Forspoken
4.6
Forspoken

Jeu de Luminous Productions, Amy Hennig et Square Enix (2023PlayStation 5)

Vous pouvez retrouver mon avis avec illustrations sur mon blog.

Fut un temps où Forspoken n’était encore connu que sous le titre de Project Athia, dévoilant un personnage évoluant au sein d’un univers épuré, semblant presque voler dans les airs. Le titre se présentait comme une nouvelle licence de Square Enix, un futur hit de la Playstation 5. De quoi allumer des étincelles dans les prunelles des joueurs et ce malgré les reports qu’a subi le titre, initialement prévu le 24 mai 2022. L’accueil final est mitigé, reflet aussi bien de l’attente qui n’avait cessé de s’amplifier que des promesses des trailers. Ironie du sort : c’est Luminous Productions, une des filiales de Square Enix, qui est en charge de ce titre. Le studio avait déjà œuvré sur Final Fantasy XV, là encore un épisode controversé. Pour ma part, je n’ai même pas approché la demo afin de découvrir Forspoken dans son entièreté, sans aucune espérance particulière autre qu’une bonne surprise.


Alfre « Frey » Holland n’est autre que l’héroïne de cet opus ou, plutôt, devrais-je la définir comme anti-héroïne tant elle coche les cases de cet archétype. Retrouvée abandonné bébé auprès du Holland Tunnel, et après avoir été transféré d’une famille d’accueil à une autre, la jeune femme s’est émancipée. Mais ne s’est pas trouvée les meilleurs alliés pour ça, plongeant dans la petite criminalité percluses de vols de voitures et fricotages avec des gangs de rues. Mais Frey mène cette vie dissolue afin d’emmagasiner assez d’argent pour pouvoir quitter la ville et tout recommencer de zéro. Sauf que, s’étant mise à dos quelques acolytes, elle se retrouve sans toit et sans argent à cause d’un incendie criminel. Errant de par les rues, son attention est captée par la vue d’un étrange bracelet au sein d’une boutique laissée sans surveillance. Ce vol à l’arrachée se conclut abruptement : le bracelet s’accroche de lui-même à Frey et la projette au sein d’un autre univers, Athia.


Une narration convenue


Univers fantastique où la magie est omniprésente, Athia est bien loin des contrées fantasmées que l’on accole majoritairement à un tel pitch. La Brume corrompt les terres, amenant les ultimes survivants de ce cataclysme à se réfugier à Cipal, ultime bastion. La cité se découpe en ville haute et basse, n’oubliant pas de séparer le bon grain de l’ivraie même au sein des heures les plus sombres de l’humanité. Cipal est présidée par un Conseil afin de régenter toute cette population et conserver un minimum d’organisation. Un fragile équilibre que l’arrivée de Frey va faire voler en éclats, représentant une menace selon les dires de certains, ou la promesse d’un salut selon d’autres.


Par un concours d’évènements dont je tairais la teneur pour conserver un minimum de surprise, Frey va se confronter aux Tanntas. Anciennes figures quasi divinisées, ces femmes n’étaient autre que les êtres les plus puissants de Athia. A l’image de souveraines, chacune apportait ses bienfaits aussi bien à son propre fief qu’à l’ensemble du monde. Jusqu’au moment où, pour une raison inconnue, leurs bienfaits se sont mués en malédictions, chaque Tannta se retournant contre son propre peuple.


De l’histoire de Forspoken, n’attendez aucune surprise rabattant les cartes, ni de twist surprenant ou de séquence d’émotion à l’impact douloureux. J’avais déjà théorisé quelques idées dès l’introduction au sein de New-York qui se sont révélées juste, et cela n’a jamais cessé durant toute l’avancée. L’intrigue est convenue, accumulant les grands tropes du récit d’aventure mâtiné de figure d’élu. Après un récit peut ne rien révolutionner mais se révéler plaisant car l’univers a des attraits propres à lui, ou les personnages se révèlent attachants. Malheureusement le rythme de Forspoken ne permet pas de développer suffisamment l’un ou l’autre. Le récit se conclut en une dizaine d’heures avec des chapitres au découpage très… particulier. Certains chapitres consistent juste en une ou deux cinématiques et sans l’aspect exploration/voyage pour se rendre à certains points du récit la rapidité de l’intrigue en serait encore davantage ressentie.


