Fire emblem : three houses est le premier Fire Emblem sur switch et le seizième opus de la série. Annoncé pour 2018, reporté deux fois, ce jeu est finalement sorti en juillet 2019. Pour le bien de la discussion, divisons le jeu en trois composants majeurs : l’exploration, les combats et l’histoire.

Les avantages d’un lieu modélisé en 3D sont faciles à comprendre en imaginant son absence. Imaginons que l’ensemble des activités du monastère soit présenté via un menu. La pêche, les entraînements auprès des professeurs, les interactions avec les personnages… Tout se choisirait via un menu. Si 3H avait choisi cette méthode de présentation, l’expérience aurait été fondamentalement différente. Évidemment, ça retirerait l’exploration de l’environnement, mais cela changerait beaucoup du rapport aux éléments présents, le principal étant envers les personnages. Les placer dans un monde leur donne une présence physique qui ne serait pas aussi bien transmis via un menu. Les interactions avec eux gagnent également une dimension banale. Aller à ses activités, croiser une connaissance et avoir une petite conversation est une expérience commune dans notre vie réelle. La version de 3H est plus aboutie que nos usuels « sale temps pour la saison » mais elles sont une représentation de ce phénomène. Ces interactions aident à percevoir les personnages comme des personnes et, par juste retour des choses, renforce également le monastère, le transformant en un lieu vivant, animé par le quotidien de ses habitants.

Il faut aussi adresser ce qui serait perdu : la narration par l’environnement. Trouver à chaque exploration Félix sur le terrain d’entraînement dit quelque chose à propos du personnage, c’est une caractérisation qui renforce celle présente dans les conversations de support : son obsession de devenir fort. Autre perte, quoi que moins facile à articuler : l’atmosphère, une narration sans mot. L’atmosphère du monastère se concrétise via son gameplay de micro-décisions prises sur le moment, accompagné par la musique, les pnjs qui se baladent et vous saluent, les dialogues des élèves et beaucoup trop de chats et de chiens…

Cet environnement rempli de personnages, d’activités, bien présenté, font de la phase d’exploration le moment où le jeu réalise l’un de ses meilleurs aspects : la représentation du quotidien d’un professeur allant à ses activités, prenant soin de ses élèves, se distrayant durant leur journée de repos.

Mais ça, ce n’est qu’une partie de ce que cette phase d’exploration accomplit. Que se passe-t-il quand elle tente plus ? Le chapitre neuf s’achève sur la mort de Jeralt. L’écran de sélection donne à voir Byleth, la tête basse, le regard triste. En sortant de la chambre, je trouve une plume de chouette sur le pas de la porte. Un cadeau usuel en Fodlan, sans doute déposé là par un étudiant voulant montrer son soutien. Les élèves, sous le choc, présentent leurs condoléances et, pour certains, cet événement a encore plus de signification. Raphaël me conseille de me garder occupé, comme c’est ainsi qu’il a pu tenir le coup lorsqu’il a perdu ses parents. Ingrid fait de même, mais le décès de son fiancé la peine encore trop. Elle s’interrompt et perd son regard dans le ciel. Pendant ce temps, une musique spécifique joue : « Broken routine ». Une variation de la musique usuelle : « Life at Garrech Mach monastery ». Cette fois, la musique débute avec des notes de piano, sur un tempo plus lent, particulièrement noté sur les violons, collant à l’ambiance mélancolique. Pourtant, il y a un triangle, dont les tintements résonnent étrangement dans la composition. Comme des notes légères. Claude le dit lui-même : peu importe les tragédies, on peut trouver du réconfort dans l’idée que le monde continue de tourner. Et c’est ainsi que je décrirai ces tintements : réconfortants. Très vite, je me retrouve à simplement faire courir Byleth, n’écoutant que la musique et les bruits de pas, sans direction. Sans que je ne le décide, ma route m’amène au cimetière. Bernadetta s’y trouve déjà, la recluse sortie de sa chambre pour déposer des fleurs. Et lorsque, à mon tour, je m’y rends, je ne peux que lire quelques mots qui seront à jamais inscrits dans ma mémoire : reposez en paix, bercés par les souvenirs des moments chaleureux passés ensemble.

Mais ça, ce n’est que mon expérience subjective et aussi forte soit-elle, je ne la partage pas ici parce que je pense qu’elle ait une valeur particulière. Mon but est avant tout de l’utiliser pour répondre à une question : combien d’éléments sont à l’œuvre durant cette exploration ?

Nous avons : l’écriture de l’intrigue, des personnages de Jeralt, Byleth, des étudiants et de leurs relations ; lors des interactions avec ces personnages, nous avons les animations des modèles, le voice acting, l’écriture des dialogues, même un travail de la caméra, avec son usuel rapprochement pour simuler une conversation intimiste ; nous avons évidemment la musique, et, puisqu’il s’agit d’une phase de jeu, le gameplay, le même que les précédentes explorations mais recontextualisé grâce aux autres éléments. Puisque nous sommes toujours dans l’exploration, il y a tout le travail de modélisation de l’environnement, accompagné du placement d’un objet spécifique (qui doit sa signification grâce à l’écriture du monde) ainsi que du placement des personnages.

Donc, combien d’éléments sont à l’œuvre durant cette exploration ? Réponse : énormément. Pour réaliser l’émotion de cette séquence, 3H utilise tous les outils narratifs à disposition du jeu vidéo, qu’ils lui soient propres ou hérités d’autres médiums. Il en résulte une phase d’exploration qui est l’un des points hauts du jeu, un moment où chaque composant s’adjoint avec maîtrise pour créer une expérience spécifique.

