Découvrir Holy Magic Century aujourd'hui, et se lancer dans l'aventure qu'il propose tient presque du sadomasochisme, n'ayons pas peur des mots. Soyons clair : le jeu n'est pas mauvais, non. Il n'est pas bon non plus alors on va voir quelques points montrant pourquoi le jeu laisse un goût âcre ('' j'aurais dis âpre, moi '') malgré toutes les bonnes intentions dont il est doté. Edité par Konami pour l'Europe, sorti sous le nom de HMC en 1998, on le connaît aussi sous le nom de エルテイル モンスターズ (qui, comme vous le savez, signifie « Eltale Monsters ») au Japon et Quest 64 aux États-Unis. Premier point positif, c'est un des seuls RPG de la Nintendo 64 et, premier point négatif, peut-être le seul que l'on ait connu en France... et Dieu créa le paradoxe.
On lance les hostilités sans plus attendre avec l'histoire du jeu et son univers. Plus simpliste et ça aurait tenu sur un quart de feuille en Times New Roman taille 32. On incarne le petit Brian (ou Ayron en Europe), dompteur d'esprit du monastère Melrode, vivant sur l'île de Cetland. Le père du héros a disparu en cherchant un livre magique (Eltale book), volé par un maudit monstre démoniaque. C'est donc tout naturellement qu'on part à sa recherche. Et seul, de préférence ; après tout, que jeunesse se fasse. On parcours donc le monde en traversant villes, forêts, plaines, caves de glace, désert, château, même une mine et tant d'autres surprenantes surprises... On a aussi nos gros clichés, soyons rassurés. Les habitants des villes ne se lassent pas de nous raconter leur vie – qu'on voudra le plus éloignée de la trame, s'il vous plaît – en deux lignes ; d'ailleurs ceux-ci sont soit statiques, soit ils feintent deux, trois pas et se figent. Le tout n'est pas très vivant, en somme. Le chara design, qui se voulait certainement mignon, est bâclé pour un si grand nombre de personnages qu'on ne retient au final que la présence de leur forme approximative au loin. Le monde est toutefois agréable à parcourir malgré le manque d'intérêt lié à son exploration. Les couleurs vives (peut-être trop), rappellent par moments Mario 64, donc ce n'est pas si mal.
Sauf que le jeu est sorti deux ans après Mario. Et entre-temps, on a eu notre lot de références en matière de graphisme (N64 ou PS1) alors on peut râler sans vergogne. Oui, c'est mimi-mignon. Notre héros, même s'il n'est pas très charismatique, a au moins le mérite de paraître sympathique (on ne sait pas, il ne parle pas), du moins reconnaît-on un sourire en permanence sur son visage enfantin. 90% des PNJ du jeu, par contre... amoureux du polygone, bâfrez jusqu'à plus d'âme. C'est dans l'ensemble informe et leurs expressions faciales, au mieux neutres, sont à certains moments plutôt flippantes. Les décors sont par contre assez bien rendus et si on adhère à la vivacité presque exagérée des couleurs, on a un petit monde sympa, joli et sans prétention. Bon point !

Mais on est bien vite confronté à un des gros soucis du soft. C'est un constat qu'on peut faire pour beaucoup de jeux sortis sur cette console donc on ne va pas être trop méchant avec HMC, mais la caméra rend dingue.Vas-y que je vadrouille en plongée sur la droite en me coinçant dans un mur ; vas-y que je bouge tellement vite et sans raison précise que tu ne sais plus d'où tu viens... En fait, c'est le pire ennemi du jeu, j'y reviendrai.


