Marathom Clancy : 6/8
Revenons un instant en 2011, et au lancement de la 3DS, que j'ai déjà abordé à quelques reprises. La console est sortie avec une liste de jeu ridiculement faible et franchement peu alléchante, alternant entre portages dégradés (Les Sims 3, Street Fighter 4…), démos techniques (Pilotwings Resort) et suites inintéressantes (Super Monkey Ball, Nintendogs…).
Si ce lancement catastrophique a mis à mal l'image de la console pendant plusieurs mois (et on ne peut que regretter que la Switch 2 ne subisse pas les mêmes problèmes 14 ans après), une autre victime collatérale de cet échec est ce Tom Clancy's Ghost Recon: Shadow Wars qui était un des rares titres originaux (dans tous les sens du terme) disponibles le 25 mars 2011, voire le seul. A la décharge de Nintendo, Ubisoft avait beaucoup plus mis en avant les autres titres de son catalogue au lancement, comme les portages de Rayman 2 et Splinter Cell Chaos Theory ou leur titre original Combats de Géants Dinosaures 3D.
Parlons donc un peu du titre. Il s'agit d'un spin-off de la série Ghost Recon, qui personnellement ne m'évoque rien, mais qui a fait les beaux jours du genre Tactical Shooter, un sous-genre du FPS favorisant une approche plus lente du champ de bataille.
Ce spin-off abandonne donc ce genre, pour un autre qui est parfaitement dans sa lignée : le Tactical RPG. Comme dans un Fire Emblem ou Advance Wars, on contrôle donc nos unités au tour par tour dans des maps découpées en cases, et chaque personnage a ses propres caractéristiques de déplacement, dégâts, capacités spéciales, etc. C'est assez chouette de voir que le genre était disponible dès le lancement de la console, vu qu'il a fallu attendre plus d'un an avant que FE Awakening ne sorte, avec un marketing plus poussé le jeu aurait tout à fait pu séduire les fans du genre, plutôt nombreux sur consoles Nintendo.
Loin d'être un spin-off créé à la va-vite, le jeu a en effet pas mal d'arguments pour lui. Sa durée de vie déjà, puisqu'il comporte au total 55 niveaux, un chiffre très respectable pour le genre (les FE ou AW ont en général entre 20 et 30 niveaux), répartis entre les modes campagne et missions spéciales. Chaque niveau peut être fini dans trois modes de difficulté, et les niveaux du mode campagne comportent des défis annexes permettant d'améliorer le niveau de nos personnages et de débloquer de nouvelles caractéristiques pour chacun. Sans rentrer dans le détail, c'est très complet ! Le mode de difficulté le plus élevé offre même un bon challenge.
Les aficionados des vieux FE seront également ravis de savoir que la mort de nos unités n'est pas une option dans ce jeu, puisqu'il faut impérativement que l'intégralité des personnages jouables (et leurs éventuels alliés) survive à chaque niveau. La contrainte peut paraître assez rude, en particulier dans les niveaux les plus longs où il y a pas mal de risques de perdre une unité sur un seul déplacement mal calculé, heureusement le jeu inclut une fonction de sauvegarde rapide qui permet de reprendre la partie à ce point en cas de Game Over. Je ne m'en suis toutefois rendu compte qu'à la moitié du jeu, cette option étant bien cachée dans le menu de pause.
Notons tout de même que, si les personnages sont suffisamment variés (on retrouve les poncifs du genre : la healeuse, le sniper, le gros tank, le gars équilibré…), ils ne sont qu'au nombre de 6, ce qui crée une certaine redondance au cours du jeu puisqu'au delà du chapitre 2, les unités ne se renouvellent pas, exception faite d'un personnage spécial qui est inclus à l'équipe dans certaines missions uniquement.
Pour parler d'aspects moins reluisants du titre, le jeu est graphiquement assez moyen et a une DA très sombre, qui n'aide pas toujours à la bonne lisibilité de l'action. Les cinématiques sont également assez vilaines, quand elles ne se contentent pas de nous balancer des dialogues sous forme de pavés de textes non doublés. Notons aussi que pour un jeu de lancement, l'effet 3D est plus qu'anecdotique, c'est dommage car certaines cinématiques ou attaques (comme les tirs de mortier) se marieraient bien avec ce gimmick.
Il faut aussi parler de la bande-son, qui doit être composée de trois pistes différentes (les menus, les cartes des chapitres 1-6 et les cartes du chapitre 7) et qui, si elle se prête bien au style de jeu, mériterait franchement d'être plus étoffée. Elle participe à son échelle au sentiment de répétitivité qu'on ressent passée la moitié du jeu.
Il est aussi dommage que le jeu n'exploite pas plus le stylet dans sa gestion des menus, les développeurs semblent avoir totalement oublié que la 3DS avait un écran tactile.
Quant au scénario, s'il n'est vraiment pas très imaginatif, il résonne d'une drôle de manière en 2025 puisqu'il décrit une faction séparatiste de l'armée russe qui envahit le Kazakhstan et… l'Ukraine ! Les USA sont donc appelés à la rescousse pour protéger la population locale et la démocratie, comme ils ont si bien su le faire par le passé (Irak, Afghanistan, Viêtnam…).
Si les événements du jeu sont bien différents de ceux que l'on connaît aujourd'hui, ça fait tout de même drôle de lire des noms de villes désormais bien connues, comme Sébastopol ou Tchernigov.
Shadow Wars est loin d'être parfait, en particulier dans sa présentation qui laisse à désirer, mais il m'a agréablement surpris, que ce soit par la générosité de son contenu ou simplement par l'efficacité de son gameplay, alors que c'est un jeu totalement oublié aujourd'hui (si tant est qu'il ait été connu un jour).
Je le considère sans souci comme une pépite cachée de la console, et probablement son meilleur titre de lancement. La concurrence n'était certes pas rude, mais il a malheureusement été éclipsé, et c'est dommage.