Mais il faut adresser le gros problème de l’exploration et de la représentation du quotidien. Le quotidien n’est pas un sujet très commun ni très prisé. Je suis sûr qu’il y a quelque part sur la toile un simulateur d’employé de bureau de poste qui est un extrêmement bon jeu, mais même ses plus fervents fans ne le vendraient pas sur base qu’il s’agit d’une aventure excitante et emplie de découvertes novatrices. Le quotidien est basé sur la répétition et la répétition amène l’ennui. De plus, les systèmes en place font que l’exploration perd de sa valeur au cours de la partie, notamment après le time-skip. Plus d’objets perdus à trouver, plus de recrutements possibles, ce qui signifie que travailler les supports n’a plus que les conversations comme récompenses. Cela signifie aussi que les cadeaux, principal moyen pour augmenter ces supports, sont libres d’être utilisés sur nos élèves, ce qui augmentera leur motivation. Par conséquent, les repas ne sont plus nécessaires. Ils peuvent toujours être utilisés pour les points de supports, sauf que les conversations sont limitées et il arrivera un point où elles auront toutes été vues.

Vient la question des activités générant des ressources. Le problème à ce niveau est plus simple : leur valeur est déterminée par la quantité de ces ressources. Quand vous n’avez rien, un simple poisson est une grande récompense. C’est beaucoup moins le cas quand vous en avez cinquante en réserve. N’importe quel joueur avec un minimum de diligence n’aura plus besoin de pêcher pour avoir les ressources nécessaires. Si certains pourraient trouver une valeur personnelle à maîtriser le mini-jeu, sa nature simpliste fait que ce n’est pas quelque chose qui prendra énormément de temps. Les plantes et la renommée connaissent le même sort, quoiqu’elles soient moins endommagées par l’abondance. Dernière ressource : les points d’exploration. Leur valeur découle de l’activité réalisée avec les points plutôt qu’une valeur intrinsèque. De plus, leur nombre est déterminé par le niveau de professeur et hérite donc du problème de la progression des compétences.

La proposition spécifique à cette exploration post-skip est une nouvelle activité : se faire entraîner par ses élèves. C’est un pauvre substitut pour les activités dévaluées après le time-skip. La récompense principale du développement de ces compétences est la possibilité de débloquer une classe. Mais Byleth, contrairement aux élèves, débloque automatiquement la classe de Prophète qui, en termes de pures stats, surpasse certaines classes « maître ». Il n’y a que les classes volantes, avec leur plus grande mobilité, qui puisse justifier l’investissement, mais avec le défaut de ne plus avoir accès à la magie. La récompense qu’offre les apprentissages de compétence est au mieux un bonus sympathique avec des désavantages, plutôt qu’une nécessité qui revitalise l’exploration en seconde partie.

Mais surtout, l’apprentissage de compétences se fait par palier. Dis simplement : il n’y a aucune différence entre avoir 1% ou 99% de progrès dans une compétence. C’est franchir le palier l’important. Par conséquent, augmenter le niveau de compétence a une dynamique très simple : investir, investir, investir, puis la récompense qu’est le franchissement de palier. Plus le personnage devient compétent, plus la quantité de points nécessaires pour arriver à ce palier est important. Ce qui veut dire que les récompenses s’espacent de plus en plus. Il y a aussi l’interaction avec le système de classe. Lors du travail pour débloquer la classe finale de son personnage, les entraînements font avancer la compétence et permettent de se rapprocher de l’objectif d’obtenir la classe. Une fois la classe débloquée, ils ne servent qu’à faire avancer la compétence et ont donc une valeur moindre.

Il faut signaler que j’ai été très libéral avec l’utilisation du mot « problème » mais, en soit, elles ne sont pas problématiques. La progression par pallier est une méthode commune car elle reflète adéquatement comment nous développons nos compétences dans la vraie vie, avec des bases faciles à acquérir mais une maîtrise qui n’arrive qu’au bout d’un long investissement, avec des périodes de plateau. De la même façon, débloquer automatiquement une classe au-dessus des autres n’est pas un point sur lequel j’ai envie de me plaindre. Même si elle dévalorise certaines autres options, comprendre pourquoi demande une expérimentation des systèmes en place qui rythme l’expérience de jeu. De plus, les autres options restent viables, faisant qu’un joueur voulant une classe particulière ne sera pas pénalisé par ce choix. Le caractère problématique de ces éléments n’entre en compte que lorsque l’on considère la répétition des phases d’exploration. Dû à cette répétition, l’exploration perd de sa valeur au cours d’une partie et il est normal d’attendre que les systèmes en place contrebalancent cette faiblesse. S’il y a certes une tentative avec la progression de Byleth, il est difficile d’appeler ça une réussite parfaite, et dans mon cas, j’ai eu beaucoup d’instances où je choisissais l’entraînement non pas parce qu’il s’agissait de la meilleure option, mais simplement parce que c’était la seule option avec un minimum de valeur.

Toutefois, cette discussion révèle un élément central de 3H, qui est que l’interaction de ses systèmes prime sur leurs forces individuelles. La progression de compétences par pallier, le choix de classes, l’exploration d’un environnement… pris isolément, ce sont des éléments qui sont proposés par beaucoup d’autres jeux et pour certains, avec plus de complexité que 3H. Toutefois, une fois que ces éléments sont mis en relation, ils s’influencent les uns les autres et créent des dynamiques que les systèmes individuels ne possèdent pas.

Un bon exemple pour illustrer cela : la pêche. N’importe qui avec un minimum de connaissance en jeu de rythme pourrait redesigner ce mini-jeu en une version Fish Fish Revolution : Ultra Hardcore Edition Deluxe++. Cela en ferait certainement un meilleur mini-jeu, mais est-ce que ça ferait de 3H un meilleur jeu ? Ma réponse est non. Le côté simpliste de la pêche offre un moment de repos dans l’exploration dense en microdécisions, ce qui, pour certains joueurs, peut les aider à adapter le rythme de l’exploration. Pour ceux qui savent gérer un rythme plus élevé, la faible quantité de ressources nécessaires pour les autres activités font qu’ils n'auront pas à pêcher plus qu’ils ne peuvent le supporter. De plus, ce côté reposant de la pêche est la base de certaines conversations de support, tels que Léonie et Seteth, créant une interaction positive entre le gameplay et l’histoire.

