I Am Alive
6.4
I Am Alive

Jeu de Ubisoft Shanghai et Ubisoft (2012Xbox 360)

«I Am Alive», revenu d'entre les morts

S'il y a bien une activité inutile, une fois la manette en main, c'est la marche. Dans un jeu vidéo, on ne marche jamais. Sitôt que le joueur contrôle son avatar pour aller d'un point à un autre, il court. Ou il sprinte, au choix. Et si, parfois, il est amené à se déplacer plus lentement, c'est pour ne pas se faire repérer. La marche, en tant que simple mode de déplacement, est une aberration pour le gamer, toujours impatient de rencontrer son prochain adversaire ou d'accomplir sa prochaine mission. Adam, lui, marche. Un pas après l'autre.

Ce n'est pas une flânerie tranquille. Le héros de I Am Alive (« je suis vivant ») est au milieu d'une avenue de Haventon, ville américaine détruite après « le choc », un cataclysme mondial qui a tout dévasté un an auparavant. Il marche, car au niveau de la rue, l'air est presque irrespirable à cause d'un nuage de poussière qui empêche de voir à 15 mètres. En courant, il s'épuiserait trop vite et n'aurait pas le temps de repérer les lieux. Alors il avance, en essayant de repérer les points en hauteur où il pourrait reprendre son souffle. Adam n'était pas à Haventon lors de la catastrophe, et il a mis une année à revenir sur les lieux où sont restées sa femme et sa fille dont il n'a plus aucune nouvelle. Il doit donc se frayer un chemin dans cette ville peuplée de rescapés apeurés et de gangs ayant opté pour la survie en mode « dépouille ton prochain ».

I Am Alive est un jeu lui-même survivant. Son développement fut si chaotique que ses chances de voir le jour ont été considérées comme minces pendant longtemps. Il est présenté par Ubisoft pour la première fois en juillet 2008 à l'E3 de Los Angeles. Aux commandes, le studio français Darkworks, connu pour deux productions ambitieuses à défaut d'être vraiment réussies, Alone in the Dark : The New Nightmare en 2001 et Cold Fear en 2005. Les premières images présentent un héros tentant de s'en sortir après un tremblement de terre à Chicago, et le jeu doit se jouer en vue subjective. Mais un an plus tard, Ubisoft annonce que le développement est retiré à Darkworks et confié à son studio chinois situé à Shanghai pour une sortie prévue entre fin 2010 et début 2011. Dans les faits, Ubisoft Shanghai a tout repris à zéro pour ne garder qu'une ambiance de mégalopole détruite. Et le titre.

Pourtant, le I Am Alive version Darkworks existe, même s'il ne verra sans doute jamais le jour pour le public. Libération a eu l'occasion d'y jouer. Il débute par le tremblement de terre, et le joueur contrôle un employé de bureau qui part à la recherche de sa petite amie. En quelques jours, Chicago sombre dans la sauvagerie. Le gameplay est surtout orienté infiltration (éviter de se faire voir) avec quelques séquences de fuites, dans un parking en train de s'écrouler par exemple, qui ne sont pas sans rappeler le petit bijou Mirror's Edge. Mais difficile de s'attacher à cette version-là, car au-delà d'un manque compréhensible de finitions, la trame narrative y est bien trop superficielle et plusieurs séquences de jeu répétitives à outrance. Parcourir cet univers qui n'aura pas l'occasion d'accueillir le moindre joueur a néanmoins quelque chose d'étrange. De mélancolique, presque.

Disponible en téléchargement, I Am Alive version Shanghai est une petite perle ludique accessible pour un prix dérisoire (lire ci-dessous). Adam n'a rien d'un super-héros, même s'il a des prédispositions heureuses pour la grimpette, et doit faire attention aux ressources dont il dispose (médicaments, eau, boîtes de conserve, etc.). Ces mêmes denrées seront d'ailleurs nécessaires pour venir en aide à quelques rescapés. Les sauver relèvera souvent du choix cornélien. Le scénario, habilement mis en scène à travers un caméscope, sans relever du chef-d'œuvre, traite avec finesse les relations d'Adam avec certains personnages, notamment Mei, une petite fille mal en point.

Au-delà d'une ambiance réaliste et d'un environnement sonore très cohérent, I Am Alive se distingue aussi par des trouvailles de gameplay. Les situations de conflit, d'abord, qui doivent se régler avec, souvent, une seule balle dans le chargeur. Mais pointer un flingue, même vide, calme certains penchants agressifs. Ensuite, la paranoïa ambiante qui incite par exemple un rescapé inoffensif à tirer s'il voit un énergumène courir vers lui. Et enfin, cette petite barre blanche qui représente l'endurance d'Adam. Elle diminue progressivement en cas d'effort (courir, grimper, marcher dans la poussière) mais remonte rapidement au repos. Une fois vide, Adam peut tenir sur ses réserves, ce qui fait diminuer la limite de cette barre lorsqu'elle se remplira à nouveau et rendra encore plus compliquées les actions suivantes. Il faut se réhydrater pour retrouver sa forme initiale. Alors on marche, on évite de se fatiguer trop vite. Et surtout, on observe longuement son environnement, pour éviter les décisions malheureuses. I Am Alive, « Je suis vivant », loin d'une simple constatation, devient un précepte qui régit toute la progression du joueur. C'est vraiment ce qu'on appelle la survie.
Erwan
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le 29 mars 2012

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