réellement de point de repère permettant de jauger votre évolution (c’est peut-être rebelle de casser les codes classiques du RPG m’enfin au deuxième jeu, c’est surtout un peu CASSE-GUEULE, non ?) : vous vous faites défoncer par un boss bien comme il faut ? Impossible de dire après vous êtes entraînés si vous êtes mieux préparé puisque RIEN ne vous l’indique, sinon les 6 caras de CHACUN de vos personnages. En somme, vous avez 24 chiffres à comparer au lieu de 4. Préparez les post-it.


Ensuite, lorsque vos caractéristiques augmentent, le jeu ne vous indique pas de combien : vous savez juste que votre vigueur ou votre esquive ont augmenté. On est bien content pour elles mais à moins de noter à chaque instant les caras des personnages sur un autre kilos de post-it, impossible de dire à quel point ils ont progressé (Ben oui, Square, les niveaux ça fait peut-être classique et prise de risque zéro mais figurez vous que ça sert !)


Ensuite 2, le procédé est complètement aléatoire. Il m’est arrivé d’enquiller trois combats sans essuyer de dégâts et voir les HP de mes personnages augmenter, puis de me faire ramoner le portrait à coups de hache double sans que ces derniers ne daignent frémir. Comment fonctionne ce truc ? Y’a bien quelqu’un qui a programmé ce système et saurait répondre, si son alcoolisme notoire ne l’a pas tué depuis toutes ces années, du moins.


Enfin, ce système est complètement mal foutu car il déséquilibre les personnages : un personnage avec une faible défense ne peut, par principe, pas essuyer des masses de dégâts et l’offrir aux assauts adverses en espérant améliorer ça a toutes les chances de l’envoyer au tapis et donc de s’asseoir bien douloureusement sur sa possible évolution (m’enfin vu qu’elle est totalement random, avec un peu de bol, ça se fera. Peut-être).Génial. Le jeu était dur, le voilà dur ET chiant. Square, l’optimisation dans le meilleur comme dans le pire.


J’en veux pour preuve que l’astuce conseillé par TOUS les sites et magazines est de se battre contre des monstres faibles et… de s’attaquer soi-même afin de faire progresser attaque et défense harmonieusement… comme sur un RPG classique quoi. Sans quoi, le jeu est une galère, à moins de farmer pendant des heures, des heures et des heures avec la sensation de ne pas progresser, faute d’indication d’XP, de niveau, ou d’augmentation des caractéristiques. Autrement dit de faire tout ça pour que dalle. Donc, inutile de courir après les ennemis pour vous améliorer : foutez-vous des coups d’épée sur la gueule, c’est comme ça que le métier rentre.


Ho et n’espérez pas que tout ce que je viens de dire soit expliqué dans le jeu : on trouve certes dans le portage PS/GBA un groupe de vieux sages vous balançant quelques infos rudimentaires mais ils sont planqués dans une salle vide à votre première visite (je suis tombé dessus complètement par hasard). N’attendez rien non plus de la possibilité d’apprendre toutes les armes à vos personnages : la changer dégradera considérablement attaque et précision, si bien que vous finirez par revenir à leur équipement premier (testé avec Maria, au bout d’une heure de jeu : elle n’a réussi aucune attaque sur dix combats après un changement d’arme. véridique.)


Cependant, les monstres sont en définitive assez peu redoutables - sans doutes sont-ils pliés de rire en nous regardant nous savater nous-même. Je me suis même retrouvé dans un combat de boss assez risible où je ratais toutes mes attaques… et lui aussi, sans qu’aucune altération d’état ne vienne l’expliquer. Merci, Square, de m’avoir fait expérimenter une baston de malvoyants… ou d’avoir codé votre jeu avec le cul, je suis pas sûr. Naturellement, le boss final est une purge et sa difficulté complètement disproportionnée par rapport au reste des troupes ennemis. Ou alors je n’étais pas au niveau. Ce que je n’ai aucun moyen d’affirmer.


Les aventuriers ne vont jamais tout droit !


Oui, les labyrinthes dans les RPG sont parfois énervants, mais bon, on va pas se mentir, c’est comme le farm, si vous n’aimez pas ça, abstenez-vous de jouer au genre… ou testez FF2. Ses “donjons” sont de grandes lignes droites avec quelques rares cul-de-sac histoire de se donner une crédibilité. Là où les zones de final fantasy 1 étaient certes pas très originales mais un minimum tortueuses, ici vous pouvez ranger votre papier et crayon. Je n’ai jamais eu besoin de dessiner une seule carte et pour cause : en guise de level design, Square a rajouté des pièces vides.