D’une certaine façon, cet aspect du design de 3H rend son analyse difficile. Une analyse fonctionne d’abord par une séparation, il faut séparer les éléments d’une œuvre et les discuter. Sauf qu’ici, cette étape ne révèle que des éléments basiques, qui fonctionnent, certes, mais n’ont rien qui les caractérisent comme « bons » ou « mauvais ». Ce qui leur confère leur qualité ou leur en retire est leur mise en relation. Il n’y a rien à réellement saluer dans un mini-jeu tel que l’heure du thé. C’est un bête QCM. Mais il interagit avec le système de support, de statistiques, a une ressource qui renvoie à la gestion de l’inventaire et à l’économie. Surtout, il est connecté à l’écriture des personnages et à l’interaction-reine du médium : celle avec le joueur. À travers le gameplay limité, le joueur est amené à oublier que ce n’est pas une personne réelle, créée de toute pièce, ce qui renforce l’illusion de la fiction. Ainsi, les personnages et l’histoire sont renforcés par ce mini-jeu.

L’interaction avec le joueur s’exprime par la prépondérance des choix, notamment le choix des batailles auxiliaires. Sortons de la discussion sur l’exploration et penchons-nous sur la seconde composante : les combats. Le choix de faire des combats additionnels peut être vu comme un moyen de laisser au joueur décider son rythme de jeu. 3H est un jeu qui s’accommode d’une vaste variété de joueurs, grâce à l’inclusion d’option d’accessibilité telle que ses modes de difficulté et son mode casuel. De plus, c’est un jeu avec un accent important sur son histoire, attrayant des joueurs qui préfère la narration au gameplay. Un niveau minimum est toujours attendu, mais ce niveau est à fixer par le joueur, selon ses préférences. En cela, on pourrait qualifier cet aspect comme un atout du jeu. Toutefois, il s’agit de la phase la plus faible. Une fois le niveau de professeur au maximum, il est possible de faire trois combats durant cette phase (dans les niveaux de difficulté Difficile et Expert, en dessous, certaines maps n’ont pas de limites). Trois combats où l’objectif est de tuer tous les ennemis, dans des maps empruntés aux missions principales et aux annexes. Que ce soit clair : ça, dans un Fire Emblem linéaire, ça ne passerait pas. C’est du recyclage, du filler, qui se cache sous une opportunité de gameplay. Ces maps auxiliaires semblent sortie d’une ligne d’assemblage, plus poussée par une volonté de livrer un produit en quantité qu’en qualité.

L’introduction dans la série de combats hors intrigue prédate 3H et n’est même pas la pire implantation de ce système que j’ai vu. D’une certaine façon, ils sont devenus une nécessité. La complexité des systèmes liés aux classes, aux armes, aux compétences, demande un temps d’apprentissage et ces combats auxiliaires peuvent, avec leur simplicité, servir de terrain d’entraînement, un lieu où expérimenter avec les mécaniques sans avoir à en plus gérer les particularités des maps de l’intrigue principal. De plus, il y a la question de la variabilité entre joueurs. Il y a une grande différence entre un joueur qui veut juste avancer dans l’intrigue et celui qui désire explorer en profondeur toutes les mécaniques. Une équipe optimale se constituent en partie grâce aux ressources gagnées dans les combats auxiliaires.

Malgré ces avantages, il existe encore de nombreux problèmes qui entachent ce système. Dû à la répétition des maps, les combats se situent dans des régions différentes, partout sur la carte… par conséquent, tout sens de la géographie de Fodlan est pété. Je suis personnellement assez ébaubi de voir d’un côté les efforts de Worldbuilding réalisé à travers les personnages et l’intrigue principal, centré sur le destin de ce continent, et de l’autre une partie du jeu qui ignore totalement cet aspect. D’autant plus dans une série telle que Fire Emblem, qui a toujours considéré que le gameplay est un outil de narration. Ici, on a une instance de gameplay qui doit totalement être divorcé de l’histoire, sous peine de l’endommager. De plus, il y a un manque de variété dans ces combats auxiliaires. 3H montre pourtant une compréhension de l’importance de la variété. Cela se voit dans l’intrigue principale et les annexes, jonglant tous entre divers designs de maps, que ce soit par les ennemis présents, le terrain ou les objectifs, malgré certains recyclages. Un système randomisé qui introduirait ces particularités dans les maps auxiliaires serait approprié et sortirait du constant barrage de « tuez-les tous jusqu’au dernier ». Enfin, dernier problème : la présentation des récompenses offertes, qui réduit la capacité du joueur à prendre une décision signifiante. Les récompenses spécifiques comme la viande, les minerais ou l’or souffre d’imprécision. Il n’y a pas besoin d’une viande en général mais d’une viande particulière, tout comme dire minerai en général n’en fait pas une option attractive, puisqu’il faut des minerais spécifiques pour réparer les armes. Et l’or… est okay, à défaut, c’est une bonne option… du moins ça l’était, jusqu’à ce que le dlc arrive et propose une quatrième option. On gagne toujours de l’or mais deux fois plus que l’autre, avec comme désavantage que ce sera contre des ennemis de niveau supérieur… ce qui est ultimement un avantage, puisque ça veut dire plus d’xp lorsqu’ils seront défaits. Ce qui veut dire que cette quatrième option est sensiblement supérieure en termes de récompenses que les autres. Leur vrai désavantage est le faible nombre de maps : trois avant le time-skip (plaine, forêt et lac Teutates) plus deux après le time-skip (tour de Conrand et forêt scellé). Donc, on a un système de récompense qui pousse une option sur les quatre présentées mais avec un manque de variété qui s’assurera de provoquer un ennui extrême même chez les joueurs les plus patients.

