Je fais pas ça car je suis un enfoiré, mais pour notre survie - Frostpunk

Après un This War of Mine ayant marqué les joueurs notamment pour sa narration jugée brillante, 11 bit studios sort le 24 avril 2018 un titre totalement différent de leur précédente œuvre. Effectivement, on a affaire à un city-builder nommé Frostpunk, ne se concentrant pas sur le développement d'une ville jusqu'à devenir une gargantuesque mégapole, mais sur un groupe de survivants tentant le tout pour le tout, en construisant une cité capable de résister à un froid cataclysmique, provoqué en 1886 par l'éruption du Krakatoa et du Mont Tambora, masquant le soleil. Vous êtes le chef de ce nouvel avenir et vous devrez faire en sortes de garder votre place en gérant non seulement les besoins d'une population terrorisée, en proie au désespoir, mais aussi une température devenant toujours plus glaciale. L'unique chance de survivre : allumer un immense générateur présent au milieu d'un cratère.

C'est dans ce postulat de départ que la campagne principale de Frostpunk commence, un petit nombre d'habitants au départ, réparti en trois groupes différents, les ouvriers, les ingénieurs et les enfants. Chacun a un rôle précis, les ouvriers réalisent les tâches physiques, les ingénieurs s'occupent des postes requérant une certaine technicité et un savoir-faire et enfin les enfants où nos choix influenceront leur future routine, pouvant devenir comme les ouvriers à travailler, ou en aidant les ingénieurs dans leurs tâches. Nous sommes directement dans l'urgence, le générateur est éteint et il faut aller récupérer des ressources trouvables dans le cratère, ainsi, on pourra élaborer les bases de la ville et démarrer cette source de chaleur. L'atelier est le bâtiment primordial pour faire de la recherche et ainsi construire des bâtiments plus sophistiqués permettant de puiser dans des réserves inépuisables et constamment approvisionner la ville en charbon, en bois, en acier et en vivres crues et ainsi espérer la survie de la nouvelle cité. La balise servira à envoyer des explorateurs découvrir les environs et sauver des rescapés de ce froid mortel en plus de récolter quelques restes laissés à l'abandon. Une fois la situation stabilisée, il faudra chercher Nidhiver, et faire face à une terrible réalité...

Diverses lois peuvent être acceptées, pouvant altérer le fonctionnement de la ville ainsi que l'humeur des habitants, quelques boites de dialogue montreront leur inquiétude, ou leur joie, ceci jouant beaucoup sur l'aspect narratif et même moral, mais je vais poser dorénavant mon premier reproche. On ne peut pas abroger une quelconque loi. Autant ça peut se comprendre pour quelques-unes, mais sérieusement, le travail des enfants ou les rotations d'urgence, mon premier souci, c'est que ça me semble tout à fait abrogeable (évidemment), mais qu'en plus de ça, la dimension morale par rapport à nos choix quelque peu déplacés ne marche pas vraiment, du fait qu'on soit au départ dans l'urgence, il aurait été intelligent de pouvoir plus tard retirer des lois qui ne sont plus primordiales pour la survie de la ville, on est aucunement culpabilisé de devoir le faire car la survie en dépend. La narration du jeu en prend un sacré coup, car si elle part d'une bonne idée, les failles de celle-ci sautent aux yeux. Mais si ce n'était que ça.

Un gros défaut qui touche non seulement pas que la narration mais aussi le gameplay, les campagnes sont scriptées à mort !

On retrouve tout ça à chaque nouvelle partie. C'est la même chose pour les autres campagnes du jeu où le côté aléatoire est presque inexistant. Et ne comptez pas sur le mode Sans Fin non plus, il n'y a de toute façon aucune histoire à raconter. C'est frustrant car ça aurait pu marcher, mais la mayonnaise ne prend jamais et on met en place des stratégies pour les parties suivantes, ce qui désert complètement l'immersion, car on a la connaissance des évènements futurs.

