GRIS
7.5
GRIS

Jeu de Nomada Studio, Berlinist et Devolver Digital (2018Nintendo Switch)

Au gris qui ronge les âmes souvent les couleurs jaillissent

Gris n'est pas un cas d'école, on ne peut ni le vivre ni garder une approche plus conventionnelle. Même si on s'accordera sur le fait que le jeux vidéo est un art, il faut bien avouer qu'il est souvent consommé consciemment ou inconsciemment par une majorité de joueur. Loin de moi l'idée de présenter GRIS comme "le seul jeu vidéo pouvant prétendre être une œuvre d'art", juste que comme Journey, il met en opposition 2 types joueurs: ceux qui cherchent l'émotion et ceux qui cherchent le divertissement.
Cette opposition peut être généralisée à l'art avec ses deux facettes: l'instruction et le partage/rassemblement, parfois associés, souvent opposés ou l'un ne peut vaincre, perdre ou exister sans l'autre, un combat certes puéril mais nécessaire car forçant les développeur à composer avec les forces et faiblesses de chacun. Mais bref je divague, ce sujet trop peu traité mériterait à lui seul une critique.


On peut grossièrement résumer GRIS comme ça, ceux qui voulaient une expérience vidéo-ludique ont été ravis et ceux qui s’attendaient à un jeu vidéo ont été déçus. GRIS n'est pas un jeu vidéo, enfin dans sa démarche artistique. On est donc ici plus face à une aventure interactive; Car cette interactivité qui fait du jeu vidéo un art à part entière est ici brimée. Le son et l'image nous poussent à la contemplation vont presque en contradiction avec l'idée d'avoir une manette dans les mains (ne me faite pas dire ce que je n'ai pas dit, la contemplation dans le jeu vidéo existe, mais contrairement à un Witcher 3 ou à un Breath of the Wild elle est ici plus statique, comme un tableau, ce qui donne cette étrange impression qu'on ne veut pas avancer), de plus on subit l’illusion d’un choix avec un chemin en réalité tout tracé alors qu’on a un monde en apparence ouverte (les différentes possibilités de routes étant bouchées). En nous obligeant à prendre la manette pour faire évoluer l'histoire, on nous force émotionnellement à éprouver de l'empathie pour GRIS. Ce qui nous pousse, plus qu'à suivre son aventure, à vivre son périple. Périple dont nous allons parler maintenant.


Tout est centré autour du deuil, il est donc logique de voir de voir l'histoire commencer avec la mort et de finir le deuil de celui-ci. Tout commence avec la statue soutenant l'héroïne qui s’effondre (la mort de l'être aimé) qui aura pour effet de la faire chuté (elle sombre) mais surtout de la faire taire (elle se ferme au monde). C'est d'ailleurs au fond du trou que commence réellement le jeu.
A partir de maintenant pour développer son histoire, le jeu va se construire sur trois axes : les phases du deuil, la couleur et le décor, les trois intiment liés pour créer une fresque non pas réaliste sur un regard extérieur, mais parlante sur les sentiments du deuil.
Mais avant de parler réellement de deuil, faut-il encore encaisser la mort de l'être aimé. C'est ce à quoi le jeu va nous faire face avec le prologue et une héroïne tremblotante, qui chute souvent, à chaque fois qu’on essaie de faire une action (appuyer sur une autre touche que le stick directionnel) notamment. C’est avec l’apparition d’un peu de vie dans le décore (brume + animaux) que l’héroïne va se mettre à regarder le ciel. Maintenant armée d’une envie de subsister, le deuil va pouvoir commencer.


Le déni, plus que le refus de la mort, c’est le besoin de se cacher dans une bulle paisible pour ne pas avoir à faire face à la réalité. On retrouve cette idée d’évoluer dans un monde sans vies, sans couleurs. Ce qui va faire évoluer son dénis, c’est l’apparition de ses petites étoiles lumineuses, représentant ce qu’elle aime mais aussi ses souvenirs (voir fin secrète). Les souvenirs sont indispensables pour la faire avancer, on ne peut pas avancer dans une bulle, à la limite on tourne en rond . C’est pour ça qu’on finit par rencontrer le rouge. Le rouge est certes la couleur de l’amour et de la passion qu’on porte à l’être aimé, mais aussi la colère de son absence et de notre impuissance. Et bien sûr le danger du parcoure du deuil. Le rouge apporte donc ici les émotions que le personnages refoulais en lui. C’est d’ailleurs ce retour des couleurs (couleur donnée par une paume de main, comme celle qui retenais l’héroïne au début de l’aventure) qui va amener à une des plus grande scènes les plus connues du jeu, la grande chute/glissade de la falaise, qui montre ici un levé de soleil, montrant le début de l’implication de l’héroïne dans son deuil.
Cette bourrasque de réalité va être représentée par des bourrasques de vent dans le gameplay. C’est pour ça que le personnage principal va développer une protection. Protection qui va nous donner un recul nécessaire sur le sentiment développé avec l’arrivée du rouge : la colère.