Après tout cela, il serait facile de croire que je tiens ces combats auxiliaires comme une mauvaise chose. Pas tout à fait. Elles ont un gros avantage après tout : c’est l’occasion de faire plus de combats et le combat dans 3H est suffisamment bon pour gommer beaucoup de ces défauts.

Le combat des Fire Emblem est la marque la plus forte du design réitératif de la série. Dans le sens où chaque entrée a toujours repris son prédécesseur comme une base et que le travail de design s’est porté sur des mécaniques précises, que ce soit par ajout (escouade), modification (le système d’adjudant remplaçant le système de pairing) ou suppression (triangle des armes, bien que la présence des techniques « Anti » fait que cette mécanique est encore présente, sous une autre forme). Autre exemple, important étant donné les effets : le retour dans le temps, d’abord introduit dans Shadow of Valentia.

L’utilité principale de ce retour dans le temps est pour contrecarrer la mécanique de mort. Ce qui est intéressant, puisque la mécanique de mort n’est quasiment pas effective durant la majorité des parties. Dis autrement, elle n’entre en jeu que lorsqu’une unité meurt, faisant que, dans une partie optimale ou même simplement bonne, elle n’aura aucun effet concret. Son véritable effet est psychologique. La présence de cette mécanique influe sur tout le processus de prise de décisions des combats. Si la conséquence pour une mauvaise décision est si néfaste, cela signifie que le joueur a un impératif de performance. Subséquemment, cet impératif dicte le point central du design des combats : la communication d’informations au joueur. 3H donne toutes les informations nécessaires au joueur pour qu’il puisse prendre la meilleure décision possible à chaque moment. Il est possible, dès le premier tour, de regarder la map et de prédire son déroulement. Évidemment, cette planification ne peut pas être totalement exacte, dû à l’influence de la rng, il s’agit plus de deviner le scénario le plus probable. Une prise de décision optimale n’est pas possible 100% du temps. Ainsi, une habitude s’est développée dans la communauté : le reset à chaque mort de personnages. C’est en cela que le retour dans le temps est une mécanique intéressante, elle est une réponse à une habitude de jeu. D’une certaine façon, Fire Emblem s’est adapté à ses joueurs. Plus important encore est ce que la mécanique permet. Le meilleur exemple pour moi sont les boss monstres rencontrés dans le paralogue de Claude et de Léonie / Linhardt. Vaincre ces monstres repose sur des séquences d’actions plus complexes que celles usuelles. Problème majeure : la rng fait que la planification est conditionnelle. Première action à 80% de réussite, deuxième à 60%, troisième à 90%... Une planification optimale demanderait de prévoir chaque cas de figure, résultant en des scénarios au nombre exponentielle. Sauf qu’il y a un moyen simple pour empêcher de transformer ses parties en foire à la statistique : jouer l’action. Et c’est la possibilité qu’offre le retour dans le temps : jouer la séquence d’actions, connaître les résultats de chaque composant et s’adapter en fonction. Ce genre de design ne fonctionnerait pas sans le retour dans le temps. Si les boss des précédents Fire Emblem demandaient des séquences d’actions aussi complexes, la planification deviendrait un cauchemar, entrainant un grand nombre d’erreurs, et ces boss seraient trop létaux pour être considérés des défis adéquats.

Revenons à nos moutons et parlons des interactions entre les mécaniques présentes. Stats, capacités, escouades, les techniques des personnages et de certaines classes telles que canto ou la mobilité des flyers, le design des maps et de leurs objectifs… tous ces éléments entrent en jeu lors des combats, créant une variété de situations tout en donnant au joueur une large gamme d’options. Prenons le scénario d’un ennemi en mêlée à défaire. Meilleure stratégie : Bernadetta et Dorothea le blesse à distance, Caspar va confirmer le kill en mêlée. 100% de vie en moins pour lui, 0% de dégâts pris chez nous. Sauf qu’il y a un autre ennemi à gérer aussi. Changement de plan, Dorothea va utiliser une « Lame enchantée » en premier, elle se prendra la contre-attaque mais ça fera assez de dégâts pour que Caspar l’achève et libérera l’action de Bernadetta, qui ira utiliser son escouade, bloquant l’ennemi sur place jusqu’au tour suivant.

Ce simple scénario montre quelques options disponibles. Maintenant, extrapolez ça à une équipe d’une dizaine de personnages, chacun avec leurs capacités et leur escouade spécifiques, leurs équipements et techniques, leurs classes, contre des ennemis qui ont également certains de ces aspects, sur des maps où il faut se déplacer et se positionner, et je pense que l’on peut conclure que les combats de 3H ont un grand degré de complexité. Un élément intéressant est que les différentes options du joueur sont toujours soumises à une gestion hors combat. L’équipement des armes et des escouades, auquel s’adjoint la gestion économique, mais aussi l’équipement des techniques et des capacités, qui eux ont une gestion de la progression des niveaux d’armes, sans oublier les classes. Ces formes de gestion permettent de familiariser le joueur avec les options possibles avant qu’il n’ait à les utiliser. Cet aspect du design améliore la prise de décision lors des combats, puisque les options possibles auront toujours été présentées, s’assurant que le joueur soit conscient de ses possibilités. De plus, puisque la gestion est un processus actif, les options en découlant sont plus mémorables que si elles étaient offertes sur un plateau.

