F2P et god game, un mélange difficile
Il y a deux façons d'aborder le F2P, et de manière général, les achats in-game: la première consiste à proposer des achats esthétiques ou des fonctionnalités accessoires qui n'ont pas d'impact essentiels sur le gameplay. C'est ce que font les MOBA comme Dota2 ou Heroes of Newerth. La seconde est d'intégrer ces mécanismes d'achats in-game dans le gameplay afin d'inciter les joueurs ambitieux, impatients ou "compétitifs" à délier le cordon de leur bourse. C'est ce que fait Hearthstone et Godus. Mais là où Hearthstone, en tant que jeux de carte à collectionner, s'accomode très bien de ces mécanismes, en quelques sorte calqués sur les équivalents physiques de ce type de jeu, pour Godus, qui se prétend un God-game, le mélange est contre-nature et pas loin de tuer le jeu.
L'important ici étant évidemment le "pas loin". Parce que Molyneux et son équipe ne sont pas des clenches, et qu'ils savent équilibrer un jeu. Ainsi, il est possible de bien s'en sortir sans débourser le moindre centime. Et la progression avec différents objectifs dépendants de différentes variables (nombre d'habitants, de champs, de mines qui débloquent des cartes, à leur tours activées avec des stickers récoltés au grès des orages et de missions "à la lemmings" combinés avec des objectifs d'expansions liés à la production de ressource) est suffisamment accessible pour donner envie de continuer à investir son temps dans le jeu. Reste que la linéarité et le manque de choix (un comble pour un god-game) rapproche plus Godus d'un bête jeu de time management sur Facebook que d'un Populous.
Car finalement, la seule chose qui vous pousse à payer, c'est que les actions prennent du temps. La génération de ressource prend du temps. La construction de bâtiment prend du temps. La récolte de stickers prend du temps. L'accès à de nouvelles missions prend du temps. Vous pouvez accélérer tout cela avec des gemmes, disponibles en petite quantité, et achetables conte euros sonnants et trébuchants. Ou vous pouvez tapoter vos constructeurs puis fermiers gratuitement pour qu'ils ne partent se reposer toutes les 3 minutes et continuent à être utile. Vous pouvez accéder aux jeux toutes les demi-heures pour optimiser votre récolte de foi et de blé afin de maximiser la production. Cet aspect "time management" devient, en réalité, le seul mécanisme de gameplay en fonctionnement, la seule difficulté face à votre expansion (à part le mini-jeu des missions, dont la difficulté tient principalement à l'imprécision du modelage de terrain sur iPad). Difficile de se sentir un Dieu face à ça.
Le second reproche, et peut-être le pire, que l'on peut faire à ce jeu, est le manque d'alternative dont on dispose. Il n'y a qu'une seule façon de construire sa civilisation afin de la voir prospérer. Le bonheur est obligatoire, la spécialisation de votre peuple impossible. Vous devez être un Dieu bienveillant (malgré vos pouvoirs destructeurs dont l'utilité est nulle, à part pour faire baisser temporairement le bonheur du peuple adversaire, avec un impact sur le jeu proche de 0), et voter peuple devra être un peuple en équilibre entre fermiers, mineurs et constructeurs. Vous vouliez faire un peuple troglodytes qui ne vit que dans les montagnes et qui craint un Dieu colérique? Il faudra repasser.
Troisième reproche, plus anecdotique, est l'obligation d'être toujours connecté, sans que cela apporte la moindre fonctionnalité. Je ne suis pas un ayatollah du jeu offline (je n'avais aucun soucis de principe de voir SimCity être un jeu connecté, par exemple), mais pour un soft iPad auquel on va jouer en mobilité, empêcher le jouer de continuer sa partie lorsqu'il passe hors-ligne, et la resynchroniser quelques minutes/heures plus tard me semble être une fonctionnalité de base. Encore plus quand il n'existe aucune interaction entre joueurs connectés.
Bref, le jeu fonctionne grâce à des mécanismes de progressions bien huilés qui gardent le joueur accroché pendant un bon moment en lui faisant miroiter des objectifs atteignables, le tout dans un environnement joli. Mais on est loin d'un jeu qui offre une nouvelle jeunesse au F2P, et encore plus loin d'un nouveau god-game à la Black&White.