L'héritage pèse lourd, et s'il n'y a qu'une seule leçon à retenir de Final Fantasy VIII, c'est bien celle-ci. Sorti deux ans après FFVII, le jeu qui (re)défini le genre du J-RPG et l'a popularisé de manière spectaculaire en Occident, le huitième volet de la saga culte n'a pas laissé un souvenir aussi impérissable que son grand frère, et pour cause.


Comme un gamin qui n'a pas compris que s'il goinfre toutes ses frites tout de suite il n'aura plus que des brocolis dans son assiette jusqu'à la fin du repas, FFVIII balance tous ses atouts d'entrée de jeu, sans préliminaire, par une séquence d'intro bluffante. Les vagues, le désert, les champs, les pétales qui volent, une plume qui quitte la main de Linoa, s'envole vers des cieux qui s'assombrissent. Puis la plume devient lame qui tournoie dans un raccord dans le mouvement vraiment élégant, et se plante au sol, ouvrant un duel dantesque. Nan, franchement, quoiqu'on pense du jeu, ça défonce.


Le problème, c'est qu'après une ouverture de cette qualité, c'est pas le moment de découvrir que le mec qui vient d'offrir une belle marave à nos prunelles ébahies et qu'on va incarner pendant les 40 prochaines heures est en fait un adolescent pleurnichard. Amnésique (pratique !) et introverti, Squall va en gros passer deux disques à faire la gueule et le reste à échanger des promesses cucul avec Linoa. Il n'est pas rare qu'un personnage principal soit plutôt neutre, voire fade, pour que les autres gagnent en relief (coucou Djidane de FFIX). Ici, bien malheureusement, on quitte rarement notre couple phare pour apporter ne serait-ce qu'un gramme d'épaisseur à des personnages secondaires qui semblent pourtant bien plus intéressants. Qui sont Zell, Quistis, Irvine, Selphie ? Quelle existence propre, quelle contenance ont-ils en dehors de leur rapport à Squall ? Même constat pour les antagonistes ; entre un Seifer qui ne peut s'envisager que comme le pendant bad guy de Squall, Edea, Ultimecia et tout le paquet sont des personnages creux, sans substance. Où sont les passages comme les retrouvailles déchirantes entre Barret et Dayne dans le désert ou l'arrivée de Bibi dans le village des mages noirs ? Même Yuffie ou Vincent - personnages pourtant optionnels de FFVII - disposent de backstories plus riches que cette bande de stéréotypes sur pattes.


Bon, ce n'est pas dans la petite histoire qu'on va trouver notre bonheur. Qu'en est-il de la grande, alors ? Parce qu'il semble intéressant cet univers au contexte géopolitique troublé, qui mélange magies archaïques des emblématiques G-Forces et technologies de pointe qui nous emmènent jusque dans l'espace. Et si effectivement les premières chicanes entre Balamb et Galbadia laissent présager un conflit aux dimensions épiques, le soufflé retombe en abandonnant la grande échelle pour aller nous bourrer le mou avec les états d'âme de ce gros blaireau de Squall et des histoires de voyages temporels capillotractés dont l'intérêt décroît au fil d'une intrigue de plus en plus décousue.


Le gameplay, venons-y. Dans FFVIII, pas de mana ; les sorts se volent sur les ennemis ou se puisent dans des sources et sont associés à différentes caractéristiques (PV, vigueur, magie, dégâts...). Sur le principe, pourquoi pas. Sur le principe seulement parce qu'à part faire des sessions de stockage de sorts en boucle sur des ennemis endormis, ce système inutilement alambiqué n'apporte pas grand chose à la recette FF, d'autant qu'il se couple à un système de G-Forces dont la pertinence ne saute pas aux yeux. A moins de potasser particulièrement le pénible système d'associations, on se retrouve obligé de spammer nos G-Forces à longueur de combats pour infliger des dégâts dignes de ce nom ; ce qui ne poserait pas de problème si les animations d'invocations ne duraient pas une plombe et demie chacune, et surtout s'il était possible de les passer ! Si ces animations sont par ailleurs plutôt réussies, on s'emparera rapidement d'un petit bouquin pour s'occuper pendant que les mêmes vidéos défilent en boucle tout au long du jeu. Pas terrible pour l'immersion, c'est le moins que l'on puisse dire.


L'aspect visuel restera le principal point positif d'un titre qui représente une réelle avancée technique dans la saga. On est toujours dans un mélange de décors précalculés et de personnages en temps réel mais ces derniers sont modélisés de manière autrement plus convaincante. Le portage effectué sur cette version n'est pas loin du foutage de tronche et il faudra un sacré paquet de tweaks pour trouver un intérêt à choisir celle-ci plutôt que la version PSX. Pour ce qui est la DA, ce sera à l'appréciation de chacun ; je lui reconnais un certain cachet - certains lieux sont même carrément magnifiques - mais globalement cet univers froid et distant m'a laissé de marbre. Les cinématiques sont, elles, franchement jolies et sont loin d'être honteuses encore aujourd'hui, 17 ans après la sortie du jeu.


Constat encore mi-figue mi-raisin pour une bande-originale réussie par Mister Uematsu mais dont la conversion dégueulasse en MIDI est une véritable honte.


On ne peut pas reprocher à Final Fantasy VIII de ne pas être FFVII ; on peut même féliciter l'effort consenti pour innover et se démarquer d'un opus au succès considérable. Mais cette volonté d'innovation est à double tranchant, et au jeu des comparaisons, FFVIII se fait étaler dans quasiment toutes les catégories ; et quitte à recommander un autre volet que l'emblématique VII, le VI ou le IX me semblent bien plus intéressants pour découvrir la série. A réserver aux nostalgiques.

Boobrito

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