Toutefois, il y a un système qui est automatique et qui, en l’état, sent le sapin. Parlons des stats, et surtout de la croissance soumise à la rng. Les stats des personnages ont toujours été un système au cœur de la série mais, à mesure des ajouts des autres opus, on est à un point où leur rôle dans les combats a été drastiquement réduit. Les équipements (d’arme, d’anneau, d’escouade…) fournissent eux-mêmes des stats, indépendantes de ceux du level-up. Puis, viennent les stats boosters et les capacités, associées à des bonus lors de leur utilisation. Si là, on reste dans des mécaniques dans l’ordre de l’acceptable, deux autres éléments viennent noircir le tableau. En premier, le fait d’avoir des stats minimums pour chaque classe, conférant la différence en stats en bonus au personnage. Cette mécanique diminue l’importance de la croissance, puisque, peu importe comment évolue un personnage, on peut toujours le réparer en abusant de ce système. Autre élément jouant contre cette croissance : les stats forcées. À chaque niveau, un nombre déterminé par la RNG est comparé au pourcentage de croissance de la stat, et s’il y a réussite, la stat augmente, processus répété pour chaque stat. En théorie, cela signifie qu’il est possible d’avoir un niveau blanc, sans stat… sauf que non. Dans le cas de Byleth et des étudiants, le jeu est codé pour forcer l’augmentation d’un minimum de deux stats, force et magie à défaut. Pourquoi avoir un système autant basé sur la rng, si après il faut passer derrière pour corriger le tir ? Si le but est d’empêcher d’avoir un personnage qu’on aime de devenir une mauvaise unité, alors je qualifierais ces efforts d’inutiles. Trouver une utilité pour un personnage faible est un processus engageant et 3H donne suffisamment d’outils pour rendre ces personnages viables.

Dans le cas des unités magiques, il suffit d’en faire des soigneurs. L’évêque a un bonus au soin, compensant pour une faible magie, et si ce n’est pas assez, équiper le personnage avec un bâton de soin augmentera encore plus ce nombre. De plus, les escouades sont également une voie à explorer. Si un faible charme font des tactiques d’attaque des options peu appétissantes, certaines escouades servent à buffer les alliés, tels que célérité ou rétribution. En les équipant sur ce type de personnages, ils pourront remplir un rôle utilitaire qui aidera les autres unités en combat.

Pour un personnage orienté physique, la classe de brigand, donne, une fois maîtrisée, la technique « Coup fatal », soit un +6 de force lorsque l’unité engage le combat. Ensuite, la classe d’archer offre +20 en précision comme maîtrise de classe et permet de continuer à améliorer l’archerie, jusqu’à ce qu’il soit prêt à accéder à sa classe finale : Archer d’élite. La maîtrise de cette classe offre « Tir chasseur », une capacité qui frappe deux fois, doublant ainsi le bénéfice de « Coup fatal », avec un bonus de précision, de dégâts et de crit. Et voilà, le personnage est devenu utile, il suffit désormais de spammer cette capacité. Et ça, ce n’est que la version « investissement minimal ». Si on ajoute les stats boosters et une panoplie orientée critique (un arc létal, un anneau critique et une escouade), le personnage peut passer pour une bonne unité. Ce qui ressort de ces exemples est que la force d’une unité est moins déterminée par ses stats que par d’autres aspects. Les classes, les capacités, les techniques et par extension les rangs d’arme sont les facteurs déterminants. Si tout ce que Sylvain fait du combat est spammer Coup double avant de canto en sécurité dans les jupes de Mercedes, il peut avoir 0 en vitesse, ça n’influera pas sur sa performance. Les stats sont avant tout un élément qui renforcera son kit mais ne le déterminera pas.

La meilleure illustration est d’utiliser la situation inverse : une unité avec de hautes stats, où la différence entre le gameplay ne jouant que les stats et celui utilisant d’autres aspects de son kit parlera d’elle-même. Donc, parlons de Dimitri. Dimitri, en plus d’être béni de stats de croissance élevés, dispose d’une série d’outils qui font de lui un sérieux candidat pour l’unité la plus forte du jeu. Alors, oui, on peut simplement jouer les stats et l’utiliser pour cliquer sur des ennemis et manger une ou deux attaques. Ça fonctionne, mais soyons un peu aventureux et ajoutons les capacités. Rien d’exceptionnel de ce côté, il s’agit d’arts assez communs, tel que Tourbillon, rajoutant plus de dégâts et de précision. Ils permettent globalement de le rendre plus fort à cliquer des ennemis… jusqu’à ce qu’il reçoive son arme légendaire Areadbhar et débloque « Atrocité », qui offre un bonus de +15 en attaque et +20 en précision, mais aussi multiplie l’attaque de l’arme par trois, puisque « Atrocité » est considéré comme toujours efficace. Là, Dimitri devient le meilleur cliqueur d’ennemi à avoir jamais cliqué. Et quand intervient l’emblème de Blaiddyd, qui offre 10% de chance lorsque Dimitri utilise une capacité de multiplier l’attaque par deux, au prix de deux fois le coût en durabilité, on entre dans le territoire de l’overkill ultime.

Si jusqu’ici, on a le profil d’une unité plus que compétente, Dimitri a en plus un atout qui le rend particulièrement performant. Au niveau A d’autorité, il possède deux compétences : Formation Initiative, qui fait que s’il est attaqué par un ennemi, sa contre-attaque intervient en premier, et Formation Courroux, qui fera que cette attaque aura un bonus de +50 en crit. Un bonus énorme, et qui, avec la panoplie crit dont je parlais plus tôt, donne un sympathique 100% de crit, faisant que la contre-attaque sera létale et préviendra donc les dégâts que Dimitri aurait pris. La condition principale pour activer ces deux compétences, avoir l’escouade à 1/3 d’endurance, est simple et totalement contrôlable par le joueur. Dimitri peut, grâce à ces compétences et cet équipement, se planter au milieu d’une foule d’ennemis et les laisser venir se suicider lorsque la phase ennemie arrive.