Dans la plupart des RPG, plus spécialement les japonais, les persos gagnent des niveaux grâce aux point d’expérience récoltés en combattant ; ainsi nos statistiques évoluent en même temps à moins qu'il ne s'agisse d'un système de points à distribuer parmi les compétences. Ici, nous en avons un similaire à Final Fantasy II. Pendant un combat, prendre des coups augmente la défense, bouger monte l'agilité, frapper avec la canne augmente – bien entendu – les HP et l'utilisation de la magie booste les MP. Rien de folichon mais attractif et addictif. De plus, c'est un coup de frais bien reçu, on ne peut que saluer l'initiative. Notre petit moine ne s'encombrera pas pour autant de niveaux à grimper. La seule autre évolution possible dans le jeu concerne les magies. Pour résumer, il y en a quatre... suspens... correspondant aux... wait for it... éléments de feu, eau, terre et vent. Elles peuvent être offensives ou défensives pour chaque élément suivant le niveau de celles-ci. 50 niveaux par magie maximum.

Cela semble beaucoup mais on en arrive vite à concentrer ses effort sur une seule voir deux magie pour plus d'« efficacité ». On peut toutefois combiner des magies entre elles pour lancer des nouveaux sorts mais bon... Pour faire évoluer les magies on trouve ça et là des esprits, cachés au milieu de l'évidence et, de temps en temps, on « gagne un niveau ? » après un combat sans trop savoir comment, ce qui a pour seul but d'améliorer une magie de la même manière qu'on trouve un esprit. Voilà voilà pour la progression du personnage... Oui, c'est tout : pas d'armes, pas d'armures, pas d'argent. Mais rassurons-nous, cela ne gâche en rien les dizaines d'heures nécessaires de monster bashing.
Sinon, on peut évoquer la progression de ville en ville, de zone à zone. Voilà, c'est à peu près tout. On va de A à B, sans jamais avoir besoin de retourner (une ou deux fois max, allez), à A. Les architectures manquent d'âme et les PNJ se disputent la palme du plus inutile. Du coup, voici le schéma habituel : on fait le tour de la ville pour trouver un esprit ou deux, on fait toutes les maisons pour trouver un esprit ou deux, ensuite on va chercher l'aile qui permet de se téléporter dans la ville si on est pris de nostalgie, puis on va dans le château s'il y en a un pour parler à la reine ou au roi.
Comme dit précédemment, tout se passe en ligne droite. Même les « donjons » ne contiennent pas une espèce de semblant d'énigme. La caméra se charge de la difficulté et c'est ce qu'il y a de plus pénible dans ce jeu. On a beau savoir où aller, d'où l'on vient, se fier à la boussole en haut à droite de l'écran... la caméra est tellement malveillante qu'on peut se perdre dans un couloir ou revenir au point de départ après une traversée de dix minutes, combats compris.
A noter aussi le regain de MP en marchant : en quelques petites foulées, le héros régénère progressivement ses pouvoirs magiques et comme les combats ne peuvent pas avoir lieu dans des zones restreintes, on a la possibilité de ne pas rentrer en ville pour se soigner, à condition d'améliorer le niveau de la magie de l'eau. On peut en théorie faire l'ensemble du jeu à combattre, ce qui confirme le leitmotiv levelling. Si l'on va par là, l'histoire sert uniquement d'excuse à une progression linéaire.


Les phases de levelling intensifs sont donc indispensables. On aime ou on n'aime pas. En tout cas, c'est un principe vieux comme le monde et le concept de combat développé dans ce jeu est tout à fait louable. C'est même ce qu'il y a de plus abouti, c'est dire. Il n'y a pas de transition entre les phases d'exploration et les phase de combat, ce qui donne un côté assez réaliste à l'aventure et dynamise un peu le tout. Mine de rien, ce n'est pas de trop, loin de là. On peut bouger au sein de la zone de combat : un polygone encercle le joueur et on peut se déplacer à l'intérieur. Les ennemis ont aussi le leur alors on peut en théorie s'éloigner d'eux, ou éviter peut-être leurs attaques, car on a aussi la possibilité de se mouvoir pendant l'offensive ennemie peut-être... En fait c'est un peu aléatoire, pour parler poliment. Quand un ennemi effectue des attaques corps-à-corps on se prend tout dans la ganache, normal ; mais parfois ils utilisent aussi la magie et, oh ! On peut esquiver la ma... ah non, en fait c'est de la chance. La plupart des magies qu'utilisent les ennemis vous poursuivent donc vous avez beau les esquiver dans un premier temps, les sorts s'acharneront sur vous dans tous les cas ; seules quelques-unes comme les rock ou waterpillar, voir un ou deux rayons lasers pourront être évités si la distance et les bugs le permettent.