Frey a une construction qui aurait pu créer un attachement profond envers le personnage. C’est une fille de la rue, à la verve relevée, ce qui a gêné plus d’un joueur. Mais, en soit, elle s’exprime comme n’importe quelle personne du 21e siècle avec des jurons très communs que l’on lance nous-même soit par surprise, soit sous l’effet de la colère. Je trouve juste dommage que, alors qu’on a un personnage afro-américain, elle soit cataloguée à cet archétype de petite criminelle. Le fait qu’elle ne soit pas le seul personnage non-blanc de l’univers et que d’autres occupent des places plus privilégiées (comme Bellette, membre du Conseil de Athia) permet de nuancer le tout. Ses échanges avec Krav, l’esprit du bracelet (ou « génie de la lampe » devrais-je dire ?) permettent de souligner tout le sarcasme de Frey qui se confronte au cynisme pédant de son compagnon. C’est seulement très dommage que les mêmes lignes de dialogue reviennent souvent. L’une d’elles s’est répétée cinq minutes après. Je vous conseille d’aller dans les options et de réduire la fréquence des échanges entre Krav et Frey pour éviter cette redondance.


Un open-world classique


Un récit qui n’a rien de très relevé ne veut pas pour autant dire qu’il n’y a rien à sauver dans le jeu. L’opus peut briller sur d’autres points et force est de reconnaître que son gameplay est ce « petit quelque chose » qui permet de conserver un bon souvenir de Forspoken. Il demande, néanmoins, un certain temps à être maitrisé et, surtout, d’apprendre une nouvelle magie afin de devenir véritablement amusant. Frey ne dispose, à ses débuts, que d’une magie liée à la terre lui permettant de lancer cailloux et rochers, faire croître des lianes pour enserrer ses ennemis ou concevoir des plantes. L’ajout de nouveaux éléments permet de varier les approches face aux ennemis et de ressentir un véritable gain de puissance. Une simple pression des flèches permet de passer d’un arbre de compétences à l’autre, permettant de déposer un piège enflammé puis de lancer des flèches d’eau sur les adversaires.


La carte vaste et assez vide (hormis quelques ruines et postes de repos) aurait pu se révéler peu plaisante à traverser, sans le recours du parkour magique. A l’instar du premier trailer de Project Athia, Frey s’élance grâce à cette capacité afin de voler, en rase mottes, au sein des plaines et grimper plus aisément des pans de roches. Les ajouts propres au parkour amenés par chaque nouvelle magie rendent l’exploration grisante. Au point que c’est souvent frustrant d’attendre que la barre d’énergie propre au parkour se recharge afin de pouvoir continuer.


Avec plus de cent sorts à débloquer entièrement, Frey a de quoi faire face aux créatures et Tanntas. Mais c’est là aussi un souci de Forspoken que l’on retrouve aussi au sein de sa carte : le studio a vu trop grand. Habituellement, le récit amène le joueur à acquérir de nouveaux atouts et à les utiliser afin de pouvoir progresser. Au sein de Forspoken, l’avancée s’effectue sans trop de réel heurt, même en difficulté Normal. Les boss sont très faciles à vaincre, à tel point que j’ai davantage rencontré de difficultés face à des vagues d’ennemis. Même le boss final relève à peine le niveau. Dès qu’on a compris son gameplay, le combat se conclue en quelques minutes. L’histoire étant rapide, et ne brillant par le nombre affolant d’affrontements, vous aurez plus de chance d’user de votre batterie de sorts en exploration que durant l’intrigue.


Forspoken se prend les pieds dans les multiples erreurs inhérentes au genre de l’open-world. La majorité des quêtes secondaires se déroulant à Cipal, seule la curiosité (et l’envie de nettoyer entièrement les régions) va amener le joueur à s’adonner aux activités qui jalonnent son chemin… et au-delà. Car en suivant l’intrigue, seul environ 10% d’Athia est exploré. Un pourcentage très faible, et je dirais même trop faible. A mon sens, le récit devrait amener le joueur à parcourir au moins la moitié du monde, lui laissant la possibilité d’en découvrir davantage en l’attirant avec quelques activités alléchantes.


Les activités de Forspoken se résument à combattre des monstres en modifiant simplement la recette : exploration de labyrinthe (où il est impossible de se perdre et qui ressemble surtout à un donjon souterrain), nettoyage de ruines, traversée de flash-back… Il y a bien quelques chats à rencontrer que l’on retrouve après dans les haltes de pèlerins, ces postes de repos où Frey peut améliorer son équipement et se reposer. Ou encore des points de vue à prendre en photo afin de les montrer à des enfants de Cipal. Mais à chaque fois il manque quelque chose pour rendre le tout plus attrayant.