En conclusion sur le combat de 3H, il s’agit d’une instance où le jeu excelle, en proposant un gameplay composé de multiples systèmes et mécaniques, avec un focus important placé sur la quantité d’options, laissés à la discrétion du joueur afin qu’il puisse créer sa propre expérience optimale. Sauf que le gameplay pour le bien du gameplay, c’est beau cinq minutes mais ce qui lui donne sa substance est lorsque l’histoire l’utilise pour se construire et se renforcer. Donc, attaquons l’histoire de ce jeu qui, pour être pleinement vécue, demande quatre parties.

Cette particularité rend l’évaluation de la qualité de l’histoire de 3H difficile. Par exemple, le traitement des Serpents des ténèbres dans la route des lions est-il bon ou mauvais ? Sur base de cette seule route, il est facile de deviner qu’ils forment une étrange organisation qui tirent les ficelles dans l’ombre et sont responsables d’événement tragiques, mais leurs origines demeurent un mystère. Si cette route était la seule, il faudrait qualifier ce point de mauvais, puisque créer autant de questions sans jamais vouloir apporter de réponses satisfaisantes serait fainéant. Sauf que les réponses existent… sur les autres routes. La route des lions préfère ne pas les intégrer car elle a un autre focus, qui est Dimitri. La deuxième partie de l’intrigue est clairement son histoire et elle se focalise donc sur son évolution, plutôt que sur les Serpents. Même si nous nous accordions pour appeler la gestion de ce point du scénario comme lacunaire, il faudrait le faire en concédant que cela a permis au scénario de développer d’autres éléments. Notamment Edelgard, l’antagoniste principal. La dernière portion de cette route utilise l’histoire particulière entre Dimitri et d’Edelgard pour développer cette dernière, permettant d’exposer son point de vue sur le monde et ses motivations.

D’une certaine façon, cette importance des différentes routes peut être vue comme une bonne utilisation du médium. La question de la rejouabilité est commune dans le jeu vidéo et l’utiliser dans son scénario n’est que logique. Sauf que j’ai énormément de réserves sur l’exécution de ce concept. Je considère qu’un jeu ultérieur pourrait reprendre cette idée et l’utiliser à meilleur escient. Dans le cas spécifique de 3H, cette approche amène certains problèmes.

Revenons sur les lions. Si Dimitri devient le personnage principal, ça veut dire que Byleth ne l’est plus et ça cause des problèmes. Par exemple, lors de la mort de Rodrigue. Cet événement débute la rédemption de Dimitri et change son parcours drastiquement. Par conséquent, si un problème majeur se trouve sur ce point, cela a un impact sur le reste de l’histoire. Et le problème majeur est simple : Byleth peut revenir dans le temps. Cette mort peut être empêchée et même si elle ne l’est pas, le fait que Byleth n’essaie pas reste un problème. Cela est symptomatique du traitement de Byleth dans cette partie : c’est un personnage secondaire, qui se tient sur le côté, en attendant que l’intrigue ait besoin de ses compétences. Ce phénomène est aggravé quand on prend en considération que Byleth est le personnage-joueur. La scène où Byleth tend la main à Dimitri pour le guider dans son deuil est une scène forte. Néanmoins, dans mon cas, elle a été gâchée par un sentiment de trop peu, trop tard. Ce geste, je voulais le faire dès le début de la partie deux. Sauf que l’intrigue devait le garder pour le moment opportun et à la place, Dimitri m’a envoyé me faire voir. Le traitement de Byleth sacrifie la capacité du joueur à agir sur l’intrigue, pour le bien de raconter l’histoire de Dimitri, et je ne considère pas que la qualité de l’histoire en question soit suffisamment haute pour justifier cette décision. Un autre point noir est la seconde bataille de Gronder, où les cinématiques font référence à un brouillard, au chaos provoqué par la bataille pour justifier la lutte entre l’Alliance et le Royaume… et où la map a une parfaite visibilité, avec des personnages qui se reconnaissent quand ils s’attaquent, créant une incohérence entre les narrations.

Quid des Cerfs dorés ? Un argument peut être fait que, en tant que première route, les cerfs dorés représentent la meilleure option. Après tout, cette route traite de la plupart des points importants du scénario : le sort du royaume et de Dimitri, Edelgard, les Serpents des ténèbres, le destin de l’église, les origines de Byleth… Vrai, sauf que si elle n’est pas jouée en première, elle révèle qu’elle a de sérieuses lacunes vis-à-vis de celles qui adoptent une approche plus focalisée.

La partie deux annonce que Dimitri est mort, puis une mystérieuse force du royaume apparait, mais les personnages nous assurent que ça peut pas être Dimitri, il est mort, on le jure. Puis la bataille de Gronder arrive et, surprise, Dimitri n’est pas mort… pour le temps de cette mission, puisque, juste après, il meure hors-champ. Ajoutez à cela que la question du destin du royaume dans son entièreté n’entre jamais en compte. Aucune mission n’est consacrée à développer ce qu’ils vivent, tout ce qu’on a ce sont des références éparses pour dire que c’est la misère, et l’épilogue qui nous dit que Fodlan est unifié... je ne sais pas comment, mais il l’est. Le royaume n’est pas traité comme une faction mais comme un fardeau mis sur le côté.

Le traitement d’Edelgard pourrait tromper les crédules. Mais une rapide comparaison avec la route église, qui partage la même cinématique lors de sa défaite, révèle un manque de travail sur ce personnage. Sur la route église, Edelgard est un personnage présente tant dans le gameplay que dans les cinématiques, avec un focus qui permet de développer un attachement émotionnel. De plus, les conversations de support permettent d’exposer son histoire personnelle et ses motivations, ce qui renforce le conflit et aide à la comprendre. Grâce à ces éléments, la cinématique gagne une connotation tragique, où l’exécution est un acte nécessaire, mais extrêmement douloureux pour Byleth.

