Il y a quelque chose de profondément rassurant dans Golden Sun. Comme si, à l’époque où il est sorti, il représentait cette promesse que même sur une console portable, on pouvait vivre un vrai RPG, dense, long, mystérieux, plein de magie et de secrets.
Aujourd’hui encore, en y repensant, je ressens une forme de gratitude pour ce jeu qui a su allier ambition technique, direction artistique limpide, et mécanique originale, tout en conservant un cœur de joueur simple, l’envie d’avancer, d’explorer, d’expérimenter.
D’entrée on peut constaté quelque chose d'impressionnant, c’est la maîtrise technique du jeu sur GBA. C’est un petit tour de force visuel, des décors en pseudo-3D isométrique, des effets de lumière et de particules incroyablement riches pour la machine, des sorts spectaculaires en combat, certains évoquant carrément la Super Nintendo sous stéroïdes. Camelot a réussi à donner de l’ampleur à un RPG qui aurait pu se contenter du minimum.
Ce soin constant rend l’aventure incroyablement plaisante à l’œil, même aujourd’hui.
Mais Golden Sun, ce n’est pas que de l’enrobage.
C’est surtout un jeu qui cherche à réinventer la manière de jouer avec la magie. Les Psynergies, c’est-à-dire les pouvoirs magiques utilisés en-dehors des combats, sont au cœur de cette idée. Tu ne lances pas juste un sort pour faire du dégât, mais aussi pour résoudre des énigmes hors combats. Tu utilises “Frost” pour créer des piliers de glace sur la carte, “Move” pour faire glisser des blocs, “Reveal” pour dévoiler des passages cachés. Et très vite, le jeu devient un immense puzzle en mouvement, où chaque village, chaque grotte, chaque recoin te propose un mini-casse-tête qui t’oblige à réfléchir à ta panoplie de sorts.
Cette idée, toute simple en apparence, change le rapport au monde. On ne court pas bêtement d’un point A à un point B, on observe, on teste, on devine. Et cette mécanique donne à l’exploration un sens rare dans les RPG de l’époque, une vraie interactivité, une impression que l’environnement répond à toi.
C'était un âge, ou beaucoup se plaignait des rencontres aléatoires, des combats qui se lançaient de manières agressives pendant les explorations... Ici, on arrivait à mieux l'encaisser, car ces phases d'xp, nous permettaient aussi de prendre du recul sur les énigmes et donc de pouvoir mieux les sonder!
À ça s’ajoute un système de Djinns aussi génial qu’un peu cryptique. Chaque personnage peut équiper ces petites créatures élémentaires, qui modifient ses stats, ses classes, ses compétences, et même la magie qu’il apprend. Et en combat, tu peux les utiliser pour déclencher des invocations dévastatrices, mais au prix d’un changement de configuration. Ce système donne un vrai plaisir d’expérimentation, on jongle entre Djinns “équipés”, “standby” et “utilisés” pour optimiser ses combos et changer son style à la volée.
Mais, et c’est là une première limite, le jeu ne t’explique pas bien tout ça. Il t’en parle, il te montre, puis il te laisse dans le flou. C’est à toi de comprendre ce que modifie l’ordre des Djinns, comment se déclenche telle ou telle classe, quelles invocations sont liées à quels éléments. C’est passionnant pour les curieux, un peu opaque pour les autres.
Autre point sensible... Le rythme narratif. Le jeu prend son temps. Et pas qu’un peu. Les dialogues sont longs, parfois infiniment répétitifs, avec des personnages qui répètent trois fois la même idée. On sent que Camelot voulait créer une fresque avec enjeux géopolitiques, anciens artefacts, civilisations perdues… mais le ton reste souvent très scolaire, comme si on te sur-expliquait ce que tu avais déjà compris. C’est dommage, car l’univers est intriguant, et la séparation en deux épisodes (Golden Sun puis The Lost Age) promettait une narration ambitieuse. Mais on aurait clairement pu dire les choses plus vite, plus fort, plus dense.
Côté combats, pour y revenir un coup, rien à redire. Fluides, lisibles, dynamiques, avec un bon équilibre entre attaques physiques, magies, buffs, debuffs, et invocations spectaculaires. La possibilité de personnaliser ses classes via les Djinns donne une vraie profondeur stratégique, et même si la difficulté n’est jamais très haute, il y a toujours cette petite tension, vais-je sacrifier un Djinn pour lancer une invocation, au risque d’être vulnérable derrière ? C’est subtil, gratifiant, et franchement bien pensé.
Puis il y a la musique, composée par Motoi Sakuraba, qui apporte ce qu’il faut de lyrisme et de mystère. Les thèmes de village, les donjons, la carte du monde… tout est là pour renforcer cette sensation d’épopée douce, presque contemplative. On est dans un RPG à taille humaine, mais qui parvient à faire croire à quelque chose de beaucoup plus grand.
Malgré sa lenteur, ses dialogues trop verbeux, et une narration un peu datée, Golden Sun réussit là où beaucoup échouent, il donne envie de jouer, d’essayer, d’explorer. C’est un jeu généreux, beau, mécaniquement riche, qui a marqué la GBA comme peu d’autres. Même aujourd’hui, il reste un petit monument de RPG portable. Une aventure qu’on n’oublie pas.