Un sentiment de gâchis


Forspoken est un titre que je ne me résous pas à détester vu que des idées en émergent, comme ce gameplay qui permet de combiner parkour et magie. Néanmoins, il y a ce sentiment que le titre aurait pu être bien plus et que l’on ait passé à côté d’une nouvelle licence qui aurait pu se démarquer des autres productions. Athia et son lore sont à peine effleurés tant l’intrigue se concentre sur cette chasse aux Tanntas. Des quêtes secondaires auraient pu servir à étayer tout cela et éviter le sentiment d’un récit si convenu qu’il en est prévisible. Suivre un chat c’est mignon la première fois, mais au bout de la troisième, cela devient lassant. Tant et si bien que lorsque Frey a une illumination, on soupire tant cela fait longtemps que tout était limpide pour nous.


Niveau technique, on est loin de la promesse que Forspoken devait être une des vitrines de la Playstation 5, et même un des grands hits de ses débuts. Entre temps Horizon Forbidden West, Elden Ring et God of War Ragnarok sont passés par là, ce dernier exploitant même les fonctionnalités de la DualSense. Hormis le micro (élément déjà présent sur Playstation 4), Forspoken reste très chiche de ce coté-là. Rien qu’avec l’usage des différents magies, vibrations et retour haptique auraient pu apporter un plus en termes de sensations.


La magie est exaltante à manipuler, surtout après avoir débloqué les différentes arcanes (accessibles seulement en avançant dans l’histoire), multipliant les angles d’approche et conférant à Frey une puissance grisante. L’exploration ne permet que de découvrir de nouveaux sorts, et non d’éléments magiques. La modélisation des effets de sorts est d’ailleurs le plus gros atout technique du titre, en plus de la fluidité de l’action. Comme l’a conseillé Square Enix, j’ai parcouru le jeu en mode performance et n’ait subi aucun bug. Par contre, j’ai bien ressenti la différence de modélisation entre Frey, les PNJS secondaires importants et ceux servant littéralement à donner de la vie à l’ensemble. On est bien loin des promesses du Project Athia.


Il y avait pourtant de l’idée comme dans ces inspirations qui émaillent Athia et puisent aussi bien dans une Antiquité fantasmée où le blanc prédomine que dans les fresques byzantines, que l’on retrouve au sein des postes de pèlerins. Il y a quelque chose de grandiose dans le lyrisme qui émaille la composition musicale menée conjointement par Bear McCreary (compositeur des deux derniers God of War) et Garry Schyman (compositeur de la licence Bioshock). Le système d’équipement aussi se démarquait avec l’usage du vernis conférant à Frey des bonus, sans compter cape et collier à améliorer et dénicher en guise de parure. Vernis d’ailleurs qui se résume aux mains mais qui aurait pu s’étendre aux pieds pour conférer des bonus pour le parkour. Quant aux capes et colliers, ils sont à améliorer via des établis grâce auxquels on leur confère des capacités comme régénérer notre vie, réduire certains types de dégâts, etc. Une fois le récit conclu et en se laissant porter par quelques quêtes, le sentiment persiste : Forspoken aurait pu être bien plus.


Aparté sur les trophées


Open-world oblige, le platine de Forspoken va vous inciter à exécuter toutes les activités présentes sur la carte que ce soit des beffrois à activer, des ruines à purger des monstres qui les peuplent, des labyrinthes à explorer… De même, d’autres sont liés à des actions à exécuter en parkour comme s’élancer un certain nombre de fois, courir plusieurs kilomètres, et d’autres encore reposent sur les affrontements. Que ce soit utiliser certains sorts ou exécuter des contres attaques, tous les grands classiques répondent présents. Ce qui vous demandera le plus de temps et d’abnégation ne sont rien de moins que l’apprentissage complet de tous les sorts et leurs améliorations. Chaque sort dispose d’un défi qui, réussi, améliore l’arcane. Vous ne pouvez activer que trois défis à la fois et devez rejoindre une salle de repos pour en changer. Notez que vous pouvez cesser un défi sans que cela remette le compteur de progression à zéro. De ce que j’ai pu voir, aucun trophée ne peut être manqué ce qui reste toujours appréciable, surtout avec un titre open-world.


En résumé


L’année 2023 va être riche en sorties vidéoludiques, ne serait-ce qu’avec le mois de février. Autant dire que les titres doivent se démarquer rapidement de la concurrence afin de laisser une empreinte positive chez les joueurs. Forspoken n’en fera malheureusement pas parti. Développement chaotique, manque de temps pour accomplir jusqu’au bout son but ? Je ne saurais dire, mais le jeu laisse un goût d’inachevé et de trop peu. Le gameplay permet de relever le tout, promettant des sessions de voltiges qui sont de véritables instants de grâce. Mais cela ne suffit pas pour que Frey devienne un personnage marquant, ni que cette nouvelle licence laisse un souvenir impérissable.

So-chan
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le 5 févr. 2023

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