Au fil des jours, les périodes de froid seront de plus en plus fréquentes, tandis qu'une immense tempête glaciale menaçant de geler tout sur son passage s'approche. Il faut donc rechercher de quoi afin d'améliorer le générateur pour qu'il produise davantage de chaleur, en contrepartie de plus de charbons qu'il faudra au préalable récolter tout en ayant un rendement supérieur à ce qu'on dépense dans tout ce qui est lié pour chauffer notre lieu de survie. Une bonne gestion économique dans le charbon et la nourriture s'impose tout comme pour le bois, l'acier, et plus rarement les noyaux à vapeur, amenant à la construction des bâtiments les plus complexes, mais aussi d'automates pouvant s'occuper de diverses tâches sans avoir besoin d'une quelconque pause ou être dérangé par le froid. On en a assez peu parlé, mais pour que les employés fassent leur routine dans les conditions les plus optimales possibles, la température du lieu de travail ainsi que du chez-soi doit être le plus proche possible du niveau « confortable », on peut facilement voir si un édifice est trop froid grâce au filtre thermique ce qui permet de savoir avec aisance si on doit enclencher le chauffage ou se mettre à la construction d'un foyer à vapeur, tout en gardant en tête que ça va consommer toujours plus de charbons. Au final, le stress ressentit face à cette ultime tentative de survie face à cet éternel Hiver quant au fait de devoir avoir des bâtiments un minimum chaud est présent continuellement, surtout que certains se mettent à ne plus pouvoir fonctionner si la température est bien trop glaciale. Il faut réfléchir régulièrement à ce talon d’Achille car si on commence avec « seulement » -20°C, ça peut descendre jusqu'à les -150°C. Optimiser la routine de ses habitants en plus de ne pas trop traîner s'avère primordial.

Frostpunk baigne dans une ambiance particulièrement steampunk avec les nombreuses machines à vapeur et les automates assez particuliers du jeu. Le cratère se transforme petit à petit d'un espace de construction quasiment vierge à une ville très industrielle. On est face à un city-builder avec une patte graphique assez originale, se mêlant à la neige et tout ce qui s'en rapproche. Si on peut reprocher le faible nombre de bâtiments différents, heureusement balancé grâce au soin apporté aux graphismes du jeu et aussi les différentes versions de certains édifices ayant pour but d'augmenter leur efficacité. On peut aussi observer la population mener à bien leur train de vie ou les automates bouger tout en se posant cette sublime question « c'est quand même incroyable que ces machines puissent faire autant de tâches différentes ». J'avertis d'une chose, par contre, Frostpunk a tendance à être très gourmand en ressource, j'ai déjà eu des crash avec une GTX 1060 avec une partie plutôt avancée (!).

Le gros point fort du titre s'avère être son sound-design, entendre un vent glacial souffler quand la température du jeu augmente l'immersion, c'est tout bête, mais c'est ce qui participe à vraiment apprécier les divers sons du jeu. Je vous recommande même d'être dans un environnement tranquille avec un casque pour y jouer, ça sera encore plus plaisant. Chaque petit bruit du jeu est excellent et on sent vraiment le travail qu'il y a eu derrière. Par dessus tout, la bande-son, si y a assez peu de musiques différentes, elles sont toutes excellentes. Bordel ! Le frisson quand la grande tempête arrive et que l'OST « THE CITY MUST SURVIVE » se joue, même après avoir fait quelques parties, j'en ai encore des sensations ! C'est épique au possible et voir que malgré notre générateur au niveau maximum et le surmultiplicateur activé n'arrive pas à contrer ce froid effroyable, que l'espoir est littéralement entrain de fondre et le nombre de malades qui s'accumule en permanence. Et surtout à la fin, quand on doit survivre à une température de -150°C durant quelques heures et que l'intégralité de la population, frigorifiée comme jamais, tente désespérément de survivre... jusqu'à ce fameux miracle où la tempête s'arrête. Wouaw, je dois avouer que j'ai rarement senti un mélange entre la détermination et la panique aussi intense.

Le dernier gros problème de Frostpunk, dont j'en avais déjà un peu discuté précédemment, c'est sa durée de vie assez faible liée à un gros manque de rejouabilité, un comble pour un city-builder, un genre puisant sur la variété des possibilités de « gagner ». Le problème étant que le livre des lois est assez peu flexible, seulement deux grands choix différents disponibles à un certain point du jeu pouvant varier un peu le gameplay (ce qui est un peu un grand mot car même si les bâtiments proposés en conséquence sont différents, les effets sont très semblables). Les campagnes du jeu offrent quelques petites variantes, mais malgré ça, les activités à faire restent sensiblement les mêmes. Ne comptez pas sur le mode Sans Fin, qui deviendra très répétitif rapidement (à peu près vers le jour 30-40) et où vous aurez juste à... regarder. Qui plus est, j'ai remarqué que le nombre d'habitants maximum bloquait vers environ 650-700, après vous ne pourrez pas avoir de nouvelles têtes dans votre ville, ce qui est assez incompréhensible.

Disons-le directement, j'ai passé un très bon moment sur Frostpunk, mais à mon grand malheur, le titre de 11 bit studios a rapidement montré ses limites autant dans son gameplay que dans sa narration, pas dénuée d'intérêt mais très loin d'avoir une dimension morale développée, ou cohérente. A côté de cela, les personnes voulant chercher un city-builder plutôt original et avec une réalisation technique de très bonne facture peuvent se tourner sur Frostpunk, offrant tout de même des bonnes surprises.