Vous traversez un couloir, arrivez devant quatre portes : l’une d’elle conduit au niveau suivant, la seconde à un lot de coffre et les deux dernières à des pièces vides où les combats aléatoires se déclenchent à chaque pas, ce qui vous obligera à en essuyer quatre ou cinq avant de pouvoir vous sortir de là. Voilà ce qui tient lieu de donjon : des couloirs avec des placards à balai piégé. Même Naheulbeuk a pas osé la faire, celle-là. Mais la bonne nouvelle c’est qu’une fois rompu à l’exercice, vous traverserez le tout relativement vite, d’autant que la majeure partie des coffres sera sur votre route (et s’ils ne le sont pas, ils contiennent dans 90% des cas des potions ou des antidotes à 50 gils, donc…).


Faire et refaire c’est toujours de l’ouvrage...


Ce jeu m’énerve. Profondément. Parce qu’on voit très bien d’un côté les intentions plutôt louables de Square dans la conception de son second opus, qui met en place les principales lignes de leur saga : des personnages plus attachants, la recherche d’intensité dramatique, des mécaniques de jeu renouvelés et des astuces gameplay…


Sauf que masochisme, flemme, mauvais choix, ces intentions se vautrent toutes ou presque dans leur réalisation : le farming est une énorme boîte noire qui le rend particulièrement peu gratifiant, le comportement des adversaires est absurde (suis-je le seul à avoir dû soigner presque exclusivement le personnage en troisième position vu qu’il est quasiment le seul à se faire avoiner ?), la mise en scène minimaliste réduit à néant les ambitions matures du soft. Une espèce de travail de démolition constante qui m’a questionné à la fin du jeu : suis-je passé à côté ?


Des huit FF que j’ai complété, FF2 est de loin ma pire expérience : frustrante, fastidieuse, parfois incompréhensible… mais qui bizarrement ne m’a pas laissé décrocher, malgré mon passage de la perplexité à l’énervement au fil du jeu. Tout y est loupé, mal pensé ou paresseux, les quelques idées sympas sont soit à peine exploitées (le personnage de l’empereur en caméo, l’exploration de l’estomac d’un monstre, l’apparition du double maléfique de Firion, les chocobos inutiles…) soit sabotées dans leur application (la mécanique de progression en random complet). Et c’est énervant, bordieu, parce qu’on aimerait lui donner du crédit à ce jeu, mais impossible. La conclusion est sans appel : FF2 n’est pas bon. Et en repensant à son temps de conception - un an à l’époque de sa version NES - je ne peux m’empêcher de me dire que Square a sorti ce jeu de manière précipitée, en commettant en prime l’erreur de voir grand niveau histoire et mécanique : résultat, de belles intentions qui ne font que décupler la frustration du joueur qui les devine. Et aucune excuse pour le portage qui n’a corrigé aucun de ces problèmes, même à minima. Alors oui : il existe la quête secondaire “Renaissance” qui donne une certaine épaisseur aux personnages et notamment à l’empereur… sauf que ma partie m’a gavé au point que je n’ai même pas envie de la tenter.


Je disais au début de cette critique que le jeu a pas très bonne réputation au Japon, je sais maintenant pourquoi.


À faire uniquement pour la gloire de l’ajouter à votre palmarès. Ou parce que les clubs SM coûtent plus cher qu’une cartouche GBA.


Les +



  • Graphismes très soignés (vous allez sans doute voir ça sur tous les jeux FF ou presque)

  • Belles compositions d’Uematsu, qui nous offre quelques très jolis thèmes

  • Re-modélisation des personnages pour coller aux design d’Amano

  • Apparition de Cid et des chocobo !

  • Environnements variés et originaux pour certains (l’intérieur du leviathan, le palais final)

  • Les personnages ont enfin un background

  • Pas de classe prédéfinie, on peut personnaliser les rôles comme on en a envie.

  • L’histoire, beaucoup moins linéaire

  • Le design du salopard de service

  • L’ajout d’une quête secondaire sur GBA qui donne un peu plus d’épaisseur aux personnages.

  • Squaresoft a joué la carte de l’originalité et la prise de risque en nous pondant un gameplay plus complexe et audacieux, et même réaliste pour un jeu NES…


Les -



  • … Mais aurait clairement dû le tester plus en profondeur.

  • Aucun point de repères en l’absence de niveaux

  • La montée en expérience est une “boîte noire” qui donne la sensation de péniblement avancer

  • La possibilité de “personnaliser” son équipe est en réalité limitée dans le temps et par le déséquilibre des caractéristiques

  • Le système de mot-clés chiant et inutile

  • Mise en scène simpliste pour narrer des évènements dramatiques.

  • Level design des donjons paresseux

  • Chocobo absolument pas exploités (vous pouvez même faire tout le jeu sans savoir qu’ils sont là.)

  • Le méchant prometteur est finalement une pâle repompe de Garland du premier opus, jusque dans son plan.

  • On ne s’amuse pas. Mais on rage si on a pas le tempérament cool.

  • Même avec un tempérament cool, on avale notre chique quand on se retrouve face au boss final, totalement pété niveau stat.


4/10

SubaruKondo
5
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le 11 mars 2016

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SubaruKondo

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7

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