Pendant ce temps, avec les cerfs, Edelgard est une fille qui faisait des commentaires bizarres lors de l’exploration, a trahi l’église et lancé une guerre pour des raisons à peine explorées, et est morte parce que bon, la guerre, c’est pas tiptop. La cinématique a beau être la même, sans le travail en amont pour la rendre signifiante, elle est déplacée, présentée comme le point culminant d’une autre histoire. Le jeu n’essaie même pas d’imiter la route de Dimitri, où son lien avec Edelgard conférait de la profondeur au personnage. Claude et Edelgard n’interagissent presque pas et pas d’une manière qui permettrait d’approfondir leur personnage de façon à impacter l’intrigue.

Et puis il y a le gros morceau : les Serpents des ténèbres, nos vilains très vilains, avec leurs missiles, leur cité de néons et leur dubstep… ce qui ne sont même pas des éléments notables à leur sujet. Non, le plus important à considérer est que, une fois passé ces éléments, il y a très peu d’informations concrètes sur cette faction. Ce que l’on sait de leur histoire est raconté par des sources qui ont clairement des points de vue très différents sur les événements, fournissant des informations qui ne s’assemblent pas pour permettre de se faire une idée précise. Cette manière de présenter l’histoire a des avantages, mais elle a aussi des limitations. Puisqu’il n’est pas possible d’avoir une vision claire de l’histoire de cette faction, cela signifie qu’elle ne peut pas être utilisée comme source d’informations pour la caractériser. Ce qui signifie que la seule source d’informations fiables sont les personnages qui en font partie. Kronya, Solon, Thalès et Cornelia sont des vilains monodimensionnels, des sociopathes sans pitié qui ne reculent devant rien pour accomplir leur objectif. Ce qui amène donc à extrapoler ces caractéristiques sur l’entièreté de leur faction, la rendant en retour monodimensionnelle. Toutefois, un argument peut être fait qu’ils peuvent se permettre un sous-développement, étant donné leur rôle dans l’intrigue. Ils agissent en tant qu’antagonistes secondaires, là où Edelgard est l’antagoniste principal. D’accord, mais dans ce cas, il serait mieux que l’intrigue soit structurée de manière à refléter ce rôle. Il aurait été préférable que la partie un se charge de résoudre totalement la question de cette faction. Dans les faits, avoir un climax où ils sont défaits et les questions qu’ils amènent résolues. Puis, dans la mission suivante, révéler Edelgard comme une menace subséquente, qui lance son plan en utilisant leurs ressources. Une telle approche demanderait une profonde réécriture de 3H, notamment dans sa partie un, mais ultimement, cela éliminerait l’un des gros problèmes de cette faction : cette faction est très présente dans la partie un, disparait pendant la majorité de la partie deux, fait un « coucou, tu veux voir mon missile ? », puis, seulement quand la guerre est terminée, devient la grande menace à absolument éliminer pour l’avant-dernière mission. Cette gestion ne fait pas progresser les événements de manière fluide et logique, mais plutôt avec un rythme en dents de scie, où l’importance de chaque événement empiète sur les autres.

Maintenant, attaquons la seule route qui puisse prétendre différer en tout point des autres. La route d’Edelgard, là où Byleth choisit de s’allier avec l’ennemi et de renverser l’ordre du monde. Une route par nature intéressante… ou qui l’aurait été, si elle avait été finie. Qu’est-ce qui me fait dire qu’elle est incomplète ? Alors, on a une intrigue qui n’a que six missions après le timeskip, comparés à neuf pour l’église et dix pour les lions de saphir et les cerfs dorés. Les deux annexes spécifiques sont une resucée de l'annexe d’Hilda pour Edelgard et celle d’Hubert se tape la forêt scellée, la map du chapitre 10. Pas de bataille à Gronder, alors que c’est la route où ce chapitre faisait sens. Il y a aussi beaucoup de références à un prochain affrontement contre les Serpents, pour que, juste avant la dernière mission, on nous apprenne qu’en fait non, on va travailler ensemble quelques années, et l’épilogue se chargera de cette lutte. Il n’y a qu’une seule cinématique, gardée pour la fin, le jeu utilisant un mix de CG et de cinématique in-game, ce qui réduit l’impact de certains moments.

Ce qui ne nous laisse que la route église. Est-ce que je considère cette route comme la meilleure ? Oui, mais pas par triomphe, plutôt par forfait. La route église a ses propres échecs. L’absence de la bataille à Gronder est justifiable mais l’histoire aurait bénéficier d’une mission juste après, pour examiner les conséquences, plutôt que de mettre des points d’interrogation sur le destin des personnages. La dernière mission est au contraire plus néfaste. Rhéa, suite à ses blessures, passe en mode berserk et devient une menace. Ce à quoi je réponds : c’est possible ? Apparemment, oui, mais de ce que j’avais compris de l’histoire de Sothis, Byleth, Flayn et de l'annexe de Claude, lorsque les enfants de la déesse s’épuisent, ils font une sieste de plusieurs années avant de revenir en forme. Bien que la fin de Rhéa réalise bien l’idée d’une nouvelle aube pour Fodlan, cette réalisation est faite en brisant les règles préétablies et devient donc une incohérence.

Mais le plus gros problème de cette route est le personnage de Byleth. Byleth est un personnage écrit comme un avatar, dont les caractéristiques sont amoindries pour ne pas créer de dissonance entre le joueur et le personnage. Cela se voit à l’usage d’un protagoniste silencieux, commun dans le médium. Également, il y a l’obsession de toujours vouloir présenter un choix de dialogue pour chaque parole de Byleth, une manière de faire croire que le joueur est celui qui choisit de parler. Celle-ci a pour désavantage d’exposer que la plupart des choix ne mènent pas à des divergences significatives dans le dialogue ou le scénario. Le pire exemple se trouve dans les lions de saphir, où Gilbert demande s’il est mieux d’attaquer l’empire par l’est ou l’ouest, pour expliquer après le choix pourquoi l’ouest est une mauvaise idée. Un autre problème de cette particularité du dialogue est que Byleth devient un personnage peu loquace, alors que certains moments de l’intrigue requièrent plus d’une phrase de sa part. Le pire exemple vient sur la route église, juste avant l’infiltration de la capitale impériale. Seteth explique en détail le plan pour l’infiltration, et se retourne sur Byleth pour demander : « c’est ce que vous aviez à l’esprit, pas vrai ? ».

