L'Apocalypse aussi peut être subtile...

Pas bien beau, jouabilité mal foutue, caméra pénible, histoire larmoyante, zéro challenge : autant de défauts qui mériteraient un aller simple dans les oubliettes du jeu vidéo.
Et pourtant, malgré tous ses défauts Fragile est une expérience rare qui marque les esprits.

Fragile nous présente Seto, un adolescent de 15 ans. Seto vient d'enterrer son grand-père, il est seul désormais. Tout ce qu'il lui reste c'est un cristal bleu et une lettre du grand-père qui lui conseille de se diriger vers cette tour rouge qu'on peut voir au loin. Seto se met en route. Comme lui, nous découvrons un monde laissé à l'abandon, sans âme qui vive.

Il y a encore un peu de vie qui subsiste, des chats et des insectes, mais pas d'humains.
Seto refuse d'admettre qu'il est le dernier être humain encore vivant. Justement, il croise une jeune fille aux cheveux argentés qui chante au clair de lune. Elle s'enfuit, il veut la retrouver. C'est là que le jeu commence vraiment.

Que s'est-il passé ? Quand ? Pourquoi ? Qui est Seto ? Et qui est cette fille ? On ne sait pas vraiment mais on imagine grâce à quelques indices subtils.

L'ambiance est le gros point fort de Fragile. On se balade dans différents lieux en ruine (métro désaffecté, parc d'attraction en ruine, hôtel délabré, etc.). Pas de musique d'accompagnement pendant l'exploration, elle est réservée aux cinématiques et aux combats.
Le talent des gens de Tri-Crescendo est de nous faire comprendre les sentiments des protagonistes et du monde plutôt que de nous les expliquer, c'est d'autant plus efficace en termes d'émotions ressenties. Cette impression de tristesse et d'isolement est renforcée par la découverte de différents objets qui « parlent » à Seto, racontant des histoires où la mort et la tristesse sont suggérés.

Face aux spectres qui hantent les lieux, il faut se battre et survivre. Pour ça Seto peut trouver des armes rudimentaires et de la nourriture de-ci de-là. Il y a aussi un marchand à tête de poulet qui peut nous vendre divers items. Mais même avec ça, inutile d'essayer de se balader avec 20 haches et 30 objets de soin : l'inventaire est limité au plus juste, de quoi prendre une ou deux armes et un peu de nourriture, guère plus. Ajoutez à ça que les armes cassent facilement, et qu'il faut en changer souvent, et vous comprendrez que l'optimisation de son inventaire est une clé essentielle pour parcourir Fragile.

Mais voilà, comme je le disais au début de ce texte Fragile a plein de défauts, et pas des petits.
- Déjà c'est pas terrible techniquement, même pour de la Wii. Les textures sont assez faibles par moment, et ce n'est pas en plongeant les niveaux dans le noir qu'on cache la misère bien longtemps. Ça sent le jeu à petit budget.
- Plus grave, la jouabilité laisse sérieusement à désirer lors des nombreux combats : absence de lock sur les ennemis, et le fait de laisser le pointeur de la Wiimote gérer la caméra fait qu'on a parfois du mal à se caler en face des ennemis : on pense frapper une méduse fantôme, mais en fait elle est dans notre dos à riposter. Une situation hélas assez courante.
- Ajoutez à ça l'ergonomie déplorable des menus. Par exemple, il est impossible d'utiliser un objet à partir de son inventaire façon Resident Evil/Silent Hill, il faut passer par un autre menu spécialement dédié. On s'y perd, on s'énerve, c'est n'importe quoi.


Pourtant, malgré tout ça, Fragile parvient à captiver. Son ambiance singulière et son histoire plus subtile qu'il n'y paraît incitent à persévérer. Il y a bien quelques moments plus faibles que d'autres (le pourquoi du comment nous est révélé de façon un peu brutale), mais globalement le jeu se tient de bout en bout, jusqu'à la fin en forme de demi happy-end assez amer.

Killer-app ? Certainement pas.
Futur jeu culte ? Absolument.