Je me rappelle très bien de la découverte de ce jeu au moment de sa sortie sur PS2. Un article dans le magazine Edge me laissait indifférent : sa violence le rendait classique parmi toute la production concurrente. Je feuilletais sa review sans même y prêter une once d’attention pour passer à la suite du magazine. Mais la sortie de sa séquelle sur la même console était toute autre. Ses graphismes et son dynamisme m’ont convaincu d’acheter une PS2. Dès lors, mon opinion sur la série changea. Je gardais longtemps l’envie de donner une chance au premier.
Dans sa version portable, les combats restent jouissifs. Les sensations de puissance, de souplesse et de vitesse ne sont en rien amoindris par la réduction du support matériel. Le jeu ne donne pas autant dans la démesure que ses successeurs, mais replacé dans le contexte de sa sortie, l’on peut aisément comprendre la forte impression qu’il procurait. Malheureusement, l’exercice n’est pas parfait.
La première grande frustration tient en trois lettres : QTE. Beaucoup de reproches et de négations ont été écrits sur ce concept. Je pense que je fais partie de cette catégorie de personnes qui rejettent ce gameplay. Shenmue, Heavy Rain, et aujourd’hui God of War. Si leur justification consiste en une meilleure mise en scène, en y ajoutant un souffle épique telle la cerise sur le gâteau, la récompense animée d’un combat excitant, je n’y émettrais aucune objection. Mais ici, l’échec est dû à une fenêtre de temps trop petite à la validation des entrées du joueur. Il m’est arrivé de perdre 1/2h, de recommencer le même combat face à des adversaires non pas trop forts, mais juste en raison de QTE trop exigeants. Autant en déduire au passage que Dragon’s Lair et Road Avenger ne me sont clairement pas destinés.
L’autre insatisfaction concerne les phases de plateforme. Bien entendu, God of War n’est pas de la même catégorie que Super Meat Boy à la maniabilité sans faille. Pourtant, les concepteurs du jeu n’hésitent pas à proposer des épreuves similaires avec des déplacements trop approximatifs, des collisions hasardeuses et imprécises. Une vue 3D ne sera jamais aussi confortable qu’une 2D pour l’appréciation des distances, surtout quand la caméra se place à certains angles et ne dévoile pas assez l’espace pour anticiper les obstacles. On arrive même à ressentir une injustice causée par des morts à répétition : une phase sous l’eau où il faut se faufiler entre des herses tirées par une chaine, des chemins étroits suspendus dont la chute est mortelle, l’escalade de piliers rotatifs dans le royaume d’Hadès, …Le jeu n’aurait pas dû s’aventurer dans un gameplay qui ne lui appartient pas : il brille autant dans le beat-them-all qu’il pâlit dans la plateforme. Mes échecs de Super Meat Boy me donnaient envie de reprendre le niveau, Bloodborne m’encourageait à repartir au front, quand God of War m’exaspérait et me décourageait.
L’agacement gagne à la moitié du jeu, notamment à cause de ces phases de plateforme. Le plaisir des combats ne peut plus sauver l’intérêt. Après avoir résisté aux invitations à passer en mode facile, j’ai décidé de ravaler mon orgueil et de franchir le pas afin de venir rapidement à bout. Le volume suivant ne semblait pourtant pas aussi décevant.
God of War propose enfin des énigmes à résoudre, certes pas très alambiquées, mais qui ont le mérite de poser le rythme, de profiter d’accalmies entre deux moments sanglants. A bien y regarder, le cahier des charges rappelle la série Uncharted avec cette alternance d’action, de phases de plateforme, et d’énigmes. Mais tandis que Drake jouit d’un immense capital sympathie, tant dans sa personnalité, son aventure que dans ses lieux visités, God of War nous propose des hectolitres de sang, une profusion de rouge et d’ocre, de l’horreur du début à la fin, et une musique assourdissante. Le décor manque d’originalité et nous enferme trop souvent à l’intérieur de temples et de montagnes.
Le développement du prochain opus sur PS4 ayant surpris plus d’un lors de l’E3 2016 avec sa direction nordique et paternaliste, je souhaitais me préparer à son arrivée pour en profiter pleinement, en parcourant les titres qui ont fondé son histoire. Malgré ses défauts, God Of War premier du nom sur PS Vita reste intéressant dans le cadre culturel. Les bases sont bel et bien présentes. Je ne reviendrai jamais assez sur le dynamisme de son action. God of War était probablement le renouveau d’un style laissé à l’abandon au temps de l’émergence du FPS, et augure bien la réussite de ses suites. Castlevania: Lords of Shadow, DMC Devil May Cry, Bayonetta, d’autres ont clairement suivi ses pas. Il est malheureusement extrêmement frustrant aujourd’hui, ce qui est étonnant pour un jeu encensé à son époque. Les standards actuels auraient-ils évolué ? Souffrirait-il simplement de l’archaïsme de son game design ?
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