Malgré tous ces aspects négatifs, l’histoire de 3H ne peut pas être considérée comme mauvaise. Un de ses aspects a décidé de sortir le sac à dos le plus large du monde et de porter le reste du titre : les personnages. Avec quatre routes dont les douze premiers chapitres suivent la même succession d’événements, les personnages sont le seul élément qui justifie une telle division. De plus, à travers eux, l’histoire développe d’importants aspects de son monde : Lorenz et Claude développent les divisions politiques au sein de l’alliance, Ingrid et Ashe la culture chevaleresque du royaume, Cyril, Shamir et Petra présentent des pays au-delà de Fodlan, augmentant ainsi l’étendue de l’histoire… Plus important encore : Sylvain, Mercedes, Marianne et beaucoup d’autres ont une histoire personnelle qui démontre l’influence néfaste du système d’emblème, au cœur de l’intrigue, la renforçant avec des exemples concrets. La qualité des personnages, ainsi que leur quantité, est à saluer et est clairement l’une des réussites de 3H.

Néanmoins, ce développement des personnages se fait principalement par les conversations de support, qui sont l’occasion pour le pire défaut de 3H de pointer le bout de son nez. Ce défaut, je l’ai introduit dès la deuxième phrase de cette critique, quand j’ai rappelé que ce jeu a eu deux reports, ce qui est l’un des indices d’un problème de 3H : la production a été lacunaire. Beaucoup des défauts que j’ai cités en amont sont à attribuer à ces conditions. Pourquoi l’exploration perd-t-elle autant de valeur en late game ? Parce que, quand on n’a pas le temps de tout bien faire, il est préférable de s’assurer une bonne première impression, et donc de concentrer ses efforts sur l’early game. Pourquoi les batailles auxiliaires sont-elles aussi simplistes ? Parce qu’un système plus complexe aurait demandé plus de temps de développement. Pourquoi y’a-t-il autant de répétition dans les maps et les points de scénario des quatre routes disponibles ? Parce que répéter un contenu équivaut à multiplier sa valeur, où pour un même temps de développement, vous avez plusieurs instances de jeu.

L’un des autres effets de cette production est un faible niveau de présentation. Sur le plan technique, le jeu se tape des temps de chargement robustes, particulièrement sur les chargements cachés de l’exploration, faisant que les pnjs tardent à popper et que Byleth est adepte de la longue tradition de la « course contre la porte jusqu’à ce que le jeu se réveille ». Le framerate a plus de pertes qu’un spéculateur en crypto-monnaie, notamment dommageable pour les cinématiques en animation, qui visent l’économie avec ses 15 FPS, alors que ce genre de présentation peut habituellement se permettre le moindre framerate des anime plutôt que les 30fps des jeux vidéos. Et entre les textures d’arrière-plan, l’aliasing et la skybox, on est légitimement en position de se demander si la switch vaut mieux qu’une N64.

Les conversations de support souffrent le plus de la faible présentation. Le style « visual novel » n’est pas très demandeur mais dès que le jeu doit montrer une action plus complexe qu’une conversation entre deux personnages, 3H choisit d’utiliser d’invoquer toute la force du hors-champ. Meilleur exemple : Ignatz et Petra, qui démarre lorsqu’ils se heurtent dans le couloir. Donc, écran noir pour ne pas animer la collision. Puis, Petra essaie les lunettes d’Ignatz, et le jeu passe en écran noir pour ne pas avoir à créer un modèle in game, préférant laisser au portrait ce travail.

Sur ce sujet, il est difficile d’avoir une opinion définitive sur les conditions de production. Il est facile de dire que Nintendo aurait dû laisser plus de temps aux développeurs. Mais tous les développeurs seraient heureux avec une production et des ressources infinies. Avec déjà deux reports, il est compréhensible que Nintendo ait choisi de pousser la sortie d’un jeu qui manque de finition mais est parfaitement jouable. De plus, les équipes créatives doivent gérer leurs ressources et adapter leur projet en fonction. Néanmoins, il faut aussi considérer que Fire Emblem n’est pas n’importe quelle saga. Elle a de nombreux fans, une longue histoire de réussite mais aussi d’échecs, au point où Awakening a failli être le dernier jeu. Elle est également une licence phare de Nintendo, sortant sur leur nouvelle console et a donc pour tâche d’assurer sa réussite. Tous ces éléments créent pour les équipes en charge une nécessité de performance et de créer des jeux ambitieux. Malheureusement, dans le cas présent, cette ambition était trop haute pour ce qui était possible.

En conclusion, 3H est probablement le jeu le plus frustrant auquel j’ai joué. La raison est simple : ce que 3H accomplit, il l’accomplit avec brio. La représentation du quotidien, l’émotion de certaines séquences narratives, un gameplay qui pousse les idées de son histoire tout en proposant de grandes profondeur et liberté, un vaste cast de personnages écrits avec soin… Tous ces éléments font de 3H un jeu incroyablement bon. Mais il y aussi tous les moments où 3H montre ses faiblesses : la répétition, la gestion de ses intrigues, les moments d’échec de sa présentation… Tous ces moments diminuent la qualité du jeu et je n’ai à l’esprit que l’image d’un 3H qui n’aurait pas ces défauts, un 3H qui ne se contenterait pas d’être incroyablement bon, mais serait exceptionnel.

Fatuite
9
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le 6 juil. 2022

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Fatuite

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