Niveau stratégie, on pourrait s'attendre à quelque chose d'élaboré. Maaaaais nooooon ! Le bâton reste le plus fiable jusqu'à ce qu'on débloque des AOE, utiles vers la fin du jeu pour venir plus rapidement à bout de trois ou quatre ennemis en même temps. D'ailleurs, et désolé pour le spoil, mais le boss de fin se fait entièrement au bâton, c'est comme ça, c'est la stratégie la plus efficace. What else ? Ah oui, les miss : environ un quart des attaques... non non, c'est pas chiant, c'est amusant... Enfin, but not least, la caméra saura vous enlever tout espoir dans les moments les plus critiques, voir même occulter tout ce qui se passe sur le champs de bataille. Votre serviteur a été témoin de luttes harassantes qui se déroulaient derrière les polygones marrons (rochers et pierres) sans aucun moyen de recentrer la vue sur le petit magicien. A noter que pour frapper avec le bâton, on doit s'approcher de l'ennemi et attendre de voir apparaître l'icône de l'arme, là on appuie sur A et on tape...dans le plus fun des cas, la caméra bouge toute seule un dixième de seconde après l'apparition de l'image, ce qui fait qu'on appuie naïvement sur A pour... passer son tour !
Sinon, au niveau sonore, rien de spécial à signaler. Ce n'est pas transcendant, ce n'est pas dégueulasse. Au moins, on peut reconnaître l'effort au niveau de l'ambiance générale, qui manque cruellement de pep's, mais compensée par une trame musicale adaptée et cohérente. Sans en prendre plein la gueule, la modestie mélodique est, chose surprenante, très agréable et on se surprend par moment à avoir en tête ou à chantonner quelques airs. C'est efficace, adéquat, entêtant sans rendre fou. Seul bémol pour la musique des combats qui rappelle celle de FF VII, mais en beaucoup, beaucoup, beaucoup plus horripilant : déjà parce que c'est moche et répétitif, mais surtout à cause de la fréquence de ceux-ci.


La plupart des « mauvais jeux » sont mauvais pour des raisons souvent évidentes : difficulté abusée mais surtout mise en valeur par des défauts de gameplay ou des oublis ou des erreurs de codage. HMC, malgré tous ses défauts, n'en est pas un pour autant. Si toutes les sections abordées énumèrent l'ensemble de ses points faibles, aussi étrange que cela puisse paraître, c'est le genre de jeu que l'on conseillerait sincèrement à un pote. Les bonnes intentions et l'originalité paradoxale, c'est-à-dire un mélange bancal entre vieux et neuf, assez déstabilisant, laissent un souvenir au mieux sympathique, au pire anecdotique.

Rappelons quand même que pour un jeu dont le but est de récolter des esprits pour améliorer ses compétences magiques, et dont le héros est un magicien, le paradoxe ultime est de dézinguer tout le monde en ne se servant que de sa canne...
Pour synthétiser un peu tout ça, disons qu'il faut aborder ce jeu avec une indulgence maîtrisée. Cela ne veut pas dire qu'il faut tout lui pardonner ('manquerait plus que ça) mais c'est un RPG de N64, son monde enfantin est complètement assumé et il a le mérite de ne pas être évident malgré sa simplicité de gameplay. On sait dans quoi on met les pieds donc le mieux reste encore de
lui donner sa chance car il le mérite largement.


A savoir : deux versions de Holy Magic Century sont sorti plus tard sur Game Boy color. Les deux jeux n'ont absolument rien à voir l'un avec l'autre mais il est toujours intéressant de savoir de quoi il en retourne.

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le 7 févr. 2016

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