La colère masque le dénie, et d’une certaine façon nous punie (par exemple pour avoir le badge colère il ne faut pas s’énerver avec notre pouvoir) mais surtout créez un ennemi à première vue imbattable : nous même. En fait nan pire que ça, un nous même plus fort, celui qui aurait pu par on ne sait quel miracle empêcher la mort. En clair une chose qui émane de vous (première apparition) mais qui lui, peut voler. Toute la fin du chapitre 2 va d’ailleurs servir à vous montrer que peut importe ce que vous escaladerez, vous ne pourrez pas voler.
Tout le début du chapitre 3 peut prêter à confusion, pourquoi en pleine colère on ne retrouve ni l’impuissance ni la violence du chapitre 2 ? Ma théorie : On masque cette colère car on est face à des gens qui cherchent à nous aider. Ce petit bonhomme et tout ces spectateurs nous regardent, et essaient de nous faire évoluer (le petit bonhomme nous aide même à plusieurs reprises). La violence de la peinture vient donc du fait que tout cela n’est qu’une supercherie. On lui donne quelques pommes pour le rassasier, et on fait semblant de monter pour lui donner une impression d’élévation, c’est d’ailleurs de là que vient le nouveau pouvoir de ce chapitre : on fait semblant de voler. Ah et j’oubliais, le vert représente aussi bien l’espérance que l’échec...tout est dit. On quitte d’ailleurs la forêt en faisant semblant de voler, histoire de rassurer un peu les spectateurs. Ce qui n’a pas fonctionner ici c’est la communication, l’héroïne ne parle pas (dans le jeu ne chante pas), elle se contente de faire ce qu’on lui demande.
Ce vol est plus comparable à une descente aux enfers, tant cet ersatz d’élévation va d’autant plus la mettre face à son impuissance, le fameux monstre en elle. Elle n’arrive pas à le vaincre, elle ne fait que retarder l’inévitable (les cloches sonnante apparaissant comme du temps gagné).


L’impuissance dépassant la colère, l’héroïne se voit maintenant obligée de marchander. J’aurais pu l’installer plus tôt mais laisser la fausse élévation, à la colère me semblait plus judicieux. On peut tout de même se demander avec qui elle compte marchander...et bah personne c’est le principe du deuil, le terme « marchandage » n’est pas vraiment exact, on est plus ici face à une quête de vérité, de sens menée par un espoir que tout revienne à la normale. Le bleu était donc une couleur prédisposée, représentant la sagesse, la sérénité, la vérité, la mélancolie. Ce qu’il faut comprendre ici c’est que les 3 premiers termes sont biaisés par le dernier. Cette fausse quête de vérité va d’ailleurs pousser l’héroïne à plonger toujours plus profondément (le pouvoir de nager est d’ailleurs une des contrepartie de ce marché). Trouvant une certaine beauté dans des profondeurs de plus en plus sombres. On se laisserait presque bercer par des ténèbres qui nous manipulent, nous offrant de vraie fausse phase d’élévations laissant croire à une évolution.


La dépression dans Gris c’est compliqué, elle émane partout tout le temps, si les autres phases sont périodiques, d’autres sentiments sont continuellement présents comme l’impuissance ou la tristesse. Mais on peut quand même pointer la partie après l’apparition du jaune jusqu’à la réobtention de la voix comme représentation d’une dépression avec tour à tours des zones d’ombres, de lumière, la tête sous l’eau et la tête hors de l’eau. Le retour de la voix de l’héroïne signifie qu’elle s’ouvre aux autres et partage ses problèmes, et cette fois ci cette ouverture est bénéfique car elle lui permet de grimper des échelons. Et même si je ne sais pas pourquoi le jaune a été introduit aussi tôt, c’est là que sa dimension festive, joyeuse mais surtout puissante prend tout son sens. Le parallèle avec la colère nous offre une belle leçon, crier fait de nous le plus fort mais avec la détresse vient la chute, parler c’est avouer ses faiblesses, mais en cas de détresse nous seront réellement les plus forts.


L’Acceptation étant la fin du jeu, je n’ai donc rien de particulier à dire dessus, si ce n’est que Gris réussit à s’élever comme prévue. Je peux par contre toucher quelques mots sur la scène finale. Juste avant de grimper dans les étoiles l’héroïne se fait attaquer par l’oiseau qui prend sa tête (ça rejoint avec ce qu’on a dit au début sur lui) pour la faire plonger une dernière fois où on l’a voit se faire dévorer par ses remords. Mais au lieu de retourner à l’État initiale elle décide d’en parler, pour ainsi reconstruire le passé pour avoir un futur. En réapparaissant, l’être aimé l’aide à vaincre ses remords, elle fait ainsi son deuil. Elle est toujours triste (comme le montre cette larme de statue) mais maintenant elle peut avancer.


Pour offrir un début de réponse au premier paragraphe, je dirais que prendre partie est idiot, car l’art ne nous construit réellement qu’en étant multiple, avec plusieurs œuvres creusant au plus profondément l’une ou l’autre des facettes. Les néophytes fans de Fortnite ont sans aucun doute besoin de vivre un Ico ou un Shadows of the Colossus, mais je pense que les faux puristes fans de Journey ont aussi besoin d’un Among Us ou d'un Mario Kart. Gris doit instruire, elle le doit aux joueurs, même à ceux qui ne l’aiment pas, peut-être même qu’un jour ses détracteurs auront besoin de retoucher au jeu, ou l’oublieront-ils, pour d’autres instructions qui leurs parlent plus



Même si Gris nous ment sur la marchandise, on ne peut lui retirer sa trame bouleversante, qui essaie, à sa manière, de nous aider à passer ce qui sera sans doutes les épreuves les plus douloureuses de nos vies



Pour m’aider dans mon analyse, j’exploite mon expérience, les succès steam, la fin secrète, ainsi qu'un revisionnage complet du jeu. Elle ne se base sur aucune critique, elle peut donc différer avec un avis voir l’avis majoritaire.

Créée

le 30 avr. 2021

Critique lue 603 fois

13 j'aime

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Lordlyonor

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